Il y a encore peu de temps, Auplata se présentait comme le premier producteur d'or de la Guyane Française. L'activité du groupe s'organise essentiellement autour de l'extraction et du traitement du minerai, il est coté à la bourse de Paris avec un capital estimé à 51 millions de dollars. Depuis 2006, Auplata revendique avoir extrait 4,5 tonnes d'or1. En 2014, Auplata a vendu 462kg d'or affiné pour une production de 505 kg. Depuis 2015 la production d'Auplata2 est en baisse, l'entreprise a vendu 274 Kg d'orpour une production de 298 kg, soit un chiffre d'affaires de 12 millions d'euros. En 2016, le chiffre d'affaires d'Auplata est en baisse à 9 millions d'euros, avec seulement 235 kg d'or produit pour 220 kg d'or vendu. Cette baisse de production est liée à une volonté stratégique du groupe, qui depuis 2016 s'est réorienté davantage vers la cyanuration que vers l'extraction économiquement plus coûteuse. Par conséquent, depuis 2015, c'est la Compagnie Minière Espérance3 de la famille Ostorero qui est devenue le premier producteur d'or français avec des objectifs d'extraction de 350 kg en 2015 et 500kg en 2016, Auplata devenant alors le premier producteur d'or français coté en bourse. Cette situation pourrait changer en 2017, avec la mise en place de la cyanuration qui devrait permettre de récupérer de grandes quantités d'or sur le minerai déjà extrait et donc à moindre coût.
L'activité d'Auplata
Le groupe exploite 3 mines implantées en Guyane : Dieu Merci, Yaou, Dorlin. Il exploite également le site Elisé/Paul Isnard au travers d'un contrat d'amidiation. Au total, Auplata dispose de plus de 700 km2 de permis et de titres miniers en Guyane. Auplata mène également des explorations sur les sites de Couriège, Bon Espoir et d'Iracoubo Sud, ce dernier site s'étend sur une surface de 300km². En vue d'exploiter prochainement ces sites, Auplata a passé un accord avec Newmont Mining, qui pourra engager des dépenses à hauteur de 12 millions de Dollars. En contrepartie, Newmont Mining devient propriétaire à 51% de Armina Ressources Minières4, anciennement Golden Star Ressources Minières rachetée en 2010 par Auplata et actuelle propriétaire du site. A l'issue de cet accord avec Newmont Mining, Auplata garde 49% du capital de Armina Ressources Minières. Newmont Mining est une « major » étasunienne de l'or, numéro deux mondiale. Il est fréquent que des « petites » entreprises minières fassent appel à des « major », notamment, pour la réalisation des prospections et de l'extraction qui nécessitent beaucoup d'investissement. En contrepartie, les « major » deviennent co-propriétaires des sites aurifères.
Auplata est également impliquée dans le projet de la Montagne d'or située sur le site de Paul Isnard. Il s'agit du plus gros projet minier qu'ait jamais connu le territoire français, les réserves d'or y sont estimées à 150 tonnes d'or soit 5,4 milliards d'euros, cela représente plus que l'ensemble des richesses produites chaque année par la Guyane, estimées à environ 4 milliards d'euros. La production annuelle serait de 7,6 tonnes, contre 1,6 tonnes d'or extraites légalement en 2016en Guyane. Ce site appartient à Colombus Gold, entreprise minière cotée à la bourse de Toronto au Canada. Columbus Gold est détenue à 12,5% par Euro Ressources, cotée à la bourse de Paris, elle même détenue à 90% par Iam Gold, groupe aurifère canadien. Pour sa part, Auplata revendique détenir 30% du capital de Columbus Gold5, ce qui en fait un des grands bénéficiaires de la future exploitation de la Montagne d'or. Columbus Gold avec « seulement »100 millions de dollars de capital, a dû faire appel à la « major » britannique Nord Gold (au capital de près de 2 milliards de dollars) pour financer l'exploration et, en partie, l'exploitation du site. En contrepartie, Nord Gold peut devenir l'actionnaire majoritaire du site.
Depuis juin 2015, Auplata est également présente en Afrique grâce au rachat du groupe OMCI (Osead Mining Cote d'Ivoire) en Côte d'Ivoire qui prévoit l'exploitation de deux sites dont le substrat géologique est identique à celui de la Montagne d'or en Guyane.
