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Billet de blog 3 février 2017

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La blitzkrieg de Donald Trump

La salve des décrets présidentiels anti-immigration aux Etats-Unis impose, à marche forcée, un agenda nationaliste.

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Frapper vite, brutalement et tous azimuts. Après les décrets présidentiels pour déporter les immigrés illégaux et construire un mur à la frontière avec le Mexique, le décret signé vendredi 27 février suspend l’accueil des réfugiés syriens pour une période indéfinie ainsi que l’accueil de tous les réfugiés pour 120 jours. Il interdit de séjour aux Etats-Unis les ressortissants de 7 pays (Irak, Syrie, Iran, Soudan, Libye, Somalie et Yemen) pour une durée minimum de 90 jours. 
Au cours du week-end, plus d’une centaine de personnes de nationalités diverses, au statut de réfugiés ou résidents permanents et temporaires, ont été détenues, menottées, interrogées et menacées d’être renvoyées à leur arrivée sur le sol américain. Deux personnes ont été déportées et, selon les estimations des compagnies aériennes, plus de 700 autres ont été empêchées d’embarquer au départ ou en transit. 60 000 visas accordés aux citoyens des pays visés - au prix d'un processus sévère, long et couteux - ont été révoqués.

L’exécution de ce décret a provoqué des manifestations massives dans les aéroports des grandes villes le week-end dernier. A New York, les avocats mobilisés par l’American Civil Liberties Union (ACLU) sont intervenus auprès de la juge fédérale Ann Donnelly pour empêcher la déportation des voyageurs détenus. A JFK, l’alliance des chauffeurs de taxis new-yorkais a suspendu pendant une heure son service en signe de protestation. A Battery Park, en face de la statue de la Liberté, 15 000 personnes ont protesté dimanche contre ces mesures qui réveillent les sombres souvenirs des lois contre l’immigration chinoise au XIXe siècle, le refus des Etats-Unis d’accorder l’asile aux 900 passagers juifs du paquebot St-Louis fuyant l’Allemagne nazie en 1939, ou l'internement des Américano-japonais pendant la Seconde guerre mondiale.

Du coté du département de la justice, Sally Yates, procureur général par intérim, a contesté la légalité et la constitutionnalité de ce décret, qui entre en contradiction avec la Convention de Genève sur les réfugiés et la loi sur l’immigration et la nationalité de 1965 qui interdit la discrimination des immigrants sur des critères ethniques, de sexe, de nationalité, de lieu de naissance ou de résidence. Elle a été immédiatement limogée par le président, avant la nomination de son successeur, Jeff Sessions, qui devrait être confirmée par le Congrès très prochainement.

Illustration 2

Comment interpréter le déroulement de ces événements ?

Selon CNN, le décret a été élaboré sous la conduite de Steve Bannon, promoteur de l’Alt-right et conseiller stratégique de Donald Trump, qui vient parallèlement d’être promu au Conseil de sécurité nationale, organe de décision majeur de la politique étrangère des Etats-Unis. L’application du décret a été lancée sans en informer le département de la Justice et les agences du Homeland Security, habituellement habilités à fournir des conseils opérationnels, et sans l’avis des experts du contre-terrorisme.

Le département des affaires étrangères a également été tenu à l'écart. 200 diplomates américains ont contesté ce décret auprès de leur hiérarchie, soulignant ses effets contre-productifs en matière de lutte contre le terrorisme, l’accroissement du sentiment anti-américain dans le monde musulman, ses conséquences immédiates sur le plan humanitaire pour les populations concernées, comme ses effets négatifs sur le plan économique. « Qu’ils appliquent le programme ou qu’ils s’en aillent » a réagi lundi Sean Spicer, le porte -parole de la Maison Blanche.


Un coup  du pouvoir exécutif
L’application du décret a été menée sous les ordres directs de Steve Bannon par les agents des douanes et de contrôle des frontières (BPC), dont le syndicat (NBPC) a été un des premiers à soutenir la candidature de Donald Trump. A l’aéroport Dulles de Washington DC, certains fonctionnaires ont passé outre les jugements fédéraux destinés à débloquer la situation des détenteurs de visas valides pris au piège d’un mauvais timing. Ce n’est que dimanche à 17 heures, que le secrétaire du département du Homeland Security, John F. Kelly est intervenu pour confirmer que l’interdiction de séjour sur le territoire ne s’appliquait pas aux détenteurs de la carte verte qui résident de manière permanente aux Etats-Unis. Tous les autres types de visas - étudiants, de travail, de courte ou longue durée - sont actuellement suspendus pour les ressortissants des pays visés.

Cette opération constitue une démonstration de force du pouvoir exécutif, capable de mobiliser les services de police et d’immigration en court-circuitant les administrations et le pouvoir judiciaire, avec l’assentiment de la majorité des représentants et des sénateurs républicains qui lui est pour l’instant acquise. Ce précédent ouvre la voie à d’autres discriminations géopolitiques à géométrie variable, comme à des mesures d’expulsion des étrangers présents aux Etats-Unis, avec par exemple la révocation du titre de séjour en cas d’infraction, qui pourrait être appliquée de manière plus extensive.

En dépit du front de résistance populaire à cette mesure, cette opération "choc", destinée à galvaniser les partisans les plus extremistes de Donald Trump et à diviser la population américaine, est très alarmante pour l’avenir.

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