Le silence

Dennis Lehane, Le silence, 2023, 444 pages, éditions Gallmeister
   Il y a du Colson Whitehead (Harlem Shuffle) en Dennis Lehane. Tous deux façonnent leurs romans comme un portrait sociétal, celui d'une Amérique sortie de la ségrégation institutionnelle mais peinant à gérer ses paradoxes.
Mais revenons au roman de Lehane. Roman noir, noir profond, mais aussi thriller efficace, roman social d'une époque (1974) et roman d'une ville, Boston, audacieuse dans sa volonté de combattre les discriminations.
  Boston, été 1974. Boston décide d'appliquer dès la rentrée le "busing", transports scolaires des jeunes noirs dans un lycée blanc et inversement.
Les quartiers blancs alors s'échauffent, en particulier le quartier irlandais de Mary Pat, notre héroïne. Mary Pat prépare la manif contre le busing avec l'aide de sa communauté irlandaise, qu'elle apprécie car "elle y est au chaud". Grâce à Marty Butler, "protecteur" douteux mais aide précieuse, elle se sent en sécurité et perpétue les idées de ségrégation raciale.
   Mais un soir sa fille de 17 ans ne rentre pas et disparaît, sa vie bascule : elle va prendre conscience, au fur et à mesure de son enquête acharnée, que tous l'abandonnent - communauté, flics et protecteur. Mary Pat est décidée, elle a du cran, elle peut même se montrer violente s'il le faut, et il le faudra… Mais elle aura beau crier justice, face à une police corrompue, à une pègre locale puissante, et une communauté soumise, elle n'aura que son courage et sa force de caractère pour arriver à ses fins.
  Ce roman est d'une grande puissance, on ne l'oublie pas de sitôt. Les dernières pages nous livrent, à travers le drame que vit Mary Pat, une réflexion profonde sur la perpétuation du racisme, par imprégnation dès l'enfance.
Comme C. Whitehead, D. Lehane mériterait bien un prix Pulitzer !
Merci aux éditions Gallmeister pour m'avoir envoyé ce livre !