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Billet de blog 27 juin 2024

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RN : menaces sur la liberté académique

L’avènement du RN ouvrirait la voie à un régime illibéral, privatif des libertés fondamentales, dont la liberté académique. La porte d’entrée pour soumettre l’université au joug autoritaire du RN est à ce titre toute trouvée : le « poison wokiste » qui menacerait la civilisation en général et gangrénerait l’université. Fidèle à sa vocation, notamment défendre l’autonomie des savoirs scientifiques, l'Association Française de Science Politique appelle à se mobiliser contre le RN et à lui faire barrage dans les urnes.

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Communiqué du Conseil d’administration de l’Association Française de Science Politique relatif aux élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet 2024

La décision du Président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale parachève un long processus qui aura conduit le Rassemblement national (RN) aux portes du pouvoir. Imaginons un seul instant ce que représenterait l’arrivée du RN à Matignon pour l’enseignement supérieur et la recherche. Imaginons car, en la matière, les idées du RN sont quasi inexistantes. L’université ne figure nulle part dans le programme présidentiel de Marine Le Pen de 2022. Il y est certes précisé que la candidate entend « restaurer [le] système éducatif pour qu’il retrouve sa mission de transmission des savoirs », mais ses propositions (« rétablir l’autorité de l’institution scolaire », « supprimer la bureaucratie de l’Éducation nationale », etc.) sont réservées à l’école. L’université ne figure pas davantage dans les « livrets thématiques » que propose le RN sur son site internet, et elle est tout aussi absente des premières mesures programmatiques annoncées par Jordan Bardella dans la perspective des élections législatives. Voici donc un parti qui prétend bientôt exercer le pouvoir sans même avoir le début d’un projet pour l’enseignement supérieur et la recherche. Mais à bien écouter le discours des responsables lepénistes, on devine aisément quel sort serait réservé à l’ESR.

La plupart des orientations politiques du RN contredisent les principes et les valeurs de notre régime républicain – à commencer par « la préférence nationale », qui touchera de plein fouet les personnels et les étudiant.es internationaux, qu’il s’agisse pour ces dernier.es des frais d’inscription, de l’aide au logement, de l’accès au Crous ou de l’accès à l’enseignement supérieur tout court. La France s'honore d'en recevoir plus de 400 000 chaque année, prouvant l'attractivité de ses institutions universitaires. Accueillir des étudiant.es internationaux permet d'établir par la suite des partenariats dans le domaine de la recherche, du savoir, de la culture, des entreprises. Nos collègues d’origine étrangère ou ayant la double nationalité risquent eux aussi d’être des victimes directes de « la préférence nationale ». Un protectionnisme académique signifierait une dégradation irrémédiable de l'enseignement et de la recherche en même temps qu'une mise au ban de la France par ses partenaires académiques. Elle s’appauvrirait aux niveaux éthique, scientifique, pédagogique et culturel.

Par ailleurs, ne nous leurrons pas : l’avènement du RN ouvrirait la voie à un régime illibéral, autrement dit privatif des libertés fondamentales, dont la liberté académique. La porte d’entrée pour soumettre l’université au joug autoritaire du RN est à ce titre toute trouvée : le « poison wokiste » qui menacerait la civilisation en général et gangrénerait l’université en particulier, et contre lequel le RN a constitué en avril 2023 une association parlementaire qui entend l’éradiquer. Celle-ci aspire notamment à supprimer les « subventions publiques à des organisations ouvertement wokistes », créer des « groupes de vigilance » et des « associations dans tous les domaines de la vie publique où sévit le wokisme : école, bibliothèques, arts (cinéma, théâtre, littérature, etc.) », ou encore mettre sur pied une « plateforme Internet anti-wokiste ». Le wokisme n’étant jamais défini, on pressent qu’il pourra s’appliquer à peu près à toute production académique – article, ouvrage, colloque, programme de recherche... – non conforme aux idées du RN, mais également à tout enseignant.e ou chercheur.e refusant de se mettre en conformité avec ces idées. Et que dire des « théories du genre » fustigées par Jordan Bardella dans Valeurs actuelles, celui-là même qui applaudissait l’initiative de Frédérique Vidal de lancer une enquête sur «l’islamo-gauchisme» à l’Université? Qu’adviendra-t-il dès lors du droit d’enseigner et de mener des recherches en toute indépendance, pour reprendre la définition élémentaire de la liberté académique ?

Partout menacée dans le monde et en Europe, à l’exemple de la Hongrie qui nous donne déjà un aperçu de ce que deviennent l’enseignement et la recherche dans un pays dirigé par l’extrême droite, cette liberté académique sera réduite à peau de chagrin avec l’arrivée du RN au pouvoir. L’heure est donc grave, et le danger imminent.

Fidèle à sa vocation, promouvoir la recherche française en science politique et défendre l’autonomie des savoirs scientifiques, tout comme les enseignant.es/chercheur.es subissant des violences dans le cadre d’atteintes à la liberté académique, l’AFSP appelle à se mobiliser contre le RN et à lui faire barrage dans les urnes, les 30 juin et 7 juillet prochains.

Paris, le 26 juin 2024

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