Une nouvelle orientation stratégique
Depuis 2016, Auplata conduit une nouvelle orientation stratégique. Après avoir supprimé 28 postes en 2016, la société a quasiment abandonné l'extraction minière jugée trop coûteuse en main d’œuvre. Ainsi, on est passé6 de 79% (240kg sur 301kg) de l'or produit en 2015 issu de la sous-traitance, à 86% (202kg sur 235kg) en 2016. Auplata explique cette augmentation de recours à la sous-traitance par une stratégie d'orientation vers la cyanuration. La technique de cyanuration consiste à mélanger du cyanure, ou un dérivé, au minerai afin de récupérer de plus grandes quantités d'or pur. Cette technique peut permettre d'obtenir des rendements proches de 100%7 d'or extrait du minerai. Selon Auplata8, le minerai ayant déjà été traité par gravimétrie pourrait ainsi donner la même quantité d'or que ce qu'il a produit, on passerai alors à un rendement de 25% à 55%. Ainsi, sans la moindre activité extractive, Auplata9 espère récupérer une part importante de la tonne d'or estimée dans le minerai déjà traité par gravimétrie du site de Dieu Merci. Sa projection est de produire10 600kg d'or par an à compter du second trimestre 2017 pour la seule mine de Dieu Merci. D'autres installations d'usines de cyanuration sont envisagées sur les autres sites miniers, Auplata est actuellement en attente des autorisations ministérielles. En effet, ces installations nécessitent des autorisations ministérielles, car rappelons que le cyanure est un produit extrêmement toxique et que son utilisation fait encore beaucoup de débat au vue des risques qui y sont liés.
Le recours à la sous-traitance facilite-t-il les activités illégales ?
Intéressons-nous maintenant au système de sous-traitance mis en place par Auplata. En 2015, trois entreprises représentaient 75% de la sous-traitance d'Auplata. La société Minière de Guyane est le principal sous-traitant d'Auplata. Cette société, créée par Nagib Beydoun, Directeur Général Délégué d'Auplata jusque fin 2016, a produit près de 40% de la production externalisée en 2015. Toutes les sociétés sous-traitantes extraient de l'or alluvionnaire (de surface) par gravimétrie (sans produits chimiques). Cette technique ne nécessite pas beaucoup d'investissement, mais est très peu rentable, car elle requiert une importante main d’œuvre, pour un rendement assez faible de l'ordre de 25% de l'or contenu dans la roche. Pour être rentable, cette technique nécessite donc d'avoir soit une forte concentration en or dans la roche, soit un coût en main d’œuvre extrêmement faible. Les concentration d'or des sites alluvionnaires sont généralement assez faibles, aux alentours de 1 g/ tonne de roche. Auplata a d'ailleurs fermé son site de Yaou11 à cause de la baisse du cours boursier de l'or et ne compte le rouvrir qu'avec la mise en place d'une usine de cyanuration d'ici 2018. Jean François Fourt, le Directeur d'Auplata affirme même : « il n’est pas possible de gagner de l’argent avec de la gravimétrie12". Pourtant Auplata rachète l'or à ses sous-traitants à 85% du prix du cours boursier, soit environ 30€ le gramme. Pour le grand projet de la Montagne d'or, l'extraction industrielle doit permettre d'abaisser les coûts de production au maximum. Cependant, Columbus Gold prévoit un coût de revient d'environ 30€ par tonne de roche extraite. Alors comment les sous-traitants peuvent-ils vendre l'or à 30€ le gramme quand le coût de revient devrait être largement supérieur ? En effet, si l'on se base sur un site particulièrement concentré en or à environ 2g/tonne, comme c'est le cas sur la Montagne d'or, les techniques d'extractiongravimétrique (rendement à 25%) permettraient d'extraire 1g d'or pour 2 tonnes de minerai. Or, comme nous venons de le voir, il semble peu probable que l'extraction d'une tonne de roche coûte moins de 30€. Ainsi, produire 1g d'or coûterait au minimum 60€ pour une revente à 36€ !
