Depuis que le problème de l’immigration est devenu un enjeu électoral, on assiste à un ballet de visites de présidentiables dans les camps de réfugiés sans que n’y soit réglé le moindre problème. L’image de communication des politiques instrumentalise à ses fins la détresse humaine. Face à la mauvaise foi des dirigeants du monde entier, se lèvent ici et là, en France et en Grèce, à Narbonne et à Lesbos, des actions de solidarité par des hommes de bonne volonté. Ils sont légion.
Les hommes de mauvaise foi surfaits de leur titre, pouvoir et arrogance sont ceux qui dirigent le monde. Ils se contentent de leurs promesses et de leurs palabres proférées dans les plus grandes instances internationales. Allez dire à ceux qui se massent dans les camps de réfugiés qu’ils attendront encore, qu’on s’occupera d’eux après l’élection de tel président, après le prochain sommet des Nations Unies... Dans leur désespoir, ils vous riront au nez. Allez dire à ceux qui se massent dans les décombres d’Alep qu’ils attendent que les discussions de paix reprennent. Non seulement ils vous riront au nez mais ils vous supplieront de ne rien en faire. Chaque fois qu’il y a eu une demande de cessez le feu, jamais respectée, les bombes sont tombées en plus grand nombre et même les convois humanitaires ont été atteints. Allez dire à la fillette syrienne dont le visage a été brûlé lors d’un de ces bombardements qu’on attend les résultats d’une commission d’enquête sur l’usage des armes chimiques. Allez lui demander si elle est sunnite ou chiite. Allez lui demander s’il s’agit d’une guerre civile dans son pays. Du haut de son jeune âge et de sa résilience, elle vous rira au nez. De toutes les fausses questions et les discours vides des hommes d’Etats, elle et tous les êtres humains « parqués » dans leur exil, attendent la vraie vie, la liberté, le bonheur de sourire à nouveau. Alors, lorsque François Hollande (« sacré » homme d’Etat de l’année) se rendra à Calais, que fera-t-il concrètement pour ces migrants qui eux-mêmes ont donné à ces lieux indécents le nom de « jungle » ?
Des ballets de célébrités, politiques ou du show biz, ce qui revient à peu près au même, il y en a eu beaucoup sur l’île de Lesbos en Grèce. Même le secrétaire du parti communiste français s’est déplacé à Lesbos. Les migrants ont pu se distraire de la visite de Ban Ki Moon comme de celle des acteurs de Game of Thrones. Ils ont retenu seulement la visite du Pape comme une visite exemplaire puisqu’elle a profité à 12 familles installées à Rome depuis. Les migrants ont alors espéré un réveil humanitaire. Mais chez les politiques, on ne s’intéresse qu’au réveil électoral qu’on alimente d’électrochocs sur la menace de l’immigration. Le problème de l’immigration est un enjeu électoral. Le ballet des visites dans le camp de Calais répond à des soucis de campagne. François Hollande programmant quelques heures de déplacement à Calais quelques jours après la venue sur place de Nicolas Sarkozy. Que dira le Président français aux migrants ? Que dira-t-il aux habitants de la région ? Comment expliquera-t-il la construction d’un « mur anglais » sur le sol français ? Comment justifiera-t-il le choix de la construction d’un mur, le fossé de la mer ne suffisait pas ? Contre la mauvaise foi politique, les associations d’aide aux migrants demandent à ce que l’on sorte d’une logique uniquement gestionnaire de la crise des migrants. Ce n’est pas ainsi que se déroulera au mieux l’aide à l’installation sur de nouvelles terres des exilés. Ces exilés qui pourraient bien suivre le destin d’un premier ministre français, d’un dessinateur de bandes dessinées gauloises, de peintres, de sportifs, d’universitaires, bien chez eux en France.
La mauvaise foi politique, c’est celle de Barack Obama à l’occasion du sommet des Nations Unies sur les réfugiés et les migrants, lorsqu’il dit : « Nous pouvons tous apprendre d’Alex », ce petit garçon de 6 ans qui demande d’accueillir chez lui Omran, l’enfant d’Alep blessé et traumatisé par les bombardements. Le président américain a ajouté qu’Alex n’avait pas l’âge de la suspicion, des calculs, mais lui oui ! Les services de la Maison Blanche ont pris soin de remettre en scène la rédaction de la lettre par Alex afin d’attendrir des millions de personnes. Or la leçon d’humanité s’adresse en priorité à Obama : « Dear Président Obama »…
Politique frileuse de tous ces dirigeants qui freinent des quatre fers devant un problème qu’ils auraient dû aborder depuis longtemps et qui aurait déjà pu voir des solutions viables. La « jungle », traduction du langage pashto des premiers migrants Pakistanais en 1999, est gérée, par un grand pays comme la France, comme un bidonville depuis le début. Il y a trois ans, les Syriens ignoraient ce qu’était Daech, Isis, comment les a-t-on introduits dans leur pays et pourquoi les très grandes puissances ne parviennent-elles pas à en finir avec 20 000 terroristes si bien installés et si bien fournis en armes ? Et dont les pires, aux dires des réfugiés torturés sont ceux qui parlent français ou anglais…
Qu’allez-vous dire demain à Alex ? Qu’il y a des hommes de bonne volonté mais qu’ils ne sont pas dans les bureaux, qu’ils sont sur le terrain ? Ils sont à tous les coins des rues de France, de Narbonne, d’Athènes, de Lesbos. Ces hommes de bonne volonté n’ont d’intérêt que celui de voir survivre l’être humain qui débarque un jour chez eux. Cet être humain exilé qu’a pu être leur père, leur grand-père autrefois. Cet exilé qu’on pourrait être demain. Sans parler de la misère des guerres, on sait qu’il y aura des migrations climatiques. La Corée du Sud connaît une émigration particulière, celle de sa jeunesse harassée par le modèle économique à succès qui broie l’humain.
Les hommes de bonne volonté n’ont pas les moyens mais les forces psychiques, ce qui fait les meilleures armées, contre la détresse humaine. Ainsi à Narbonne, une action de solidarité en soutien aux Grecs qui aident les réfugiés s’est mise en place en février 2016 et agit depuis sans relâche. « Aider ceux qui aident » est le mot d’ordre qui anime les bénévoles. Dans son collège, les élèves de Jean-Michel Malvis, non seulement ont participé aux collectes solidaires mais ont assuré des distributions directement dans les rues d’Athènes. Leurs actions se poursuivant par des réunions, des diffusions et encore d’autres collectes par leur collectif SoliGrecs Nîmes. Leur solidarité éclaire la bonne volonté qui est en chaque citoyen. Leur engagement a dépassé l’obscurantisme que les hommes de mauvaise foi font rôder, avec la peur, autour des migrants. Cette peur qui se transformerait facilement en violence. Peur et violence qu’instrumentalisent volontiers les hommes politiques afin d’apparaître les sauveteurs d’une société à laquelle ils nuisent et pour laquelle ils réussissent même à vendre une sécurité douteuse d’agence Frontex, de mercenaires, tout en armant les terroristes de leurs incuries !
Demain, Alex et Omran vous demanderont le pourquoi de tout cela. Qu’allez-vous répondre à Alex et Omran ?
Agnès Matrahji, à Lesbos, le 26.09.2016