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En pleine crise politique entre le président Félix Tshisekedi et son « partenaire » de coalition Joseph Kabila, la conférence de presse surprise du porte-parole des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) n’est pas passée inaperçue. Au programme de cette rencontre inattendue, jeudi 12 novembre, le général Léon Richard Kasonga a livré un numéro d’équilibriste étonnant, entre rappel de la loyauté des FARDC aux institutions, mise en garde contre les critiques internes qui circulent sur les réseaux sociaux, et avertissement contre les politiques qui voudraient instrumentaliser l’armée.
Une lettre ouverte d’officiers en colère
Au sein de la « grande muette », on s’étonne de cette sortie médiatique détonante. « C’est une erreur stratégique. Si le porte-parole insiste sur la loyauté de l’armée, c’est justement qu’il reconnaît un problème » peut-on entendre dans les rangs. Au centre des critiques, on trouve une lettre ouverte d’officiers qui, sous couvert d’anonymat, dénoncent les nombreux dysfonctionnements de l’institution. Une lettre publiée sur les réseaux sociaux le 10 novembre alors que l’on apprend au même moment la délocalisation du quartier général de l’armée congolaise. Un déménagement qui suscite de nombreuses spéculations.
Une armée mal payée, mal équipée
Dans un texte destiné à leurs « compagnons d’armes » et diffusé sur les réseaux sociaux, des officiers ont dénoncé dans une longue liste, les nombreuses problèmes que connaissent les militaires congolais : non mise à disposition des frais de fonctionnement, non paiement des primes, retards dans la paie des soldes, manque de dotation en équipements et en rations alimentaires… Une litanie qui n’est malheureusement pas nouvelle au sein d’une armée réputée mal payée, mal équipée et mal commandée.
Un déménagement du QG qui interroge
Les officiers signataires font également mention du déménagement de leur Etat major « sans leur avoir trouver de nouveaux bureaux. Les FARDC aujourd'hui sont sans quartier général, une première dans le monde, pendant que des beaux bureaux sont donnés aux conseillers du Président » insiste le texte. Avant de conclure, un brin menaçant : « Devant ce tableau sombre, que devons-nous faire ? A bon entendeur, salut ».
« Leur brouhaha ne passera pas »
La porte-parole de l’armée n’a visiblement pas apprécié la missive : « La solde, mais aussi diverses primes, étant des dépenses de souveraineté, sont décaissées au prorata des recettes publiques de l’Etat sans qu’il soit nécessaire de le porter sur la place publique ». Et de prévenir : « Les forces armées bénéficiant d'une particulière attention du commandant suprême, les auteurs de l’appel à la révolte des militaires dans les réseaux sociaux doivent savoir que leur brouhaha ne passera pas. » Le général Léon Richard Kasonga a tout de même reconnu quelques manquements dans l’acheminement des frais de décaissement, avec pour cause… la crise sanitaire.
Les Fonds spéciaux des renseignement régulièrement détournés
La pénurie de matériels et les retards de paiement sont monnaies courantes au sien des FARDC. Nous avons régulièrement relayé les accusations de détournements de primes de soldats, notamment en Centrafrique en 2014, où plus récemment dans les Kivu en 2020. Encore aujourd’hui, une source sécuritaire nous confie que les Fonds spéciaux des renseignements (FRS) sont régulièrement détournés et ne sont pas alloués aux fonctionnement des services. Idem pour les véhicules, qui ne font pas défaut selon notre source, mais qui ne sont jamais rendus lors des permutations. « Les officiers supérieurs partent avec les véhicules et au gré de leurs affectations, ils en demandent de nouveaux, et se retrouvent ainsi avec 4 ou 5 véhicules qui sont devenus leurs voitures personnelles ».
La présidence veut récupérer les bâtiments du Mont-Ngaliema
Concernant la délocalisation du quartier général des FARDC, le porte-parole de l’armée a tenu a justifié cette décision par la vétusté des bâtiments actuels. Une justification qui étonne au sein même de l’Etat major. La raison serait tout autre selon une source militaire. La présidence souhaiterait en effet récupérer des bâtiments du Mont-Ngaliema pour installer certains collaborateurs du chef de l’Etat dans le cadre de sa future présidence de l’Union africaine début 2021. Ce qui expliquerait « l’urgence » du déménagement dans le message du chef d’Etat major de l’armée congolaise, Célestin Mbala Munsense, adressé récemment à ses subordonnés.
S’il n’y a rien de neuf dans les nombreux dysfonctionnements qui secouent régulièrement l’armée congolaise, la crise politique et la guerre de tranchée qui opposent le président Félix Tshisekedi et son prédécesseur Joseph Kabila, créent un climat de plus en plus irrespirable au sein des FARDC. « Les généraux sont aujourd’hui plus divisés que jamais », nous explique une (...) Lire la suite sur Afrikarabia.