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Billet de blog 4 mars 2020

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«À notre ministre, nous voulons dire que nous ne sommes pas dupes»

À l'appel de la coordination nationale des Universités, les cours et la recherche s'arrêtent à l'Université de Lille ce jeudi 5 mars. Personnels et étudiants protestent contre les réformes en préparation et la dégradation persistante de leurs conditions de travail.

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« Le début d’un cycle historique de réinvestissement dans tous les champs de la science » : c’est en ces termes, Madame la Ministre, que vous présentiez, il y a quelques jours dans une tribune parue dans Le Monde, la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Depuis décembre, personnels d’université et étudiant-es se mobilisent contre une réforme des retraites injuste et inégalitaire, tout comme la future LPPR qui s’apprête à organiser une « sélection darwinienne ». Mais tous-tes, nous serions selon vous les victimes crédules de « fausses nouvelles ». Suivant une méthode désormais éprouvée, vous nous reprochez d’avoir mal compris un projet sur lequel vous entretenez un savant flou artistique. En matière de déni de démocratie, votre gouvernement n’en est certes pas à son coup d’essai.

            Si nous, personnels d’université, savons en dépit de cette stratégie de désinformation quelles seront les conséquences désastreuses de la LPPR, c’est que loin de débuter un nouveau « cycle historique », elle prolonge les réformes systémiques qui déstabilisent l’enseignement supérieur et la recherche depuis plus de 10 ans et signent l’abandon de l’université par les politiques publiques. Elle aggrave notamment la situation dramatique provoquée par la Loi de responsabilité des universités (LRU) qui, en 2007, a acté leur autonomie, conduisant plusieurs d’entre elles, dont l’université de Lille, à d’importants déficits financiers.

            Les conséquences de cette paupérisation des universités, Madame La Ministre, sont extrêmement concrètes. À l’université de Lille, selon le bilan social 2018, 30% du personnel aussi bien enseignant qu’administratif est contractuel. À l’échelle de certains départements, ce pourcentage dépasse les 50%. Il arrive ainsi que plus de la moitié des heures de cours d’une licence soit assurée par des enseignant-es précaires. Depuis la fusion des trois universités lilloises, en janvier 2018, la charge de travail des personnels administratifs a été démultipliée par le recrutement massif de chargé-es de cours et, plus largement, par la réorganisation des services et la subsidiarité des tâches. Les enseignant-es titulaires cumulent, pour leur part, toujours plus de charges administratives et d’heures complémentaires d’enseignement pour pallier le manque endémique de collègues. Cette situation s’aggrave d’année en année. Après le gel des recrutements décidé par la présidence de l’université en 2018, les recrutements sur postes vacants seront cette année encore très en deçà des besoins, alors que le nombre d’étudiant-es est en augmentation avec, pour l’année 2018-2019, 2656 étudiant-es de plus pour Lille. Madame la Ministre, comment croire dès lors que la LPPR, qui s’inscrit dans la même logique que la LRU et d’autres réformes avant elle, puisse inverser cette tendance ?

            Restant sourde à nos arguments, vous persistez et signez, quitte à vous confondre en approximations et contradictions. Dans de récents entretiens, vous indiquez que le gouvernement propose avec la LPPR ce qu'aucun autre n'a effectué depuis des années : mettre en place une « loi financière, qui va inscrire une trajectoire financière [permettant de] dire comment on va atteindre les 3% du PIB » grâce à laquelle tous les problèmes de l’université française seraient résolus. Mais deux semaines plus tard, vous revenez sur vos propos en affirmant qu’il faut renoncer à l’objectif « incantatoire » des 3%. En livrant la recherche au secteur privé (les 2/3 de son financement devraient, selon vous, en provenir, alors même que le Crédit d’impôt recherche accordé aux entreprises a démontré l’inefficacité totale de ce mode de financement tout en privant les universités de milliards d’euros), en privilégiant les carrières de quelques-un-es au détriment du plus grand nombre (qui voudrait d’une université où, pour pouvoir réaliser des projets, nous nous déchargerions de nos tâches sur des collègues écarté-es d’une compétition injuste ou fragilisé-es par leur statut précaire ?), en refusant d’assumer une véritable politique d’emploi dont vous osez déclarer qu’elle n’est pas votre affaire, comment pouvez-vous prétendre répondre à nos problèmes ? 

