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Billet de blog 11 août 2010

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L'association Harkis et droits de l'homme révèle les manipulations du sénateur-maire de Béziers, R. Couderc, envers les Harkis

Lettre ouverte à Raymond Couderc, sénateur-maire  Monsieur le sénateur-maire, Le 22 juin 2010, vous avez déposé au Sénat une proposition de loi avec plusieurs de vos confrères : M. Jean-Paul Alduy, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. Alain Dufaut Jean-Paul Fournier. Le texte de cette proposition de loi est libellé ainsi : « La France reconnaît les souffrances subies par les citoyens français d'Algérie victimes de crimes contre l'humanité commis du 19 mars 1962 au 31 décembre 1963 du fait de leur appartenance ethnique, religieuse ou politique »

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Lettre ouverte à Raymond Couderc, sénateur-maire

Monsieur le sénateur-maire,

Le 22 juin 2010, vous avez déposé au Sénat une proposition de loi avec plusieurs de vos confrères : M. Jean-Paul Alduy, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. Alain Dufaut Jean-Paul Fournier.

Le texte de cette proposition de loi est libellé ainsi : « La France reconnaît les souffrances subies par les citoyens français d'Algérie victimes de crimes contre l'humanité commis du 19 mars 1962 au 31 décembre 1963 du fait de leur appartenance ethnique, religieuse ou politique »

Vu que l'exposé des motifs (lire en ligne), fait mention, à de nombreuses reprises, des souffrances éprouvées par les anciens harkis et leurs familles, nous pouvons penser que ce texte concerne, entre autres, les harkis, même si le libellé « citoyen français d'Algérie » peut laisser perplexe au regard du contexte colonial de l'époque. Il apparaît que ce texte est troublant à plus d'un titre :

  • - Est-ce que vous et vos amis savent que l'article 1er de la loi du 23 février 2005 stipule:«(La nation) reconnaît les souffrances éprouvées et les sacrifices endurés par les rapatriés, les anciens membres des formations supplétives et assimilés, les disparus et les victimes civiles et militaires des événements liés au processus d'indépendance de ces anciens départements et territoires et leur rend, ainsi qu'à leurs familles, solennellement hommage».
  • - Est-ce que vous et vos amis connaissent les propos de Jacques Chirac, Président de la République, le 25 septembre 2001, à l'occasion de la journée d'hommage national aux Harkis: "Notre premier devoir, c'est la vérité. Les anciens des forces supplétives, les Harkis et leurs familles, ont été les victimes d'une terrible tragédie. Les massacres commis en 1962, frappant les militaires comme les civils, les femmes comme les enfants, laisseront pour toujours l'empreinte irréparable de la barbarie. Ils doivent être reconnus. La France, en quittant le sol algérien, n'a pas su les empêcher. Elle n'a pas su sauver ses enfants».
  • - Est-ce que vous et vos amis savent que l'article 1er due la loi° 94-488 du 11 juin 1994 stipule: «La République française témoigne sa reconnaissance envers les rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie pour les sacrifices qu'ils ont consentis».

Ainsi, monsieur Couderc, vous nous servez à nouveau le même plat et ce plat est déjà froid. Nous savons que vous savez ; ce dont nous avons besoin, ce n'est pas la reconnaissance de notre souffrance (c'est fait, merci), mais la reconnaissance de la responsabilité de la France dans cette situation.

Ce que les harkis et leur famille pourraient attendre de votre part, c'est la proposition de loi suivante, en adéquation avec les propos de Nicolas Sarkozy le 31 mars 2007 : « La France reconnaît sa responsabilité dans l'abandon et le massacre des harkis en 1962 ». Vu que ce texte reflète l'engagement de Nicolas Sarkozy, on peut d'ailleurs penser qu'un projet de loi serait plus opportun qu'une proposition de loi.

Alors, quel est le but de votre proposition de loi ?

