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Afrikarabia : Avez-vous été surpris par le chaos et la désorganisation des élections du 30 décembre ?
Bienvenu Matumo : Il n’y a eu aucune surprise et on regrette de ne pas avoir été écouté plus tôt. Nous avions averti depuis longtemps que ce processus électoral portait les gènes d’un conflit, avec des bureaux de vote qui ouvraient en retard, des machines à voter en panne ou indisponibles, des bureaux de vote supprimés… et surtout 1,2 million d’électeurs de l’Est du pays qui ont été écartés du vote pour des motifs fallacieux - voir notre article -. Ces Congolais de la région de Beni et Butembo avaient la rage de sanctionner ceux qui n’avaient pas réussi à les protéger contre les massacres depuis quatre ans. C’est d’ailleurs pour cette raison que le pouvoir a privé ces électeurs du vote.
Afrikarabia : Pourtant, les Congolais se sont déplacés en nombre dans les urnes ?
Bienvenu Matumo : Bien sûr, ce dimanche les électeurs sont sortis massivement pour sanctionner ceux qui n’ont pas réussi à améliorer leurs conditions de vie. Les Congolais sont sortis pour voter contre le candidat de la majorité et contre la continuité du régime de Joseph Kabila. C’est une fierté pour nous, parce que le peuple a arraché ces élections au prix de sacrifices et certains au péril de leur vie. Et c’est pourquoi nous nous battrons pour que la vérité des urnes triomphe. Il est clair pour nous que l’opposition a remporté ces élections.
Afrikarabia : Est-ce que ce scrutin n’était pas joué d’avance pour le pouvoir, avec la victoire programmé d’Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat adoubé par Joseph Kabila ?
Bienvenu Matumo : Shadary a perdu. Le peuple s’est exprimé dimanche. Personne n’acceptera le résultat qui donnera Shadary vainqueur. Si ce pays implose, c’est que la population n’acceptera jamais la victoire de Shadary. La Commission électorale (CENI), le président Kabila et la majorité en seront tenus pour responsables. Le pouvoir est actuellement en train de « boutiquer » les résultats, ils ont coupé internet, coupé RFI (Radio France Internationale) pour que les Congolais ne puissent pas communiquer et suivre ce qui se passe à l’intérieur du pays. Les autorités ont refusé la mission d’observation de l’Union européenne, du Centre Carter, des institutions qui sont très critiques sur la transparence du processus électorale.
Afrikarabia : Vous pensez qu’il y aura fraude sur les résultats ?
Bienvenu Matumo : Bien sûr. Le pouvoir commence déjà à trouver des motifs fallacieux en disant que le taux de participation à Kinshasa était très faible, et pour dire que Shadary a été élu massivement avec les voix des Congolais de l’intérieur du pays… ce qui est faux ! Le pouvoir est en train de préparer l’opinion à la victoire de Shadary.
Afrikarabia : Que va-t-il se passer si Emmanuel Ramazani Shadary est proclamé vainqueur, et que va faire la Lucha ?
Bienvenu Matumo : La population va réagir. Il y aura des manifestations spontanée pour chasser ce pouvoir qui devait déjà partir en 2016. La Lucha, les organisations citoyenne, les partis d’opposition, l’Eglise catholique, le Comité laïc de coordination (CLC)… nous avons l’obligation de nous organiser. Et ce, malgré nos divergences. On ne peut pas se permettre que la CENI nous vole cette victoire.
Afrikarabia : Jusqu’où peut aller la pression de la rue ?
Bienvenu Matumo : La rue ira jusqu’au départ de Joseph Kabila et de son système. On va vers un soulèvement populaire.
Afrikarabia : Mais les forces de sécurité répriment systématiquement dans le sang ?
Bienvenu Matumo : Il faut que l’armée, la police, la garde républicaine, comprennent que nous vivons un moment crucial. Et qu’ils sont aussi victimes de la mauvaise gouvernance de Joseph Kabila. Nous les appelons tous au sens patriotique. Ils doivent accompagner le peuple dans cette mobilisation et cette quête de la liberté. Ils ne doivent cesser la répression.
Afrikarabia : Si Emmanuel Ramazani Shadary est le nouveau président congolais et que la contestation populaire est forte, l’opposition doit-elle négocier avec le pouvoir ?
Bienvenu Matumo : Pourquoi devrions-nous négocier avec la majorité ? Nous avons négocié par deux fois, trois fois, aucun des accords n’a été respecté ! Nous ne permettrons pas aux opposants d’aller négocier avec Kabila pour un quelconque gouvernement d’union nationale. Et nous mettons en garde l’opposition. Comment Félix Tshisekedi peut négocier avec Shadary qui a (...) Lire la suite sur Afrikarabia.