             Surtout, au-delà de ces projections hasardeuses, que comptez-vous faire pour améliorer les conditions de la vie étudiante ? Faut-il attendre un deuxième acte d’immolation de la part d’un-e étudiant-e pour vous décider à lancer un vrai plan de lutte contre la précarité étudiante ? 38% des étudiant-es sont boursier-ères à l’échelle de l’université de Lille, dont près de 50% en Sciences humaines et sociales. Ils et elles subissent de plein fouet la dégradation des conditions d’enseignement, l'insuffisance générale du montant des bourses (la plus élevée est de 5 612 euros par an, soit un revenu mensuel qui les place en dessous du seuil de pauvreté) et la réforme des APL qui un impact considérable sur leur niveau de vie. Comment apprendre sereinement quand, non content d’avoir le ventre vide, on étudie dans des amphithéâtres bondés, assis par terre faute de chaises, et en cumulant les petits boulots pour tenter de joindre les deux bouts ?

            Nous exigeons la mise en place de dispositifs pérennes permettant aux étudiant-es de vivre dans des conditions dignes et de se consacrer à leurs études, le recrutement de personnels enseignants et administratifs pérennes, des budgets  dédiés et la construction de nouveaux locaux. C’est pourquoi, suivant l’appel de la coordination nationale de l’enseignement supérieur, nous avons décidé d’arrêter aujourd’hui toutes nos activités d’enseignement, d’administration et de recherche pour alerter les pouvoirs publics sur l’ensemble de ces problématiques. Nous ne laisserons pas l’État abandonner ses missions de service public.