Trois explications peuvent être avancées :
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- soit les travailleurs miniers sont extrêmement sous rémunérés, bien en dessous du minimum imposé par le code du travail, ce qui permet d'abaisser le coût de production
soit une partie de l'or provient des lieux de production illégale qui ont pour caractéristique d'avoir des coûts de main d’œuvre quasi absents. En effet, les « garimpeiros » travaillent sur le modèle des « fazendas » du Nordeste du Brésil, c'est-à- dire, que les travailleurs reversent la quasi intégralité de leur salaire aux responsables du site minier pour pouvoir se nourrir, se loger ou se divertir. Ainsi, pour les patrons des sites miniers illégaux, l'or produit ne leur coûte quasiment rien, ce qui leur permet de grosses plus-values sans avoir besoin de vendre l'or au prix du marché boursier.
Soit, enfin, ils utilisent d'autres techniques que la gravimétrie, notamment du mercure, pour augmenter les rendements. En effet, le traitement par mercure de la roche permet généralement d'obtenir un rendement aux alentours de 60%. Le problème est que cette technique est formellement interdite et gravement polluante pour la population.
Ce sont ces risques qu'évoquait en 2015 un actionnaire13 d'Auplata en affirmant : «en confiant une partie de la responsabilité de la production d’or, le groupe est exposé aux malversations, vols et autres activités illégales des sous-traitants ». Selon ce même actionnaire, « les contrats signés avec ces sous-traitants prévoient que le Groupe peut procéder, sans préavis, à des contrôles réguliers permettant de vérifier la conformité de leurs activités ». Un autre actionnaire s'étonne du chiffre d'affaire annoncé en 201514 : « Auplata qui achète le minerai aux sous-traitants 85% du prix de l'or [...] les sous traitants payeraient pour livrer leur minerai à Auplata ! ».
L'actionnariat d'Auplata, un groupe inséré dans le réseau capitaliste et néo-colonial.
Maintenant que l'on a vu l'activité d'Auplata, intéressons-nous aux propriétaires de cette entreprise et à leurs connections au monde de la finance.
Les principaux actionnaires d'Auplata sont des fonds de gestion d'actif, ce que l'on appelle communément des fonds de pensions. Le principal actionnaire d'Auplata est un fond de pension « 4T Commodities » appartenant à Jean François Fourt, actuel président du conseil d'administration et Directeur Général d'Auplata. Ce fond de pension détient 13,5% des actions d'Auplata. D'autres directeurs sont également actionnaires d'Auplata, comme, par exemple, Paul Emmanuel de Becker-Remy, descendant d'une famille aristocrate Belge, qui détient des parts à son nom propre ainsi que via sa société Hydrosol. On constate également que plusieurs directeurs sont également dirigeants d'autres compagnies minières. C'est le cas, par exemple, de la Compagnie Minière de Touissit (CMT) qui est dirigée par quatre des directeurs d'Auplata (Tamagno, Fourt, Crohare et Lagny).
Celui qui symbolise le mieux l'imbrication d'Auplata dans le réseau néo-colonial est son Président, Jean François Fourt. Commençons par son CV15, il est titulaire d'un MBA de l'Université d'État de San Francisco (États-Unis), d'un diplôme d'ingénierie de l'École Nationale Supérieure de Chimie de Toulouse et d'un Master en biochimie de l'Institut National Polytechnique de Toulouse. Il est fondateur et Président de la société OSEAD, société minière Luxembourgeoise et fondateur de 4T Commodities and Emerging Markets Management Company SA (4T SA), société de gestion de droit luxembourgeois qui gère plusieurs fonds de titrisation, dont le fond "4T Commodities and Emerging Markets" dédié à l'or et qui détient les titres d'AUPLATA. Il préside également la Compagnie Minière de Touissit (CMT) cotée à la bourse de Casablanca, OSEAD Maroc Mining, OSEAD Mauritanie, OSEAD Mining Côte d'Ivoire (OMCI, filiale d'Auplata), et gère Les Truffieres De L'Ubac et Ubac Developpement. Il a également des responsabilités de direction dans Acerde, Actility, Croissance Bois, Eco-Carbone, Maison Oregon, Neelogy, New