Hervé Magnin est psychothérapeute cognitiviste, comportementaliste.
Il est aussi musicien auteur-compositeur-interprète et se produit régulièrement en conférence/concert où il illustre en chansons les thèmes de développement personnel qu'il expose dans ses livres. Parmi ses dernières productions, une série de vidéos que j'ai souhaité vous faire connaitre : les Coroniceberg.
Faire disparaître les symptômes ou bien enquêter sur les causes profondes d’une crise ?
Le temps se dilate et il nous faut exploiter cette ressource précieuse : le temps. Dans la bouche des gens et des journalistes, j’entends que la vie s’est arrêtée. Ce déprimant leurre masque le fait qu’elle s’est juste ralentie. Avant cette crise, on se plaignait qu’on n’avait pas le temps, qu’on manquait de temps pour faire des choses importantes. Le serpent se mordait la queue puisqu’il eut fallu prendre du temps qu’on prétendait ne pas avoir, pour se demander comment occuper au mieux son temps et enfin respecter des priorités qui seraient en cohérence avec nos valeurs profondes.
Dans son allocution historique que certains nostalgiques du gaullisme nomment déjà « l’appel du 16 mars », notre président de la république nous a invités à « retrouver le sens de l'essentiel ». Je doute que nos dirigeants aient ce courage et cette sagesse d’orienter toutes les ressources de l’État vers l’essentiel.
Je pense que nous sommes tous invités à voir dans les innombrables frustrations de ce ralentissement, une opportunité de sortir enfin de la folie d’une vie qui va trop vite. Cette crise est bien plus que sanitaire ; elle est sociétale. Et il nous appartient de trouver comment faire de cette épreuve, une opportunité et tirer parti d’une trop évidente adversité ? Voilà un énorme challenge que certains relèvent de temps en temps au fil des événements qui sont hélas souvent des chocs de vie tels que un cancer, un licenciement, un divorce...
Mais aujourd’hui, à une échelle mondiale, nous voilà tous « invité.e.s » à – non pas « retrouver » le sens de l’essentiel comme dit Macron – mais à le « trouver », à le chercher et le découvrir enfin tant notre modèle de société depuis longtemps nous en a tenu éloignés.
C’est quoi au juste, une crise ? Nous en avons souvent une vision statique, à savoir un événement dérangeant auquel on doit faire face pour en faire disparaître au plus vite les manifestations. Symptômes dérangeants… éradication des symptômes. J’ai mal au dos et je prends un antalgique. Affaire réglée ? Ponctuellement oui parfois, parce que la chimie est puissante et assez efficace pour mettre la poussière sous le tapis. Quant à la recherche des causes profondes des problèmes, là on se montre moins curieux. Et la France a déclaré la guerre à un virus. Et nous voilà en état de siège.
Mais on peut aussi avoir une vision – non pas statique – mais dynamique, d’une crise. Ce qui revient à considérer une crise, non pas comme un événement mais comme un processus. Alors avec un tant soit peu de curiosité, on peut observer des signes avant-coureurs et des étapes de dégradation lente d’une situation.
Paradoxalement, nos capacités d’adaptation nous permettent hélas de supporter l’insupportable. Alors on traîne, on tarde à réagir. On procrastine dans un inconfort relatif. Il est vrai que résoudre les problèmes à leur source mobiliserait une énergie non négligeable mais on préfère l’investir ailleurs, privilégiant les plaisirs éphémères à un développement durable de soi et du monde. C’est un très mauvais calcul parce que cette énergie, non négligeable certes, est infime en comparaison de celle qu’on doit dépenser plus tard quand la situation s’est aggravée. Désinfecter une plaie est un geste simple et peu coûteux. En revanche, soigner une gangrène, c’est difficile et parfois impossible. On peut y laisser un membre ou la vie.
Alors quid des causes profondes de cette crise pandémique qui nous impose d’être confinés ? Si comme je le pense, ce virus n’est que la partie émergée d’un iceberg, alors qu’est-ce qu’il y a en dessous de la partie visible du Coroniceberg ?