Julien O'Miel, MCF, science politique; Marie Bulté, MCF, lettres modernes ; Lucie de Carvalho, MCF, civilisation britannique; Ariane Martinez, MCF, études théâtrales; Sarah Troche, MCF, philosophie; Karim Souanef, MCF, sociologie; April Dupont, doctorante contractuelle, lettres modernes; Fanny Van Exaerde, ATER, lettres modernes; Jordi Brahamcha-Marin, ATER, lettres modernes;Véronique Goudinoux, PR, arts; Marie Glon, MCF, danse; Alam Thomas, MCF, science politique; Anne Bory, MCF, sociologie; Julien Elise, MCF, histoire; Audrey Petit, doctorante, science politique; Séverin Muller; MCF, sociologie; Isabelle Paresys, MCF, histoire; Paula Cossart, MCF, sociologie; Marie Derrien, MCF, histoire; Mélanie Traversier, MCF, histoire; Nathalie Lebrun, MCF, physique; Fabrice Antoine, PR, anglais, traduction; Sébastien Delarre, MCF, sociologie; Cécile Vignal, MCF, sociologie; Jose Calderon, MCF, sociologie; Nathalie Delbard, PR, arts plastiques; Simon Grivet, MCF, anglais; Isabelle Surun, PR, histoire; Anne Creissels, MCF, arts plastiques; Simon Zara, doctorant, arts plastiques; Frédéric Briot, MCF, lettres modernes ; Yannick Bardy, MCF, histoire du Japon; Jessica Wilker, MCF, littérature comparée; Yves Macchi, MCF, espagnol; Gilles Froger, chercheur associé, arts; Isabell Scheele, ATER, allemand; Valérie Boudier, MCF, arts plastiques; Ariane Carmignac, ATER, arts plastiques; Serge Rolet, PR, russe; Christine Vidal, MCF, chinois; Adrienne Petit, MCF, lettres modernes; Véronique Hébrard, PR, espagnol; Julien Laurent, PRCE, arts; Renata da Silva Andrade, doctorante, arts plastiques; Ronan Ludot-Vlasak, PR, littérature des Etats-Unis; Marion Vandenbroucke, chargée de cours, pratiques graphiques; Stéphanie Pryen, MCF, sociologie; Maxence Cambron, contractuel d’enseignement, arts de la scène; Hélène Cottet, MCF, littérature des États-Unis; Michèle Guillemont, PR, études ibériques et ibéroaméricaines; David Faltot, docteur chargé de cours en Arts plastiques; Claire Flécher, ATER, sociologie; Cathy Fourez, MCF, espagnol;  Cécile Lavergne, MCF, philosophie; Justine Faure, PR, histoire; Michel Delsart, PRAG, sciences sociales; Margot Verdier, ATER, sociologie; Nicolas Martin-Breteau, civilisation des États-Unis; Sabrina Messing, ATER, lettres modernes; Michel Litwinowicz, chargé de cours en histoire de l'art moderne, arts plastiques; Barbara Bohac, MCF, lettres modernes; Martine Legris, ingénieur de Recherche; Camille Herlin-Giret, chargée de recherche, sociologie; Judith Hayem, MCF en anthropologie;  Antonio Palermo, MCF, arts; Maxence Cambron, contractuel d'enseignement, arts de la scène; Florence Plihon, docteure chargée d'enseignement en théories de l'art; Maryvonne Prevot, MCF-HDR, aménagement et urbanisme; Clément Evain, MCF, physique; Frédéric Gendre, ingénieur d'études, chargé de ressources documentaires; Anne Boissière, PR, esthétique; Annie Risler, MCF, sciences du langage; Christian Hauer, PR, musicologie; Océane Delleaux, MCF, arts plastiques; Géraldine Sfez, MCF, études cinématographiques; Elise Berrier, chargée de recherche, chimie; Sotiri Haviaras, MCF, études théâtrales; Diederik Wagenaar PRCE, espagnol; Catherine Denys, PR, histoire; Lucien Vinciguerra, MCF, philosophie; Juliette Delahaie, PR, sciences du Langage; Nicolas Kaciaf, MCF, science politique; Denise Orange Ravachol, PR émérite, sciences de l'éducation; Clio Simon, chargée de cours, arts plastiques; Matthieu de Oliveira, MCF, histoire; Cédric Passard, MCF, science politique; Franck Freitas Ekué, contractuel, culture; Sylvain Lesage, MCF, histoire; Peggy Lecaudé, MCF, langue et littérature latines; Antoine Rodriguez, MCF, espagnol; Daria Francobandiera, MCF, langue et littérature grecques; Marion Dalibert, MCF, sciences de l'information et de la communication; Véronique Leoni, MCF, psychologie; Romy Sanchez, CR CNRS, histoire; Marguerite Demoëte, doctorante, esthétique; Eléonore Le Jallé, PR, philosophie; Thomas Golsenne MCF, histoire de l’art et culture visuelle; Claudine Vanbauce, MCF, physique; Jérôme Kluza, MCF, biologie cellulaire; Mathieu Vivas, MCF, histoire et archéologie du Moyen Âge; Benedikte Andersson, MCF, lettres modernes; Léonie Young, Chargée de cours, arts plastiques et visuels; Pénélope Cartelet, MCF, espagnol; Marie-Aude Depuiset, ingénieure de recherche et enseignante vacataire; Mathilde Decaux, chargée de cours, arts plastiques; Julien Boelaert, MCF, science politique; Maud Le Guellec, MCF, études hispaniques; Cédric Terzi, MCF, sciences de l'information et de la communication; Marie Boichu, CR, physique; Maria Hellerstedt, MCF, suédois; Isabella Falaschi, MCF, chinois; Delphine Bière, MCF, histoire de l'art contemporain; Marie Perrier, PRAG, anglais; Samuel Hayat, CR CNRS, science politique; Jessie Martin, MCF, études cinématographiques; Delphine Pouchain, MCF, sciences économiques; Hélène Routier, contractuelle d'enseignement, arts de la scène; Moussa Nait Abdelaziz, Professeur, mécanique; Séverine Bridoux-Michel, contractuelle ENSAPLille, chargée d'enseignement vacataire, arts; Clémence Canet, doctorante en arts plastiques et linguistique; Françoise Asso, MCF, littérature française; Luca Salza, MCF, italien;  Claire Bouvier, ATER, espagnol; Séverine Tarantino, MCF, langues et cultures antique

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