La Guyane est la terre de tous les paradoxes. Les fusées décollent au milieu d'une économie tiers-mondiste, nous regorgeons de richesses minières et nous n'avons pas suffisamment d'argent pour ouvrir des lycées, etc. La Guyane détient un autre paradoxe, celui d'avoir la bourgeoisie en moyenne la plus riche de France et le nombre le plus important de pauvres des territoires administrés par la France !
Ainsi, l'étude des données fiscales1, nous apprend que la Guyane est le territoire où les contribuables qui payent l’Impôt Sur le Fortune (ISF), sont en moyenne les plus riches de France. Pour la ville de Cayenne, 66 foyers fiscaux ont payé l'ISF en 2011, ce qui représente 0,1% des contribuables de cette ville, bien loin des 12,33% de Neuilly sur Seine. Pourtant, le patrimoine moyen déclaré par ces 66 personnes est de 2,6 millions d'euros, devant Paris avec 2,25 millions d'euros, ou la Martinique avec 2,15 millions d'euros ! C'est-à-dire, que la bourgeoisie guyanaise est en moyenne la plus riche de France ! Cependant, aucune famille guyanaise n'arrive dans le top 500 des plus grandes fortunes de France et l'entreprise guyanaise la plus riche est classé en 49ème position des entreprises des Départements d'Outre-Mer. Il semble donc, que la bourgeoisie guyanaise n'a pas, ou peu, accumulé son capital par le biais de l'entrepreneuriat, mais plutôt grâce au foncier. Les prix du foncier ont totalement explosé sur les 20 dernières années, si bien que sur de grands terrains familiaux on a vu fleurir de nombreuses villas qui se louent et se vendent à prix d'or. Les constructions immobilières tirent depuis plus de 20 ans l'économie guyanaise. Malgré cela, l'offre ne couvre pas les énormes besoins et les prix montent en flèche ! Le prix moyen du m² en Guyane a atteint les 2500€ !
A l'opposé, la Guyane détient le record de pauvreté des territoires français. Si l'on applique les mêmes méthodes de calcule qu'en France2, plus de 60% des guyanais sont pauvres. Selon l'Agence Régionale de la Santé3, en 2010, 31,2% de la population était bénéficiaire de la CMU et 9,3% de l'AME. Ce qui représente plus de 40% de guyanais vivant avec des revenus inférieurs à 300€ mensuels, ou bénéficiant des minimas sociaux. A titre de comparaison, seul 7,9% des parisiens et 4% des habitants du département des Hauts de Seine bénéficient de la CMU. Évidemment, les guyanais pauvres ne peuvent prétendre à se loger aux prix exorbitants du marché !
Ce constat pose à nouveau le problème de l'accès à un logement digne en Guyane. Nous observons un nombre de constructions records, mais mal adaptées aux réels besoins de la population. On voit sortir de terre tous les jours de grands ensembles avec des appartements T1 ou T2 hors de prix, financés largement par toutes les lois d’exonérations fiscales spécifiques aux Outres Mer. Ces constructions bénéficient à une partie de la bourgeoisie guyanaise, ainsi qu'à de nombreux propriétaires de France qui ne mettront jamais les pieds en Guyane ! A coté de cela, se développe à la même vitesse des bidonvilles aux logements insalubres ! Cela reste encore la seule réponse qu'a trouvé la population pour avoir un toit sur la tête !
Alors, rappelons-nous des paroles de Mitterrand en 1985 lorsqu'il assista au tire d'une fusée Ariane « Comment pouvons-nous continuer à lancer des fusées sur fond de bidonvilles ? » Qu'a t-on fait depuis les 30 ans qui nous séparent de ce constat ? A t-on créé les logements sociaux nécessaires en Guyane ? Qu'a t-on fait pour contrer la spéculation immobilière ? Combien de temps encore regardera t-on les fusées décoller par dessus les toits de nos bidonvilles ?
1 Direction générale des finances publiques, 2011
2Le taux de pauvreté en Guyane n'est pas calculé avec le même seuil qu'en France, ce qui le diminue artificiellement. Il faut gagner moins de 558€/mois en Guyane pour être pauvre contre 987€ en France !
3Projet Régional de santé 2011-2015
 
                 
             
            