Je trouve très intéressant que l’épidémie soit partie de la Chine. Ce pays est le plus peuplé du monde. Les Chinois ont été confrontés relativement tôt à la question du surpeuplement. L’Occident a été très choqué par la politique de l’enfant unique conduite par un gouvernement totalitaire. Pour autant, que serait devenu le monde si depuis le 20ème siècle, les couples chinois avaient continué à faire 2, 3, 4 enfants ou plus ?
La surpopulation engendre une plus grande pression sur les écosystèmes et précipite leur destruction. La totalité des sociétés qui ont connu un effondrement ont un point commun : la destruction des écosystèmes.
Jared Diamond est un chercheur américain qui a étudié à l’échelle de plusieurs millénaires, les civilisations qui ont connu un effondrement. Il est un des pionniers de ce qu’on appelle aujourd’hui la collapsologie. L’île de Pâques est un exemple intéressant d’effondrement parce que c’est un espace très réduit en surface qui nous permet facilement de comprendre que l’isolement et la finitude des ressources nécessitent qu’on les « exploite » dans le respect de leurs cycles de renouvellement. Or, la rivalité ostentatoire des clans les a poussés à impressionner, à dominer leurs rivaux en construisant des moais de plus en plus grands, de plus en plus haut. Pour cela, il fallait surexploiter les forêts primaires pour organiser la taille des statues géantes. Et ce, jusqu’à ce que l’île devienne un désert stérile engendrant famines, cannibalisme, puis extinction.
Pour ce qui est de la société inca, l’essor de cette civilisation s’est traduit par une forte concentration urbaine. Il fallait évidemment nourrir cette population croissante. Les ressources eurent été suffisantes si on les avait exploitées en respectant les cycles naturels de renouvellement mais là encore, ce ne fut pas le cas. D’autant plus que la promiscuité, la concentration démographique augmente la prolifération et la transmission de germes pathogènes et affecte la santé des populations fortement urbanisées.
Alors quelques milliers de personnes sur une île, quelques millions de personnes sur un espace continental… On comprend l’augmentation de la pollution, la raréfaction de l’eau potable et des aliments qu’on peut produire sur une surface restreinte. Mais qu’en est-il d’une surface planétaire ? Tout étant relatif, on a longtemps pensé que la Terre était immense et ses ressources inépuisables. C’est un postulat implicite du capitalisme qui ignore que tout capital résulte de l’exploitation d’un capital unique et fondamental : les ressources que la Nature met à notre disposition. La Nature est régie par des lois que les égos d’êtres humains immatures ont à cœur de défier.
L’apprenti-sorcier, je trouve que c’est une métaphore très pertinente pour décrire le scientisme au service du capitalisme. Tout parent responsable ne laisserait pas un enfant de 4 ans tout seul jouer avec des allumettes. L’humanité adolescente n’a pas de tuteur compétent et bienveillant pour encadrer notre expérience de la vie, pour corriger nos erreurs. Ainsi nous expérimentons le monde avec une puissance que nous ne maîtrisons pas. On joue avec le feu, pas seulement avec le nucléaire, pas seulement avec le réchauffement climatique ou la destruction de la biodiversité...
Récemment, dans un cimetière norvégien, des scientifiques ont déterré des cadavres de personnes mortes de la grippe espagnole il y a un siècle. Des chercheurs ont réussi à reconstituer le virus qui a retrouvé ses capacités d’infection en contaminant une population animale test. On ne joue pas avec le feu, là ? Dans des laboratoires, on invente et on manipule des virus. Parfois pour anticiper des infections et trouver des vaccins, parfois pour préparer des armes bactériologiques ou chimiques. On fait pareil avec le nucléaire, vous me direz.
Je vous propose une expérience : prenez un globe terrestre et faites-le tourner sur son axe. Fermez les yeux et mettez votre doigt n’importe où. D’après vous, quelle est la probabilité pour que votre doigt tombe sur la ville de Wuhan, en Chine ?
Je précise que la superficie de la ville de Wuhan est de 1 528 km². Sachant que notre planète compte 510 millions de km², quelle est la probabilité pour que votre doigt tombe sur la ville de Wuhan, en Chine ? Vous avez une chance sur 3 millions de mettre votre doigt sur Wuhan.
