1ère partie :
La question de savoir si la cause directe de la situation économique et sociale que nous subissons depuis trente-quarante ans est économique ou politique est rarement soulevée. La réponse à cette question est pourtant d'une importance considérable car elle explique en grande partie pourquoi nous sommes totalement impuissants devant les coups qui ne cessent de s'abattre sur nous jour après jour, de plus en plus violents et de plus en plus fréquents. Car la réponse communément admise à cette question est en effet celle qui fait porter sur l'ensemble de la sphère économique (banques, organismes financiers d'Etat ou privés, commerce international, etc...) l'entière responsabilité de la situation actuelle. Et comment s'attaquer à cet ensemble si vaste, si disparate, si puissant (financièrement ; juridiquement ; politiquement ; intellectuellement ; techniquement), totalement libre d'agir comme il lui plaît au mieux de ses seuls intérêts, et qu'il nous est impossible de nommer ou de désigner autrement que par : les banquiers ; les financiers ; les spéculateurs ; les traders ; les hedge-funds ; le FMI ; la BCE ; les paradis fiscaux ; etc. ? Et comment pourrait-on imaginer une autre réponse à cette question quand on nous ressasse du matin au soir depuis des années que nous avons une énorme dette à rembourser, une dette qui plombe nos comptes et qui met déjà des Etats souverains sous tutelle (berceau de la démocratie pour le premier d'entre eux à passer à la trappe) ? Oui, a priori cela ne semble faire aucun doute, la situation que nous traversons a bien pour seule et unique origine notre propension à vivre au-dessus de nos moyens et la réponse à la question initiale est bien que la crise que nous traversons est d'ordre économique. Que pouvons nous faire alors ? Rien, absolument rien pour toutes les raisons précédemment citées. Rien à part nous serrer la ceinture et voir nos conditions d'existence devenir de plus en plus dures, de plus en plus incertaines, chaque jour qui passe nous apportant son lot de pays qui vont encore plus mal que le nôtre. Belle consolation pour certains qui sont bien heureux d'avoir un sort encore un peu meilleur mais qui ne se bercent pas d'illusions : le sentiment que cela risque fort de nous arriver bientôt à nous aussi est dans toutes les têtes, bien ancré.
Economique, donc, et il n'y a pas à sortir de là.
Mais supposons...
Émettons l'hypothèse complètement farfelue, contraire à toutes les évidences, contraire à tout ce qu'on nous a enfoncé dans le crâne des années durant, selon laquelle l'économie n'a strictement rien à voir dans tout ça, (entendons bien en tant que cause directe de la situation). Et osons aller plus loin en déduisant que si la cause directe de la situation n'est pas imputable à la sphère économique, elle a de fortes chances d'être politique. Politique, donc. Bon d'accord mais qu'est-ce que cela change ? Cela change tout...
2ème partie :
Le politique serait, par hypothèse, la cause directe de la situation présente, qui résulterait de sa volonté délibérée d'instaurer un système qui présente toute les caractéristiques actuelles d'inégalités, de domination d'une minorité sur une majorité d'exploités, etc.. Pour preuves : les paradis fiscaux (qui ne répondent à aucune nécessité économique) ne peuvent exister que par la volonté politique des principaux gouvernements en place ; la règle qui interdit à la BCE de prêter directement aux Etats émane elle aussi d'une décision purement politique et non pas de quelques circonstances économiques que ce soit qui auraient rendu cette règle indispensable au point d'exiger son inscription dans chaque Constitution. Cette dernière décision - politique - étant directement à l'origine de la crise de la dette que nous connaissons. Autrement dit, nous avons sous les yeux tous les éléments qui prouvent que le politique est la cause directe de la situation que nous vivons depuis trois décennies et plus. L'économie* ne faisant rien de plus ni de moins que se mettre au service de ce projet politique pour lui permettre d'instaurer son modèle de société définitivement.
