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Cohabitation en vue à Kinshasa. Avec les résultats des législatives et des provinciales, Joseph Kabila s’apprête à continuer de tirer toutes les ficelles en République démocratique du Congo (RDC). Après la présidentielle du 30 décembre et l’élection surprise de l’opposant Félix Tshisekedi, la stratégie de l’actuel président congolais pour garder la main sur le pouvoir, se précise. Alors que les résultats des provinciales et des législatives devaient être annoncés le 23 janvier, les autorités congolaises, plutôt habituées à faire traîner le calendrier, ont avancé l’annonce de 11 jours. Une accélération qui permet au pouvoir de rapidement imposer les nouveaux rapports de forces politiques au Congo après une présidentielle ratée pour la coalition pro-Kabila. Les chiffres avancés par la Commission électorale (CENI) sont nets : le parti au pouvoir se taillent la part du lion.
Carton plein pour le FCC
Si Félix Tshisekedi a été proclamé vainqueur de la présidentielle, son parti, l’UDPS, est étrangement très loin derrière le Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila. Avec 350 députés, le FCC dépasse largement le seuil majoritaire de 250 élus à l’Assemblée nationale, alors que la coalition Tshisekedi-Kamerhe obtient une cinquantaine de députés, et la coalition Lamuka de Martin Fayulu 80. Concernant les élections provinciales, qui permettent de désigner les gouverneurs des provinces et d’élire le Sénat, là encore, le FCC fait carton plein, avec le contrôle de 22 provinces sur 26. Outre la présidentielle perdue, le camp Kabila garde donc la haute main sur l’Assemblée nationale, qui désignera le prochaine Premier ministre, mais aussi sur les provinces et le Sénat, où l’ancien président Kabila, désormais sénateur à vie, pourrait en prendre la présidence, et devenir de facto le deuxième personnage de l’Etat. Une position avantageuse en cas de « vacance du pouvoir ».
« Un putsch électoral » pour Fayulu
Le scénario qui se met en place à Kinshasa valide l’idée d’une élection présidentielle négociée entre le pouvoir et l’opposant Félix Tshisekedi. Le FCC a d’ailleurs étonnement reconnu sa défaite rapidement. Une réaction quasi incongrue lorsque l’on sait avec quelle force la majorité présidentielle a cherché, depuis 2015, à contourner la Constitution et à retarder les élections pour s’accrocher au pouvoir. Le « deal » entre Kabila et Tshisekedi, c’est la thèse de l’opposant Martin Fayulu, qui revendique sa victoire à 61% et s’appuie sur les déclarations des observateurs de l’Eglise catholique (CENCO) qui ont affirmé que la victoire de Félix Tshisekedi n’est pas conforme à leurs chiffres. Martin Fayulu dénonce un « putsch électoral » et a décidé de déposer un recours devant la Cour constitutionnelle. L’ONU, l’Union européenne, l’Union africaine et la SADC (les pays d’Afrique australe) appellent tous à un recomptage manuel des voix pour lever toute ambiguïté. Un exercice périlleux qui pourrait prendre des mois.
« Tshibala bis » ?
Forcé à la cohabitation, la marge de manoeuvre du futur président Félix Tshisekedi sera très étroite. Une présidence sous surveillance, cornaquée par un Premier ministre, sans doute issu du camp pro-Kabila, et un Sénat présidé par Joseph Kabila. Avec la mainmise sur les deux chambres, les pro-Kabila pourront ainsi avoir la possibilité de modifier à leur guise la Constitution. Si on rajoute à cela le contrôle de la majorité des provinces, à travers les gouverneurs, la kabilie maintient son parfait contrôle sur les institutions et les territoires congolais. De fait, le président Tshisekedi risque d’être cantonné à un rôle purement honorifique et l’alternance politique tant désiré par les Congolais pourrait se transformer en une alternance de façade, en demi-teinte. Ce qui fait dire à certains Congolais que Félix Tshisekedi pourrait se transformer en « Tshibala bis », l’actuel Premier ministre, débauché de (...) Lire la suite sur Afrikarabia.