Au Moyen-Orient, Mère Nature se chargera peut-être de détruire toutes les factions rivales avant que les humains n’achèvent de s’entretuer eux-mêmes.
- dans une étude parue le 26 octobre dans Nature Climate Change, Jeremy Pal et Elfatih Eltahir concluent que d’ici la fin du siècle, une partie des pays du golfe Persique pourrait devenir carrément invivable pendant l’été; ils utilisent la mesure dite de «température humide» (<em>wet-bulb temperature), en vertu de laquelle des gens âgés ou malades peuvent perdre la vie au-delà de 35°C, soit l’équivalent en «température ressentie» —dans le langage des météorologues— de 46°C degrés lorsque le taux d’humidité approche les 50%.
- à titre d'exemple, le 31 juillet, dans la ville de Bandar Mahshahr, en Iran, sur le bord du Golfe Persique, la "température ressentie" a atteint un phénoménal 68 degrés Celsius;
- ce record a été atteint au milieu d’une canicule de quelques semaines qui a frappé l’essentiel du Moyen-Orient, déjà l’un des endroits les plus chauds sur Terre;
- parallèlement à cette canicule, le gouvernement irakien a mis à pied cet été trois ministres et promis des réformes après des semaines de manifestations dont la principale demande était... la climatisation. Ou plus précisément, l’incapacité des autorités à maintenir l’électricité plus de quelques heures par jour, pendant des journées où la température reste bloquée au-dessus des 40 Celsius;
- en février dernier, selon l’Associated Press, la première décision du nouveau cabinet du président iranien Hassan Rouhani n’a pas porté sur le nucléaire, mais sur la protection du lac Orumieh, un des plus grands lacs d’eau salé du monde, qui a perdu 80% de sa superficie dans les 20 dernières années;
- selon une étude de l’agence américaine des océans et de l’atmosphère (NOAA) parue en 2011, le Moyen-Orient a connu un net déclin des précipitations hivernales de 1971 à 2010, au point où presque tous les hivers les plus secs depuis 1902 ont eu lieu dans les années 1990 et 2000;
- selon le Centre pour le climat et la sécurité, basé à Washington, cette année au Pakistan, davantage de gens sont morts à cause de la canicule qu’à cause du terrorisme. La remarque de ces chercheurs: “ce que nous voulons souligner n’est pas qu’il devrait y avoir une compétition entre “terrorisme” et “stress climatique”, mais que les ressources consacrées au premier dépassent de très loin le deuxième.
Dans une chronique parue dans le New York Times en août dernier, un chroniqueur d'ordinaire davantage intéressé par la géopolitique, Thomas Friedman, se faisait philosophe:
Tous les peuples dans cette région sont en train de jouer avec le feu. Pendant qu’ils se battent sur qui est calife, qui est l’héritier légitime du prophète Mahomet et à qui Dieu a vraiment donné la Terre sainte, Mère Nature ne reste pas inactive. Elle ne fait pas de politique —seulement de la physique, de la biologie et de la chimie. Et si le total de ces derniers tombe du mauvais côté, la nature emportera tout le monde avec elle.
Mais d’autres modèles climatiques commencent aussi à tirer la sonnette d’alarme ailleurs dans le monde. En août, une analyse des «risques économiques des changements climatiques» réalisée par des chercheurs américains, affirmait que dans leur propre pays, le nombre de journées caniculaires «dangereuses» pour la santé passerait d’une moyenne de 4 (entre 1981 et 2010) à une dizaine vers 2030, et plus de 30 vers 2090.
Une partie de ce texte a été initialement publiée par l'Agence Science-Presse