Tout aura été fait pour nous cacher la responsabilité pleine et entière des dirigeants politiques dans ce qui est en train de se passer. Jusqu'à faire des banquiers et des financiers, des boucs émissaires grâce à la plus belle opération d'enfumage jamais montée. Opération à laquelle participent, la plupart sans s'en douter, les experts économiques (sans compter la multitude d'amateurs) qui aiment par-dessus tout montrer leur importance. Quant à la sphère économique, celle-ci représente un ensemble d'organisations si vastes et si puissantes qu'elle est à l'abri de toute espèce de révolte populaire. Et d'autant plus à l'abri que cet ensemble d'instances financières est protégé par les dirigeants politiques qui ont plus que laissé faire en favorisant sa mise en place dans les conditions qu'on sait de libéralisation des marchés. La sphère économique et l'économie* qui la sous-tend de nos jours sont donc à la fois l'instrument et le bouc émissaire (consentant car complice) idéal qui permet au projet politique de se mettre en place tranquillement.
(*) : L'économie non pas considérée sous l'angle de son utilité normale, à savoir en tant que système organisant les moyens de production et de création de richesses en vue de pourvoir aux besoins des populations, mais en tant que système (au service du politique qui l'a mis en place) organisé dans le but d'asservir et d'exploiter une majorité de la population la plus grande possible. Certains trouvent normal de penser que l'économie soit au service du politique. Ne devrait-elle pas être au service exclusif des populations ? Ce qui reviendrait en effet un peu au même qu'une économie au service du politique, mais à condition que le politique soit lui-même au service de l'intérêt général. Ce qui n'est manifestement pas le cas depuis près de quarante ans et ce qui montre bien la nécessité d'avoir à pousser la réflexion jusqu'au bout concernant la répartition des responsabilités entre l'économique et le politique.
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Supplément à base de mises à jour.
Voici deux extraits tirés de l'excellent article de Martine Orange : "Euro : la cinglante défaite de Mario Draghi" du 03.08.2012
"...Il suffisait de voir l’attitude sombre de Mario Draghi, accroché à sa feuille, relisant à plusieurs reprises le communiqué commun du conseil de la BCE, en réponse à des questions, afin de ne pas dériver et de ne pas laisser place à la moindre interprétation, pour comprendre : cette conférence de presse, sans doute l'une des plus suivies de l’histoire de la BCE, marquait la défaite de Mario Draghi. Tout ce qu’il avait pu tenter pour faire bouger les lignes ces derniers jours venait d’échouer face à l’intransigeance de l’Allemagne, suivie par les pays de l’Europe du Nord. La BCE ne changera pas de politique. Plus, elle monte encore d’un ton dans la défense d’une stricte orthodoxie monétaire. Le sauvetage de la zone euro passe par la mise en œuvre des réformes structurelles, et notamment sur le marché du travail, qui « doivent être appliquées avec détermination », comme le précise le communiqué..."
"...La deuxième mesure attendue était la possibilité pour le futur mécanisme européen de stabilité d’obtenir une licence bancaire : ce qui lui aurait donner le droit d’emprunter comme les banques directement auprès de la banque centrale à des taux très bas, au lieu d’emprunter sur les marchés et de mettre tous les Européens à contribution. Là encore, Mario Draghi a fermé la porte à cette éventualité, rappelant, sans sourciller, que la BCE avait déjà statué sur le sujet au printemps, et conclut qu’une disposition était impossible.
Pourtant, c’est le membre autrichien du conseil des membres de la BCE qui avait lui-même relancé la spéculation sur le sujet la semaine dernière, en soulignant qu’accorder une licence bancaire au mécanisme de stabilité présentait de « nombreux avantages », notamment de lui donner une puissance de feu sans limite pour lutter contre la spéculation sur les dettes souveraines de la zone euro. Mais entre-temps, la Bundesbank a parlé et a déclaré son opposition farouche à tout ce qui s’apparenterait à un financement des gouvernements par la banque centrale. Le sujet a donc été promptement enterré..."
Deux extraits qui donnent clairement à comprendre que c'est bien le politique qui installe son projet en utilisant l'économie non comme un instrument au service de l'intérêt général mais comme une arme dirigée contre les populations.