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Billet de blog 24 mai 2020

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RDC : les paradoxes de la présidence Tshisekedi

Depuis son élection controversée de décembre 2018, Félix Tshisekedi doit à la fois « convaincre qu’il incarne l’alternance » en changeant le mode de gouvernance, tout en composant avec les intérêts de son nouvel allié, Joseph Kabila. Une équation délicate qu’analyse un récent rapport de l’Institut français des relations internationales (Ifri).

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Illustration 1
© Présidence RDC

Le changement se fait attendre en République démocratique du Congo (RDC) 16 mois après l’arrivée à la présidence de l’opposant Félix Tshisekedi. Dans une note de l’Ifri intitulée « RDC : le changement à pas feutrés », Thierry Vircoulon et Marc-André Lagrange reviennent sur l’étrange début de mandat du nouveau président congolais. « Elections frauduleuses, cohabitation insolite et non véritable changement de pouvoir », les deux chercheurs dressent le portrait d’un « président minoritaire » et prisonnier de ses contradictions.

Félix Tshisekedi « doit convaincre la population et les partenaires étrangers de sa capacité à changer le paradigme de gouvernance de la RDC tout en composant avec le clan Kabila et ses intérêts ». Une équation complexe à résoudre qui fait dire aux auteurs « qu’un an après sa prestation de serment, force est de reconnaître que le changement promis se réduit à des effets d’annonce et au recyclage de promesses, d’idées et de projets laissés en jachère par les gouvernements précédents. »

« Sur-domination » du FCC

La note de l’Ifri revient tout d’abord sur la « saga électorale » qui a porté Félix Tshisekedi dans le fauteuil présidentiel. Et de rappeler « un processus électoral entaché de fraudes massives », ainsi qu’un « accord de partage du pouvoir » conclu avant l’annonce des résultats entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi. Ces élections aux résultats « fabriqués » consacrent la « sur-domination du FCC » de Joseph Kabila à l’Assemblée nationale, au Sénat et dans les Assemblées provinciales. « C’est dans cette position d’extrême faiblesse que Félix Tshisekedi a négocié la composition du gouvernement » expliquent Thierry Vircoulon et Marc-André Lagrange.

Cette cohabitation insolite débouche sur un exécutif largement pro-Kabila. « Bien que n’étant plus président, précise le rapport, Joseph Kabila et son clan gardent le contrôle des ministères de la Justice, des Mines, des Infrastructures et Travaux publics et de la Défense. Cette répartition du pouvoir reflète la continuité de la mainmise du clan Joseph Kabila sur les secteurs clefs aussi bien de l’économie que des services de sécurité. »

L’appareil sécuritaire toujours sous contrôle de Joseph Kabila

Dans ce contexte de partage du pouvoir, largement défavorable au nouveau président, Félix Tshisekedi opère des changements « soigneusement calculés et limités » au sein de l’appareil sécuritaire. Il nomme « des sécurocrates bien connus à Kinshasa, en l’occurence Justin Kakiak à la tête de l’Agence national de renseignements (ANR) qui dépend directement de la présidence, en remplacement de Kalev Mutond qui est sous sanctions européennes et américaines, et François Beya, ex-directeur de la Direction Générale des Migrations, comme son conseiller spécial en matière de sécurité. »

Les généraux sous sanctions internationales n’ont pas été écartés, et certains hauts gradés kabilistes ont même été promus « tels que Célestin Mbala Musense, chef d’état-major, et Jean Claude Yav, chef de la maison militaire, équivalent du chef d’état-major particulier. » Jaynet Kabila, la sœur jumelle de Joseph Kabila, a même été élue à la tête de la commission de défense et sécurité de l’Assemblée nationale. Des généraux emblématiques du régime répressif de Joseph Kabila, comme John Numbi, n’a pas été inquiété pour l’instant.

Des remaniements par petites touches

Mais début 2020, Félix Tshisekedi commence à remettre en cause « le statu quo à l’égard des sécuricrates kabilistes. » Jaynet Kabila et Kalev Mutond ont été interrogés par les services de sécurité. Félix Tshisekedi fait également convoquer plusieurs hauts gradés devant la Commission nationale de sécurité : « le général Muhindo Akili Mundos qui est le commandant de la 33e région militaire (Sud-Kivu et Maniema), le général Delphin Kahimbi, commandant des renseignements militaires et Léon Lukaku, directeur du contre-espionnage de l’ANR. Les deux derniers étaient accusés d’avoir mis en place un système d’écoute et Léon Lukaku avait été suspendu de son poste en février. »

« Delphin Kahimbi et Léon Lukaku ont tous deux été retrouvés morts dans des circonstances mystérieuses. Quelques jours plus tard, le 4 mars 2020, le général Fall Sikabwe, commandant de la 3e région militaire a été mis aux arrêts pour détournement de fonds. » Félix Tshisekedi remanie même jusqu’au chef de la Garde républicaine en nommant le général Christian Tshiwewe Songesha en remplacement d’Ilunga Kampete, « une des personnalités de la répression kabiliste. »

Le décollage économique et social se fait attendre

Pour répondre aux immenses attentes de la population congolaise en matière de développement, le président Tshisekedi a beaucoup promis. Deux volets incarnent la volonté présidentielle : la gratuité de l’enseignement primaire et le programme des « 100 jours ». Ce programme d’urgence basé sur une longue liste de projets de construction et d’infrastructures est évalué à « 304 millions de dollars et financé à hauteur de 234 millions par des fonds publics. »

Mais les conditions de réalisation de ce programme laisse à désirer : « la plupart des contrats du programme des 100 jours ont été passés de gré à gré dans des conditions douteuses et leur taux de réalisation (8,7 %) est très faible » pointe la note de l’Ifri. Des sociétés para-étatiques comme le Fonds National d’Entretien Routier (FONER) ou le Fonds de Promotion de l’Industrie (FPI) sont mises à contribution. Problème : ces organismes dirigés par des proches de Joseph Kabila sont « soupçonnés de détournements de fonds » ou de travailler avec « des sociétés fantômes. »

Concernant l’ambitieux et nécessaire gratuité de l’enseignement primaire, les résultats ne sont pas au rendez-vous en septembre 2019. La rentrée est chaotique, les classes sont  (...) Lire la suite sur Afrikarabia.

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