La France se réveille-t-elle ? A observer la mobilisation du cortège parisien, assurément, quoi qu’en dise Brice .
Peut-on rester indifférent à la politique sécuritaire menée depuis 8 ans ? Certaines annonces, certains projets de lois ne rappellent-ils pas des situations déjà vécues dans des années d’avant-guerre ?
Aujourd’hui, place de la République, les manifestants avaient des visages ouverts, certes, mais semblaient préoccupés, graves. Peut-on sourire dans des périodes d’exclusion et de division ? Sans doute pas.
Il fait beau, il fait chaud aujourd’hui. Mais cette chaleur est humaine. Elle est destinée prioritairement à ces roms qui subissent une attaque en règle. J’accepte tous les tracts distribués, je lirai ce soir la prose du MRAP, du Front de gauche, de la CIMADE, du PCF, d’un collectif contre la Xénophobie, de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers, de la Fédération pour une alternative sociale et écologique…
Le nombre de caméras professionnelles est impressionnant, alors que penser de celui des caméras et appareils photo particuliers, qui mitraillent, enregistrent un portrait par ci, un slogan par là… On croise les « leaders » qui se rendent sans parader derrière leur bannière.
Devant le Cirque d’hiver, les gens se regroupent, bien qu’ici aucune banderole ne soit arborée : le défilé n’a pas encore commencé à 14h30, mais on n’a pas envie de rester sur place, on a envie de bouger, de marcher, de simplement être fier de participer. Ah ! Mais voilà la tête du cortège qui avance. Michel Fèvre, le parrain d’un de mes fils, répond placidement aux intervieweuses de Canal. Depuis longtemps il s’occupe des roms dans le Val de Marne, à Choisy et ses environs ! Juste le temps de le saluer en le félicitant d’avoir réussi son pari de « flash-mob »…
Derrière l’Union Française d’Association Tzigane, les têtes sont familières. Il faut dire que depuis une dizaine d’années, le « style » manouche nous est familier, ses musiciens de plus en plus. Mais il nous faut accepter plus que leur musique, il faut les accepter simplement, et régulariser leur situation insoutenable.
Sur l’impériale du bus « Rock sans papiers », accompagnées à l’accordéon par un beau jeune homme blond qui me rappelle mon deuxième fils, Jane Birkin et d’autres chanteuses reprennent « les p’tits papiers ». Edwy Plenel, de Mediapart, prend des photos du défilé. Bientôt 15h. C’est noir de monde. Et très silencieux.
Malgré l’envie de crier , aucun slogan ne se fait entendre. Juste des mots sur les banderoles, à méditer :
« Aux faibles le bâton, aux forts le bouclier . »
« Pour l’honneur de la France, non à l’antitziganisme. »
« M. Sarközy, faites la guerre à la pauvreté, pas aux gens du voyage. »
« Abrogation immédiate du carnet de circulation. »
« Morchalé djouvialé kéténé va zorlé. »
« Soyons sages…mais pas trop. »
« On les disait des étrangers… et nos frères pourtant… »
« Aucun enfant exclu du droit à l’éducation en France ».
« Nous sommes tous des terrains vagues. Vive l’invasion ! »
« Non au racisme d’Etat. »
« Non aux charters de la honte. »
« Nous sommes tous des humains, nous sommes tous des citoyens. »
« Français à part entière… ou à part ? »
Hier, Laurent Blanc, sélectionneur des footballeurs français, disait qu’il avait distribué les paroles de la Marseillaise à ses joueurs pour qu’ils la chantent au stade, lui-même ayant eu peu d’autres occasions de le faire en dehors des matchs. J’aurais du les inviter à nous rejoindre, car ici tout le monde met des images et du sens derrière ces 3 mots : liberté, égalité, fraternité. Cette devise est la réponse face à la xénophobie et à la politique du pilori. (www.nonalapolitiquedupilori.org )
Maintenant il faut poursuivre, soit en aidant les roms en détresse, soit en s’instruisant sur les difficultés qu’ils subissent et en en informant nos proches, soit en soutenant financièrement les associations qui les aident, soit en signant la (les) pétition(s). Les voies du soutien sont innombrables.
En arrivant place de la Bastille, je monte chez Beuscher, au rayon des partitions. Sur le premier rayon apparaît « Jouez Tzigane » de Francis Darizeuren, dont la plupart des mélodies sont connues : « Les bateliers de la Volga », « Czardas », « Le temps des fleurs » , « Plaine ô ma plaine », « Kalinka », « Tziganisky », etc.
J’arrive enfin place de l’Hôtel de Ville, les gens parlent avant de se disperser.
Moi, je ne comprends pas, j’ai passé tout l’après-midi au milieu des « voleurs de poules », et … j’ai encore toutes mes affaires, ils ne m’ont rien dérobé !!
Adrien Pittion-Rossillon, un Bourguignon à Paris, 4 septembre 2010