  • - S'agit-il alors de vous attirer, à bon compte, les bonnes grâces de la population des Pieds-noirs et des Harkis dans le sud de la France?
  • - S'agit-il de tromper les Harkis en leur faisant croire qu'ils sont au cœur de vos préoccupations alors que votre objectif est de détourner l'attention sur le non respect de l'engagement du 31 mars 2007 du Président de la République, «La France reconnaît sa responsabilité dans l'abandon et le massacre des harkis en 1962». En fin de compte une manipulation teintée de naïveté feinte, témoignage d'une forme de mépris inadmissible?
  • - S'agit-il de faire passer l'idée que le FLN est coupable de crimes contre l'humanité? Il est clair que des violences inouïes et inacceptables ont été commises sur les pieds-noirs et les harkis et leurs familles, après le 19 mars 1962, par des personnes appartenant ou se réclamant du FLN. Il est clair que des pratiques du FLN furent d'une extrême violence durant la guerre d'Algérie (massacres de Mélouza, de Constantine, attentats à la bombe, et bien d'autres exemples,...). Il est non moins clair que la France et son armée se sont comportées de manière indigne pour un pays démocratique: tortures, exécutions sommaires des prisonniers par les fameuses «corvées de bois», exécutions sommaires en opération (bien souvent des victimes innocentes qui avaient le malheur de se trouver au mauvais endroit et au mauvais moment), déportation et regroupement de populations (acte susceptible d'être reconnu également comme crime contre l'humanité), abandon des Harkis laissés souvent à leur sort atroce après avoir été utilisés comme chair à canon. Tout ceci sans compter les tueries organisées par l'OAS: un jour les facteurs, un jour les femmes de ménage... Combien de familles de Harkis ont été touchées par ce lot d'atrocités croisées? Alors, monsieur le sénateur-maire, il nous semble inconvenant de faire le procès d'une des deux parties sans avoir une vue globale sur l'ensemble des exactions commises durant cette guerre et après le cessez-le-feu. Vous souhaitez «brosser les rapatriés et les harkis dans le sens du poil» en ne présentant qu'une face de la réalité et ceci est indigne.

Mais peut-être les Harkis ne sont-ils pas concernés par votre texte ? Car enfin, il parait inconvenant de présenter les Harkis comme « citoyens français d'Algérie », quand on sait quelle humiliation ils ont dû subir lorsque, arrivés en France (pour ceux qui ont pu venir), ils ont dû demander la nationalité française. Si les harkis ne sont pas visés par votre texte, de grâce, laissez-les où ils sont et ne les mentionnez pas dans votre « exposé des motifs » (lire en ligne) : les harkis se sont trop faits instrumentalisés depuis 1962 pour tolérer une nouvelle manipulation.

Déjà, en présentant en période pré-électorale (à quelques semaines des élections régionales, en février 2010), une proposition de loi au Sénat prévoyant des pénalités pour le non-respect des dispositions de son article 5 de la loi du 23 février 2005 (interdisant toute injure ou diffamation commises envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki). Intention louable s'il en est ! Mais l'association Harkis et droits de l'Homme s'était étonnée de ce qui pourrait apparaitre comme un travail bâclé (lire en ligne) et avait estimé que cette proposition venait contrarier les intentions proclamées antérieurement par Hubert Falco : déposer un projet de loi (et non une proposition), venant donc à l'initiative du gouvernement (lire en ligne).

Quel jeu jouez-vous monsieur le sénateur-maire ? En début d'année, vous n'aviez pas été très critique envers Dominique Bussereau lors de son dérapage à propos de l'utilisation du mot « harki » (lire en ligne). Seriez-vous en train d'utiliser le malheur des anciens harkis à des fins inavouables ? Monsieur le sénateur-maire, votre proposition de loi, inutile, ne nous détournera pas de notre demande, le respect de l'engagement de Nicolas Sarkozy du 31 mars 2007.

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