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Billet de blog 3 juillet 2023

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La réponse à la haine ?

Anti-flic ou anti-casseur ? Il faut vraiment choisir un camp là ?

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"Choisissez votre camp".

Windieu, comme on dit chez moi.

Le nombre de fois où cette phrase est sortie de ma bouche, ironiquement, cyniquement, nerveusement, rageusement, m'est indénombrable.

Je m'en veux presque maintenant, d'avoir tant prononcé ces 3 mots. Comme je suis un artiste, donc par définition un peu perché, j'adhère aux pensées alternatives, par exemple à la théorie de la loi d'attraction : ce que je projette finit par se produire sous mes yeux.

De fait mais non moins étonnamment, je n'ai détecté absolument aucune surprise en moi. Ce que j'ai identifié, c'est un sentiment d'évidence arrogante ; un "je le savais, je vous l'avais bien dit", zesté d'un "parce que vous ne vous y attendiez pas, vous ?", dans toute son horrifiante et écœurante condé-scendance.

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Je vais le confesser le plus honnêtement du monde : je ne sais pas ce qui se passe en France.

Je n'arrive pas à m'y intéresser car je crois que ça me débecte trop.

Je ne sais pas ce qui se passe en France car à chaque fois que j'ouvre un média, je me sais et me sens conditionné pour m'insurger de ce que je vais lire, voir ou entendre et j'en ai résolument marre d'auto-alimenter cet état d'esprit-là en moi. Je sais aussi tout ce que ce flot continu de surcharge informationnelle, de plus en plus majoritairement orientée dans l'exploitation des peurs de l'être humain, peut causer en chacun d'entre nous, tant il se constate si facilement au contact de l'autre. Nous sommes tous dans un état de fatigue extrême, causé directement par ce climat que le pouvoir politico-médiatique entretient si bien. L'incertitude et le désespoir : voilà comment un pays comme le nôtre peut tomber de son piedest-occidental. Jusqu'ici, tout allait bien ; voilà maintenant que l'on semble atterrir.

Je ne sais pas ce qui se passe en France car je ne le vois pas : savoir, n'est-ce pas un peu "voir ça", dans le fond, si on écoute ce mot ? Tout ce que je vois, de là où je vis, c'est ce que ma TV ou mes réseaux sociaux veulent me faire voir. Comment donc prétendre que ce que je vois est vraiment ce qui est en train de se passer, en toute objectivité, sans aucun objectif d'influence idéologique derrière ?

Je ne sais pas ce qui se passe en France, donc je vais m'en tenir à ce que tous les français savent : un concitoyen policier a tué un concitoyen à peine adulte. Cela a entraîné plein d'autres concitoyens à réagir par la violence, dans une colère destructrice. Dans la brutalité de ce moment, de nombreux bâtiments ont été endommagés, certes, mais ce qui me semble autrement plus significatif, c'est sans doute que l'absolue majorité de nos concitoyens de toutes générations a été blessée, physiquement, psychologiquement ou émotionnellement, par cet enchaînement d'événements.

Je ne sais pas ce qui se passe en France, mais je crois que le bout de ce tunnel est encore bien loin ; y aperçoit-on la lumière au fond ? Qui peut le dire ? Nostradamus ?

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Je vais le confier avec encore plus de franchise : en fait, je me fous de savoir ce qui se passe en France.

Je me fous de savoir ce qui se passe en France, car de toute façon, ce qu'on nous donne à voir me semble n'être qu'une vaste pièce de théâtre de marionnettes guidées par une poignée de nos concitoyens à qui tout est permis. Ces fils qui nous tiennent et nous actionnent, nous les marionnettes, sont, il me semble, les câbles à débrancher pour sortir de cette matrice néolibérale.

Je me fous de savoir ce qui se passe en France, car je refuse absolument que mes câbles servent à prouver à un nombre suffisamment grand de concitoyens qu'il faut faire advenir le fascisme, dans n'importe laquelle de ses anciennes et/ou potentielles nouvelles formes. Je veux plutôt que ces câbles me servent à renforcer ma détermination à penser autre chose, créer autre chose, rêver autre chose, pour moi et pour les autres.

Je me fous de savoir ce qui se passe en France, car c'est exactement ce que veulent m'imposer ces concitoyens qu'on nomme religieusement "élus", "dirigeants", "patrons", afin de justement (ou pas (du tout)) diriger pour moi, avec leur idéologie, leur langage, leurs peurs, leur haine. Cela, je l'exclus de mon for, ici et maintenant ; ceux-là, je les exclus de mon temple, ici et maintenant.

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Je vous demande pardon, chers concitoyens dirigeants et dirigés, de vous parler aussi abruptement que mes Alpes, mais si je me fous de savoir ce qui se passe, ou va se passer en France, c'est parce que cette attitude me semble être la meilleure réponse à adresser à tout cela, à tous ceux-là.

Ce jeu de peurs et de haine n'est pas le mien. Je préfère jouer à l'unisson ou à l'harmonie.

Je vous rends donc, ce plateau, ce tapis, ces pions, ces cartes, ces dés, cette boîte en carton surtout, dans laquelle nous risquons d'être toujours plus enfermé.e.s.

Je me fous de savoir ce qui se passe en France.

Je décide d'être ce 3 de cœur qui manque à l'appel, alors que la bataille est distribuée, rangée et sur le point de commencer.

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