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Afrikarabia : Pourquoi avoir décidé de mener ces campagnes de sensibilisation sur le Covid-19 sur le terrain, au contact des populations ?
Floribert Anzuluni : Nous nous sommes très vite rendus compte que l’information sur la maladie, ses conséquences et la meilleure façon de la combattre, n’étaient pas suffisamment diffusée. On sait que la très grande majorité de notre population n’a pas accès à la télévision et aux réseaux sociaux. Ensuite, le niveau de dégradation et de faillite de notre pays et de notre système de santé est très élevé. Enfin, les ressources de l’Etat sont extrêmement limitées, principalement dû à la corruption.
Afrikarabia : Où sensibilisez-vous les Congolais ?
Floribert Anzuluni : Nous avons lancé nos campagnes de sensibilisation dans une dizaine de villes : Kinshasa, Lubumbashi, Kananga, Matadi, Goma, Mbandaka… Nous choisissons de nous rendre dans les lieux les plus fréquentés, là où la maladie pourrait se répandre, comme les marchés, les arrêts de bus, les camps de militaires, ou les centres pour handicapés, qui sont des lieux particulièrement fermés. Vous trouvez-là des centaines de familles, qui vivent dans une très grande promiscuité et qui n’ont aucune information sur la maladie.
Afrikarabia : Comment est gérée la crise du Covid-19 en RDC ?
Floribert Anzuluni : Il y a clairement un problème de coordination. La population ne comprend pas la stratégie engagée par les autorités pour combattre la pandémie. La communication sur cette crise est chaotique. Il y a trois pôles de communication : la tank force de la Présidence, le ministre de la santé qui gère la crise de manière très confuse, et vous avez enfin la cellule du professeur Muyembe, qui paraît techniquement au point, mais qui ne semble pas suffisamment soutenue sur le plan logistique et financier. Et dans cette communication chaotique, on a complètement oublié l’aspect communautaire. Il n’y a pas du tout de relais avec les acteurs communautaires. C’est un vrai problème, et la conséquence c’est que la population ne fait pas confiance aux pouvoirs publics.
Afrikarabia : Il y a une certaine défiance des Congolais ?
Floribert Anzuluni : La population ne croit pas aux informations qu’elle reçoit des autorités. Les décisions qui sont prises semblent être déconnectées de la réalité des Congolais. Il y a eu beaucoup de copiés collés dans les décisions prises qui ont eu un effet contraire. Quand on parle de distanciation, comment voulez-vous que les gens respectent la distanciation quand on voit la promiscuité dans laquelle vit la plupart des Congolais ? La misère rend la distanciation impossible. Nous pensons que nous aurions dû imposer le port du masque obligatoire, même en tissu, pour freiner la transmission de la maladie. Au lieu de cela, les autorités on imposé un confinement qui n’est pas du tout réaliste. Dans certaines communes, il n’y a tout simplement pas d’eau, comment voulez-vous vous laver les mains !
Afrikarabia : A Kinshasa, seul le centre des affaires, le quartier de la Gombe, a été confiné. Qu’en est-il des autres quartiers de cette mégapole de 12 millions d’habitants ?
Floribert Anzuluni : Le manque d’engagement de la population est hallucinant. La vie à Kinshasa fonctionne normalement ! Et cela est dû à la décision de confiner la Gombe. Au début, on a mal communiqué en laissant croire que c’était une maladie qui venait de l’extérieur, une maladie « de riches », de ceux qui prennent l’avion et voyagent à l’étranger. Beaucoup de Congolais pensaient alors qu’ils ne pourraient pas être touchés. En prenant la décision de confiner uniquement la (...) Lire la suite sur Afrikarabia.