Révélée par Mediapart en début de confinement, l’étude confidentielle de la Caisse des dépôts qui préconisait une privatisation du système de santé, avait fait grand bruit. Evacuée de manière très laborieuse par Eric Lombard, qui en appelait assez lâchement au manquement à l’obligation de réserve de deux militants syndicaux, du SNUP et de la CGT, le sujet reste un aveu très direct de l’abandon par la Caisse de ses missions d’intérêt général.
La Caisse poursuit néanmoins des plus tranquillement son travail de sape de l’intérêt public, cette fois-ci en interne, en s’en prenant à l’un de ses joyaux de gestion du social : CDC Mutuelle, la mutuelle de ses personnels fonctionnaires soit leur protection sociale complémentaire … de très bon goût en crise sanitaire !
Un appel d’offre à la concurrence a été « négocié » à la hâte en plein confinement par la Caisse des dépôts. Pourtant personne ne le lui demandait, pas même la Cour des Comptes pourtant prompte à dégainer sur la CDC. Cette décision est d’autant plus injustifiée que le programme électoral du Président Macron lui-même remet en cause ces dispositifs d’adossement des mutuelles de la Fonction Publique à la concurrence. Alors Lombard contre Macron ? Par ailleurs, le mouvement mutualiste et les syndicats de fonctionnaires travaillent, avec le gouvernement, sur la parution de décrets pour une protection de santé complémentaire des agents publics. Ajoutons qu’une pétition lancée par la mutuelle auprès de ses adhérents recueille un succès historique, et que le président Macron a retiré la réforme des retraites du paysage social… Et bien non ! Eric Lombard s’entête sur le cadeau fait aux banques et aux compagnies d’assurances, en voulant leur confier le soin de gérer – forcément au rabais – la complémentaire santé de ses agents fonctionnaires actifs et retraités de la CDC (6 000 adhérents – 10 000 bénéficiaires).
L’addition pourrait être salée pour les bénéficiaires : sauf à pratiquer un dumping d’enfer les premières années, la diminution de la part de subventionnement amenée par la Caisse (près de – 30%) devrait amener une augmentation à dû concurrence de la cotisation et peser négativement sur le volet prévoyance et la couverture des retraités …
Notre Mutuelle n’est pas opposée au changement par principe, bien au contraire. La vraie perspective de progrès n’est pas celle de Lombard, c’est celle d’une évolution vers une « mutuelle de groupe », s’adressant aux dizaines de milliers de salariés de la CDC et de ses filiales pour leur offrir, dans leur diversité de statuts, une PSC respectueuse des principes et des valeurs du mutualisme.
Un parallèle mérite d’être établi entre le contexte d’aujourd’hui créé à la Caisse des dépôts et celui de l’année 1944. C’était la Libération, et le Conseil national de la Résistance, que Macron citait dans son discours du 18 mars dernier, appelait aux « Jours Heureux ». Cette année 1944 est également celle où fut créée la Mutuelle des personnels de la Caisse des dépôts par les militants CGT. C’est aussi l’année où fut arrêté par la Résistance et la CGT-CDC le Directeur général de la Caisse des dépôts de l’époque pour collaboration… Ceci sous la houlette de Charles Laurent, militant de la CGT Caisse des dépôts, fondateur de la première fédération syndicale des fonctionnaires qui adhéra à la CGT dès sa création, Résistant, membre du CNR, représentant du réseau Libération Nord, lui-même fondé dans les bureaux de la CDC. Ce n’est pas ce genre de statut qu’il est temps de déboulonner.
C’est dur de construire le monde d’après avec les hommes d’avant…
Christian Cursol - Secrétaire général de la CGT de la Caisse des dépôts 1990-1998- Membre de la Commission Exécutive de la Fédération des Finances CGT 1991-1998 - Administrateur de CDC Mutuelle depuis 1985
Jean-Philippe GASPAROTTO - Secrétaire général de l’USCD-CGT Caisse des dépôts depuis 1998
Jacques NIKONOFF - Haut fonctionnaire à la Caisse des dépôts de 1986 à 2018 - Ancien Président d’ATTAC de 2002 à 2006 - Ministre du Travail et de l’Emploi dans Le Gouv