agsulaiman

Abonné·e de Mediapart

3 Billets

0 Édition

Billet de blog 5 octobre 2014

agsulaiman

Abonné·e de Mediapart

Lettre ouverte à M Robert MENARD, Maire de Béziers.

agsulaiman

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

M Robert MENARD  Maire de Béziers

Place Gabriel Péri

34500  Béziers

Lettre ouverte à M Robert MENARD, Maire de Béziers.

Monsieur le Maire,

Biterrois d’adoption, syrien d’origine et français par choix, j’apprends que vous allez rendre visite à la Syrie, pour le jumelage de la ville de Béziers avec le village de Maaloula, l'un de deux derniers villages en Syrie où l’on parle encore la langue du Christ, l’araméen.

L’idée de jumeler les deux villes mythiques, Béziers et Maaloula est généreuse et intéressante, soutenir les chrétiens de Syrie, est une cause louable, tout autant qu’attirer l’attention sur les menaces qui pèsent sur les minorités religieuses du Levant.

Cependant, rendre visite à un pays dominé pas le clan sanguinaire de la famille el-Assad recouvre une toute autre signification.

Vous devez certainement savoir que voter hôte, Bachar el Assad, est accusé par Madame Navy PILLAY, Haut-commissaire de l’ONU aux Droits de l’Homme, d’être responsable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. L’ancien président de Reporter sans Frontière que vous êtes a certainement vu les 12 000 photos de prisonniers exécutés par le régime et dont les preuves ont été présentées par un général de la police, qui n’a pas supporté les scènes de meurtre et torture perpétrées par les services de sécurité du régime.

Si vous décidez de passer outre ces graves accusations et d’oublier les deux cent mille morts sous les bombes du régime, les neuf millions de déplacés et les innombrables blessés et mutilés, quel itinéraire prendriez-vous pour vous rendre à Maaloula ?

Vous allez certainement passer par Beyrouth et votre avion atterrira à l’Aéroport International Rafiq Hariri, d’après le nom de l’ancien premier ministre du Liban, assassiné sur ordre de votre hôte, Bachar el-Assad en février 2005, avec l’aide de quatre hauts dignitaires du Hezbollah, toujours recherchés par la justice internationale.

C’est justement le service de sécurité de Hezbollah, qui contrôle l’aéroport de Beyrouth, qui assurera probablement votre accompagnement à travers la voie terrestre liant Beyrouth à Damas. Vous savez certainement que Hezbollah, classé par l’UE comme organisation terroriste, est responsable d’innombrables actions terroristes, dont le massacre des soldats français au Drakkar, le 23 octobre 1982, parmi tant d’autres crimes.

Vous passerez par la banlieue sud de Beyrouth, là où on a trouvé, en 2005, les restes du regretté Michel SEURAT, enlevé puis tué par ce même Hezbollah pour avoir osé écrire « l’état de Barbarie » à propos du régime syrien, celui-là même qui vous accueillera avec chaleur et gratitude, lorsque vous traverserez les frontières séparant le Pays du Cèdre avec la Royaume de la mort et du silence qu’est la Syrie des Assads.

Arrivant sur place, vous apercevrez des hélicoptères chargés de barils d’explosifs, qui survoleront votre convoi pour tuer des innocents et réduire des maisons et des écoles en cendres. 

Vous verrez des villes dévastées, des maisons en ruine. Vos hôtes vous diront que ce sont « des terroristes qui ont bombardé ces lieux ». Ils affirmeront que ce sont « des bandes armées, venues de nul-part, qui ont pulvérisé du gaz sarin sur les banlieues pauvres de Damas en août 2013 ».

Enfin, pour visiter des zones de désolation et des immeubles en ruine, avez-vous vraiment besoin d’aller si loin et de prendre tant de risque ?

Monsieur le Maire de Béziers, avant vous, en 1991, Jean-Marie le Pen a eu « l’honneur » de rencontrer Saddam Hussein. Vous aussi, vous aurez peut-être « l’honneur » d’être reçu par un tyran de la même trempe, Bachar el-Assad sera probablement ravi de recevoir un élu de la République Française, arborant son écharpe tricolore, dans son palais fortifié surplombant Damas. Vous y croiserez des visiteurs prestigieux, comme Kassem Suleimani, Chef des Gardiens de la Révolution Iranienne, ou des dignitaires venant du Soudan et de la Corée du Nord.

Monsieur le Maire de Béziers, vous n’êtes plus un reporter de guerre.

Aujourd’hui vous représentez la République. Vous êtes le symbole d’une ville généreuse et tolérante, ouverte et courageuse, tout le contraire du régime auquel vous rendez visite. Votre visite au pays des Assads fera probablement la une du journal de 20 heures, mais à quel prix ?

Monsieur le Maire de Béziers, vous ne manquez certainement pas de courage. Or, lorsque le sang des innocents coule, le courage est, aussi, d’avoir honte.

SULAIMAN Ahmad

agsulaiman@gmail.com

Béziers

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.