Du bon usage de l’Histoire
Le coup d’état du Niger est une nouvelle occasion de remettre sur la table l’esclavage et la colonisation comme si on tournait sans cesse en ronds. Explication confortable qui permet surtout de ne pas se remettre en cause et d’attribuer à autrui tous ses maux . Ce déterminisme est-il aussi puissant qu’on veut bien le dire d’autant que la plupart des acteurs d’aujourd’hui n’ont pas connu cette époque coloniale.
Pour l’esclavage que les journalistes brandissent à l’envie, parfois sans en connaître beaucoup de choses, tout en citant le déboulonnage des statues comme si ce geste était un début permettant de régler cet héritage. On aborde toujours la traite européenne, mais on oublie très curieusement la traite des Arabes. On n’a jamais vu la moindre manifestation se faire vis-à-vis de ces derniers et protester ouvertement contre cet élément -bien connu des scientifiques-, mais passé sous silence par ceux qui en font le plus grief à la France, comme si ça allait de soi. On aimerait que le plateau de la balance en tienne compte.
Au lendemain des indépendances, la France a signé des accords de défense dont aujourd’hui on fait semblant d’ignorer à quoi ils servaient y compris chez les journalistes !!
On rappellera que ces accords visaient à la défense des frontières et à la formation des armées africaines. Après plus de 60 ans de coopération militaire quel est le bilan ? Force est de constater aujourd’hui, que la France n’a pas été en mesure de sécuriser les frontières face à la menace djihadiste et que d’autre part les armées africaines n’en ont pas été non plus capables. La situation actuelle montre que le danger est de plus en plus proche des capitales .
Les armées ont été choyées par les pouvoirs politiques en place en général . Elles ont reçu une formation, des équipements des matériels, mais n’ont jamais connu le baptême du feu hormis les armées du Nigéria et du Tchad .Les envois dans les organisations internationales ont été de faibles palliatifs. A cela il faut ajouter - héritage peut-être des anciens empires africains- l’existence de gardes présidentielles généralement bien dotées au service du président. Ces gardes présidentielles n’ont jamais été bien vues par les armées nationales, car elles captent une part des ressources militaires, mais elles se sont trouvées parfois au premier plan comme dans le cas actuel du Niger.
Faute de faire la guerre , les militaires font de la politique , persuadés qu’ils feraient mieux que les civils – ce qui reste à démontrer -et que ça présente pour eux au moins l’avantage de pouvoir s’enrichir. Leur prétention à la démocratie reste généralement verbale et une fois au pouvoir, c’est un pouvoir autoritaire qu’ils installent. L'évolution du Mali et du Niger confirment cette tendance.
On explique sans cesse les échecs par le fait de la colonisation, de la présence de l’ancienne puissance coloniale ou d’autres Occidentaux. Ca marche bien auprès des populations sur le court terme. Sur le long terme quel est le gain pour le pays, pour les citoyens ?
Personne n’a fait encore le bilan des décennies de parti unique, de ses coups d’état militaires et de la gestion par ces derniers des pays. Comment la démocratie pourrait-elle s’instaurer dans de telles conditions ? Quelle est la conscience politique des masses hors de la capitale ? Pourquoi le multipartisme n’est il la plupart du temps que de facade et la chasse aux opposants assez générale? Quel est le rôle des élites ? Pourquoi les chefs d’État n’ont de cesse -et ce en dépit parfois des affirmations contraires- de se maintenir à la tête du pays pour s’y enrichir. Quand ont-ils eu à rendre des comptes ? Quand les Africains tireront -ils le bilan de ces décennies. Prompts toujours à voir la main de l’étranger, mais moins pressés de faire leurs bilans. Ce sont ces non -réponses qui facilitent les coups d’état militaires puisqu’ils ont la force pour eux et que les populations même si elles sont mécontentes- on l’a vu à Niamey – n’ont pas les moyens de se faire entendre.
Brandir le drapeau d’une autre puissance, c’est avouer qu’on a besoin à nouveau de l’extérieur, d’une béquille plus puissante et alors la revendication de la souveraineté devient contradictoire et ridicule et c’est en cela, que les populations n’ayant pas pris conscience de la manipulation se croient valeureuses et patriotes. Faute de regarder leurs erreurs les états ne sont ils pas condamnés a les reproduire ?
Le militaire doit être aux ordres du politique et non l’inverse. Les gardes présidentielles sont un danger pour les armées nationales, car elles captent une partie des ressources affectées aux armées et relèguent ces dernières au second rang alors qu'elles devraient incarner la nation.
Plier l’Histoire à l’idéologie est tentant comme on le constate, mais à terme l ’histoire se dérobe et les acteurs qui font l’Histoire apparaissent quelques soient leurs motivations pour ce qu’ils sont.