Generation Natural Gas, Novad et SP3H. Grâce à sa société de gestion de fond 4T SA, il lève des fonds pour plusieurs des projets de ses entreprises. Il a ainsi réussi à lever plus d'un milliard d'euros de fonds pour divers projets, dont trois projets miniers menés par ses sociétés OSEAD (spécialisées dans l'extraction d'hydrocarbures des sables bitumineux, présentes particulièrement en Afrique), la CMT (qui extrait des métaux de base, des métaux précieux et des minéraux industriels en Afrique) et Auplata spécialisée dans l'extraction d'or en Guyane et en Afrique. Notons que OSEAD vient de créer une filiale avec la CMT et Azizi (compagnie minière mauritanienne) pour extraire l'Uranium en Mauritanie16. Enfin, la société 4T SA a installé son siège social à Londres et des antennes à Casablanca et Montréal. Le but de cette société est de permettre d'importants Taux de Retours sur Investissements (TRI) à ses investisseurs comme le dit son président fondateur : « Au fils des années, j’ai eu la chance de constituer une grande communauté de partners à travers le monde […] qui ont pu réaliser de belles opérations avec des TRI importants. Ils constituent aujourd’hui le socle des souscripteurs de ce nouveau fonds ». Pour permettre des Taux de Retours sur Investissements élevés, les fonds de gestion investissent soit dans des entreprises innovantes ou avec une faible concurrence, soit, comme ont l'a vu ces dernières années, notamment en France, ils investissent dans des entreprises en difficulté, récupèrent des aides publiques, compriment les effectifs, puis partent avant que l'entreprise ne s'effondre. Un des levier utilisé par ces dirigeants pour maximiser les profits peut se résumer dans l'achat et la vente des actions d'Auplata par la CMT (Compagnie Minière du Touissit), qui a permis une plus-value de 18% (71,5 millions de dinars) à la CMT17, dont le président et actionnaire principal n'est autre que … Jean François Fourt.
Comme nous l'aurons compris, Auplata, premier producteur d'or français coté en bourse est une entreprise impérialiste qui vient extraire l'or dans les zones sous influence française que sont la Guyane et la Côte d'Ivoire. Par le biais de ces dirigeants, Auplata est inscrit dans les réseaux néocoloniaux d'exploitation des matières premières de l'Afrique de l'Ouest. Enfin, son dirigeant Jean François Fourt, symbolise à lui seul la rapacité capitaliste qui, par le biais de ces fonds de pensions, cherche sans cesse à maximiser les profits. Comme on peut le craindre, ces profits se font toujours aux détriments des territoires investis.
1http://www.auplata.fr/pdf/AUPLATA-Slideshow-080616.pdf
2http://www.auplata.fr/pdf/AUPLATA_CP_CA-2016+GOUVERNANCE_16022017_VF.pdf
3http://esperancegoldmine.com/index.php/en/lentreprise/
4http://www.auplata.fr/iracoubo-sud.php
5https://www.zonebourse.com/AUPLATA-39138/actualite/AUPLATA-Accord-entre-Columbus-Gold-et-Nordgold-pour-le-gisement-minier-dit-de-la-Montagne-d-Or-sur-17282289/
6http://www.zonebourse.com/AU-PLATA-39138/actualite/Au-Plata-Production-d-or-2016-16-02-2017-23890235/
7https://www.orobel.biz/info/afrique/orobel/or-cyanuration-cyanurisation-or.html
8http://www.auplata.fr/techniques.php
9http://www.zonebourse.com/AUPLATA-SA-10284687/actualite/Auplata-Sa-Transformation-strategique-du-modele-economique-d-Auplata-plein-cap-sur-la-cyanu-21949455/
10http://www.auplata.fr/pdf/AUPLATA-Slideshow-080616.pdf
11http://www.auplata.fr/yaou.php
12http://www.usinenouvelle.com/article/a-dieu-merci-en-guyane-le-renouveau-minier-d-auplata.N369545
13http://www.boursorama.com/forum-auplata-auplata-la-sous-traitance-2014-437079166-1?symbole=1rPALAUP
14https://www.abcbourse.com/forums/msg507354_auplata-premier-producteur-dor-francais-cote-en-bourse-.aspx
15http://www.auplata.fr/pdf/AUPLATA-Slideshow-080616.pdf
16http://www.capital.fr/bourse/communiques/osead-france-societe-miniere-annonce-la-creation-de-sa-filiale-en-mauritanie-avec-le-groupe-azizi-mauritanie-et-la-compagnie-miniere-de-touissit-maroc-pour-l-exploration-et-l-exploitation-de-mines-d-uranium
17www.media24.com