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Le géant minier congolais sert-il de caisse noire pour le pouvoir en place à Kinshasa ? En lisant le volumineux rapport du Centre Carter sur la privatisation du secteur du cuivre en République démocratique du Congo (RDC), on serait tenté de répondre par l’affirmative. L’examen d’une centaine de contrats miniers, de plus de 1000 documents et de 200 entretiens a permis à la fondation de l’ancien président américain Jimmy Carter de qualifier la Gécamines, « d’Etat parallèle » dont plusieurs centaines de millions de dollars ont échappé à tout contrôle.
Championne mondiale de la production de cuivre, la RDC a toujours aiguisé les appétits des entreprises internationales cherchant à investir dans le secteur minier. Mais au Congo, un seul acteur en contrôle l’accès : la Générale des Carrières et des Mines (Gécamines). A partir des années 1990, le leader minier privatise petit à petit ses actifs. Mais attention, les bénéfices ne vont pas dans dans n’importe quelles poches. Les concessions minières sont alors cédées « à des proches de l’élite politique congolaise ». Le Centre Carter affirme que « lors du processus de privatisation, la Gécamines finira par collecter des recettes considérables, en moyenne plus de 260 millions de dollars par an depuis 2009 ». Au total, ce sont donc 1,5 milliard de dollars qui sont censés entrer dans les caisses de la Gécamines.
Des revenus utilisés « à d’autres fins »
Mais selon le Centre Carter, « près des deux-tiers des 1,1 milliard de recettes générés par les partenariats entre 2011 et 2014 n’auraient pas été enregistrés dans la base de données des revenus » de la Gécamines. Un « trou » de 750 millions de dollars qui aurait tout simplement « disparu ». Pendant ce temps, l’entreprise d’Etat était censée moderniser ses infrastructures vieillissantes et augmenter sa production de cuivre qui était tombée au plus bas. En 2011, la Gécamines annonce un plan pour relancer sa production, passant de 20.000 tonnes de cuivre en 2011 à 100.000 tonnes horizon 2015. « Si l’entreprise commence par augmenter ses rendements, note le Centre Carter, la bulle de production explose en 2014, année au cours de laquelle la Gécamines produit moins qu’avant l’annonce de son plan de relance ».
Quant à la modernisation des moyens de production, il se font attendre ou « disparaissent » dans la nature, comme ces 73 camions qui n’arriveront jamais, alors que les arriérés de salaires s’accumulent pour les employés de l’entreprise d’Etat. Et le Centre Carter de conclure : « bien que la Gécamines ait affirmé que ces revenus contribueraient à la relance prévue de la production minière, en pratique, ils semblent principalement avoir été utilisés à d'autres fins ».
Ligne rouge
La dégradation de la situation de la Gécamines est d’autant plus étonnante que l’entreprise contrôle toujours les permis miniers les plus convoités de la région et continue de nouer des « partenariats » opaques avec des entreprises privées. La Gécamines possède encore 100 permis d’exploitation. C’est deux fois plus qu’autorisé par le code minier.
L’entreprise franchit également une autre ligne rouge « en convertissant systématiquement des permis de recherche en permis d’exploitation » lui permettant de détenir « d’importantes zones minières potentielles pour les trente années à venir », dénonce le Centre Carter. Des permis que le géant minier pourra vendre au prix fort puisque « les nouveaux investisseurs n’auront (...) Lire la suite sur Afrikarabia.