Réflexions et rappels sur le Sahélistan
Réflexions et rappels sur le Sahélistan
En reprenant cette appellation de Ph Leymarie- grand spécialiste des conflits en Afrique depuis plusieurs années, dans son article paru dans le Monde diplomatique de janvier 2013, on s’aperçoit qu’on savait beaucoup de choses et à plus forte raison les services de Renseignements, mais qu’on n’imaginait pas intervenir aussi rapidement. Les signaux relevés par PH Leymarie auraient dû être considérés comme des signaux d’alarme sérieuse à savoir :
-une force armée démoralisée, sous équipée dont seuls environ 2000 hommes pouvaient être considérés comme efficaces face à environ 4000djihadistes. L’auteur estimait alors qu’il faudrait 6 à 8 mois pour la rebâtir. A sa décharge cette armée s’est vue imposer l’intégration de combattants touarègues début 2012 qui se sont empressés pour une bonne part de déserter. Sans tomber dans le stéréotype du Targui déserteur, les gouvernements de la zone sahélienne ont eu déjà affaire à ce problème et parfois à des niveaux très supérieurs. Une certaine prudence s’imposait sans doute.
- la montée du religieux facilité par le pouvoir qui a accepté la formation d’un Haut Conseil islamique qui a pesé pour une révision du code de la famille et l’instauration d’un ministère des cultes le tout patronné par un wahhabisme séduisant et bien financé.
- un jeu de l’Algérie beaucoup plus impliquée que ne le disent les médias et qui a joué un large rôle dans la question touarègue. Certes elle ne peut sous-estimer les liens qu’entretiennent les Touarègues de son territoire avec ceux du Mali, mais aussi ceux du Niger et plus largement ceux de l’ensemble du sahel. Tamanrasset est une zone de repli pour des touarègues maliens. Alger considérait alors que la reprise des villes du nord Mali serait suffisante. Mais même sur ce point il existait bien déjà une dichotomie entre vision du pouvoir politique et visions de militaires marquées par les années 90 et qui craignaient un débordement sur le territoire algérien persuadés de l’existence de réseaux islamistes prèts à entrer en action. Les derniers évènements viennent de leur donner raison . L’enlèvement de son consul à Gao en avril 2012 malgré la protection du MNLA était déjà un signe avant-coureur.
Par ailleurs, comme l’indique dans ce même numéro du MD Lakhdar Benchiba, les militaires algériens qui soupçonnent assez traditionnellement la France, d’avoir des arrières pensées sont réticents à toute intervention ;
Alger a donc été peu attentive même si ponctuellement elle a joué un rôle d’intermédiaire entre Bamako et les Touarègues à la situation globale du Sahel et à l’implantation de groupes djihadistes à ces portes où se situent ses plus grandes richesses naturelles.
Ces différentes informations publiées par ce mensuel montrent que début 2013 :
- On est bien informé sur la présence des djihadistes, mais au nom du droit de non-ingérence, on se contente d’informer les gouvernements
- On affiche clairement –déclaration de Romano Prodi fin 2012- qu’on n’est pas persuadé d’une intervention militaire immédiate. !
- L’Algérie de par son passé s’est crue à l’abri de toute attaque djihadiste, ce qui bien sûr l’a surprise et a entraîné la réaction que l’on sait et qui n’est pas surprenante. Elle paye son aveuglement et sur elle-même, sur les actions des autres pays toujours très soupçonneuse et sur la situation du nord Mali.
- Soupçonner la France de défendre ses intérêts d’accord ! mais quel est le pays qui ne les défend pas ?
- La France est intervenue en urgence pour les raisons avouées ou non que l’on sait, mais elle fait partie aussi avec les EU de ces pays qui ont eu pendant longtemps une coopération militaire avec le Mali dont on s’aperçoit que le bénéfice est nul. Quid donc de la suite. On ne reconstruira pas indéfiniment une armée malienne !
- Les signes de délitement de la zone étaient donc bien connus. Il y a à la lumière de ces évènements, une occasion- nous le répétons- de lancer une réflexion active sur la mise en place d’une force armée inter africaine car aucun organisme que ce soit la CEDAO ou l’UA ne dispose d’une telle force. La France fait figure de gendarme ce que dénonce tout le monde, mais ce qui arrange bien aussi tout le monde ! il serait donc plus que temps qu’il y ait une relève. Si l’Afrique doit réfléchir, l’Europe aussi.
L’intervention sur le site gazier rebat les cartes pour tout le monde. Reste les opinions publiques à informer et disons le carrément ici le bât blesse
Pour ne parler que de ce qu’on connaît et en dehors des motivations des gouvernements, les médias sont assez lamentables et c’est un euphémisme !. Ils convoquent tous une pléthore de spécialistes de l’après-coup qui délivrent finalement des explications qui devraient être fournies par les journalistes qui se dispensent du travail nécessaire et vont chercher la caution de cesdits spécialistes qui de leur côté font gentiment le tour des chaînes de télé !. Ce carrousel comique est plutôt de nature à inciter celui qui veut s’informer à aller voir ailleurs. La répétition en boucle apportant toujours les mêmes informations et le défilement parfois très contradictoires avec ce qui est entrain d’être dit achève de brouiller le message et donne à l’auditeur l’impression qu’on lui déverse des infos en vrac. A lui de choisir. Ce n’est pas nouveau car on avait assisté à la même chose avec la crise ivoirienne. Ça devient lassant et absurde et ne peut qu’inciter au désintérêt. Faire une grande édition spéciale et répéter à longueur d’heurse les mêmes infos pour occuper l’écran, c’est manquer de respect à celui qui vous écoute.