Alors pourquoi cette petite expérience, ce dérisoire cours de mathématique ? Parce que là où vous n’avez pas mis votre doigt, il y a une étrange concomitance, une coïncidence qui moi, me sidère. C’est dans cette ville qu’a démarré l’épidémie, ça vous le savez. Mais ce que vous ignorez probablement parce que les médias de masse n’en parlent pas (l’auteur s’exprime le 21 mars 2020), c’est que c’est dans cette même ville que se situe un laboratoire P4 ; à savoir un bunker bactériologique où des scientifiques manipulent les virus pathogènes les plus dangereux du monde. Je veux bien pousser l’honnêteté intellectuelle jusqu’à préciser qu’il existe une trentaine de labos de classe P4 dans le monde – dont un seul en Chine, immense pays. Mais 30 chances sur 3 millions, cela ne fait toujours pas plus que 1 chance sur 100 000.
Le laboratoire P4 de Wuhan a été conçu par des experts français. Il a été inauguré par le premier ministre Bernard Cazeneuve le 23 février 2017. Il y a quelques jours, une vidéo a fait un buzz sur les réseaux sociaux. Quelqu’un qui se revendique des Gilets Jaunes y décortique le travail d’une équipe qui souhaite garder l’anonymat, mais lui, il témoigne à visage découvert. Son propos est documenté et il s’appuie principalement sur le contenu d’un brevet déposé par l’Institut Pasteur. Les propos de cet homme sont suffisamment caricaturaux pour que les rares médias qui s’y sont intéressé relèguent cette affaire dans la poubelle bien pratique du complotisme, ce qui discrédite d’emblée la totalité du propos, au sein duquel il fait référence au labo P4 de Wuhan.
J’ignore s’il y a complot. La thèse d’un laboratoire qui créerait un virus et son antidote pour se faire un max de pognon, je n’y crois pas trop. En revanche, dans l’article du Monde qui publie le démenti de l’Institut Pasteur, il n’y a pas la moindre allusion à la présence d’un laboratoire P4 à Wuhan. Je ne trouve pas ça très professionnel, pas très déontologique de la part des journalistes du Monde.
A contrario du propos vraisemblablement conspirationniste tenu dans cette vidéo sur Facebook, est-ce délirant d’imaginer qu’une défaillance dans le labo P4 de Wuhan ait pu laisser échapper une chauve-souris infectée par le coronavirus ? Est-ce absurde de formuler l’hypothèse qu’un membre du personnel de ce labo a été accidentellement infecté et qu’il a transmis ce virus à Wuhan où nous savons que l’épidémie a débuté ?
A-t-on le droit de savoir ? Est-il pertinent de mener l’enquête ? A ma connaissance, rien n’a été fait à ce jour (21 mars).
Je trouve détestable de jouer les oiseaux de mauvais augure mais j’affirme que des pandémies comme celle que nous connaissons aujourd’hui, il y en aura d’autres prochainement. Par-delà les manipulations imprudentes des apprentis-sorciers, il y a d’autres phénomènes graves comme le réchauffement climatique qui participe à libérer dans l’atmosphère des virus enfouis depuis longtemps dans le permafrost.
A proximité des pôles, les quelques mètres de profondeur de sol gelé, ils fondent et ils ne libèrent pas seulement de grandes quantités de gaz à effet de serre tels que le méthane (25 fois plus puissants que la CO2 en termes de réchauffement climatique). Si vous avez bien pigé, le réchauffement climatique libère de puissants gaz à effet de serre qui augmentent le réchauffement climatique qui libère de puissants gaz à effet de serre, etc. C’est ça qu’on appelle des boucles de rétroaction. Mais la fonte du permafrost libère aussi des agents pathogènes congelés depuis longtemps.
La peur est souvent mauvaise conseillère, mais pas toujours. La question pédagogique, psychologique et stratégique, c’est de savoir comment mettre de la conscience sur un danger réel et rester suffisamment calme pour mettre en œuvre nos intelligences et trouver des solutions à nos problèmes. En faisant face certes, à l’urgence des symptômes ; mais surtout en en cherchant les causes profondes pour y remédier. Changeons le système, pas le corona ! Changeons le système, pas le climat !