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Billet de blog 2 janvier 2021

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2021 : Félix Tshisekedi au milieu du gué

Après avoir mis fin à sa coalition avec le FCC de Joseph Kabila, Félix Tshisekedi doit maintenant se construire une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale. Pour cela, il devra composer avec un étrange attelage constituer de proches de Jean-Pierre Bemba, Moïse Katumbi, Modeste Bahati, mais aussi de transfuges du FCC pro-Kabila.

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Illustration 1
© Présidence RDC

C’est un pays en suspension qui vient d’entrer dans la nouvelle année. Un pays paralysé par les tensions politiques de l’impitoyable duel que se livrent le président Félix Tshisekedi et son prédécesseur, Joseph Kabila. Pourtant, l’alliance improbable entre les deux extrémités du spectre politique congolais a pris fin quelques semaines avant la fin de l’année 2020. De blocages en désaccords, Félix Tshisekedi a décidé d’acter le divorce avec un bien curieux « partenaire » à qui il doit d’être assis dans le fauteuil présidentiel.

A l’issu d’une présidentielle frauduleuse, l’accord de partage du pouvoir entre Joseph Kabila, incapable d’imposer son dauphin, et Félix Tshisekedi, penchait largement en faveur de l’ancien président. Ultra-dominateur à l’Assemblée nationale, au Sénat et dans les Assemblées provinciales, Joseph Kabila continuait de contrôler tous les attributs du pouvoir, laissant une très faible marge de manoeuvre au nouveau président, réduisant son programme à la construction de quelques ponts routiers à Kinshasa et une gratuité de l’enseignement primaire qui cherche toujours son financement.

Des institutions paralysées

En 2020, le bras de fer permanent entre Tshisekedi et Kabila a largement bloqué l’ensemble des institutions de la République démocratique du Congo (RDC). Résultat : chaque initiative prise par le FCC ou le camp présidentiel s’est systématiquement retrouvée attaquée par celui qui devait être son « partenaire ». La Commission électorale (CENI) se trouve toujours sans bureau et sans président. La réforme judiciaire imposée par le FCC pour mieux contrôler la justice a été bloquée par Félix Tshisekedi, provoquant la démission du ministre FCC de la justice. Les nominations dans l’armée par Félix Tshisekedi, et notamment la mise à l’écart du très kabiliste John Numbi a été fortement critiquée, tout comme la nomination de trois juges à la Cour constitutionnelle.

Offensive gagnante à l’Assemblée nationale

Petit à petit, le président Tshisekedi a décidé de ne pas se laisser faire. Les ordonnances présidentielles que refusaient de contre-signer le Premier ministre FCC, la polémique autre de la nomination des juges à la Cour constitutionnelle, ont fini par faire accepter à Félix Tshisekedi qu’il fallait riposter et faire sauter l’un des points de blocage de la forteresse FCC : l’Assemblée nationale. La cible toute trouvée a été sa présidente : Jeannine Mabunda, également contester en interne. La peur de la dissolution a fait le reste, et la présidente de la chambre basse a été destituée… avec l’appui de députés FCC frondeurs ! L’offensive gagnante du camp Tshisekedi a permis aux soutiens du président d’envisager une inversion du rapport de force à l’Assemblée et le secret espoir d’obtenir la majorité.

Soutien timide de Bemba et Katumbi

Pour valider le changement de majorité, Félix Tshisekedi vient de désigner Modeste Bahati au poste « d’informateur ». Le sénateur est chargé « d’identifier une nouvelle majorité », qui devra être composée d’un moins 251 des 500 députés. Pour l’instant, le président Tshisekedi ne possède que 47 élus au sein de son groupe Cap pour le changement (CACH), composé de membres de l’UDPS et de l’UNC. Pendant les longues semaines de consultations nationales, Félix Tshisekedi s’est assuré le soutien de Moïse Katumbi (Ensemble) et de Jean-Pierre Bemba (MLC). Les deux membres de Lamuka bénéficient d’une bonne centaine de députés, mais le soutien en restera au service minimum, et chacun gardera son autonomie par rapport au président.

CENI et Cour constitutionnelle au coeur de « l’union sacrée »

Les deux poids lourds de la politique congolaise lorgnent un effet tous les deux sur une possible candidature à la présidentielle de 2023, n’iront pas plus loin dans leur soutien au chef de l’Etat. En intégrant « l’union sacrée » de Félix Tshisekedi, Bemba et Katumbi s’assurent avant tout un « droit de regard » sur la composition de la future CENI et sur certains membres de la Cour constitutionnelle, les deux organes stratégiques pour le contrôle des élections de 2023. Les deux ténors veulent avant tout un scrutin transparent et crédible, dans lequel ils devront aussi affronter le candidat Félix Tshisekedi. Ensemble et le MLC voudraient bien placer ses pions dans ces institutions.

Bahati : mission rassemblement

Pour Félix Tshisekedi, la prochaine bataille se déroulera à l’Assemblée nationale lors de l’élection du nouveau bureau, après la destitution de celui de Jeannine Mabunda. Ce sera le moment de vérité. Là où Félix Tshisekedi pourra compter ses troupes dans les rangs des députés. Il faudra certes, les députés UDPS, UNC, Ensemble, MLC, AFDC-A, mais il faudra aussi faire basculer de nombreux élus du FCC. La nomination très stratégique de Modeste Bahati devrait permettre de construire la passerelle indispensable entre les députés FCC, compatibles avec le président Tshisekedi, et le reste de l’attelage très hétéroclite de « l'union sacrée ».

Un vieux routier pro-Kabila

Dans cette famille recomposée à 5 membres, que tout ou presque oppose, la mission du patron de l’AFDC-A sera des plus délicates. Ancien membre du FCC, avant de se brouiller avec Joseph Kabila pour avoir présenter sa candidature à la présidence du Sénat, Modeste Bahati est un vieux routier de la politique congolaise. Plusieurs fois ministre sous Kabila, ce sénateur connait personnellement tous les membres du FCC… et donc ceux qui seraient susceptibles de rejoindre « l’union sacrée » présidentielle.

Un nouveau partage du gâteau

Mais l’exercice de style est périlleux. Le débauchage et le nomadisme politique est permanent sur l’échiquier congolais. Les hommes politiques se rallient non pas à une idéologie ou à un programme (ils ont souvent le même qu’ils n’appliqueront jamais), mais à des clans, des tribus, tenus par des leaders, souvent fortunés, qui entretiennent un clientélisme affirmé. Alors changer de clan ou de camp, opérer la « transhumance politique » ne pose aucun problème. Un recyclage à l’infini qui risque de faire ressembler la composition de « l’union sacrée » à une course aux postes et aux maroquins… un nouveau partage du gâteau.

Menace de dissolution

Ces alliés de circonstances seront-il fiables ? Modeste Bahati devra s’assurer de la loyauté des députés transfuges du FCC. Ironie du sort, l’ »union sacrée » pourrait se retrouver majoritairement composée d’anciens membres du FCC ! Pour convaincre les plus réticents à rejoindre la majorité présidentielle, Modeste Bahati pourrait brandir la menace d’une possible dissolution de l’Assemblée promise par Félix Tshisekedi en cas de blocage. La menace avait déjà fait son petit effet lors du  (...) Lire la suite sur Afrikarabia.

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