Ahmed Ben ABLA (avatar)

Ahmed Ben ABLA

Directeur associé @FMaghreb2 & @urbanhit

Abonné·e de Mediapart

13 Billets

0 Édition

Billet de blog 12 novembre 2025

Ahmed Ben ABLA (avatar)

Ahmed Ben ABLA

Directeur associé @FMaghreb2 & @urbanhit

Abonné·e de Mediapart

Cinq Idées Reçues sur l'Armistice du 11 Novembre 1918

Ahmed Ben ABLA (avatar)

Ahmed Ben ABLA

Directeur associé @FMaghreb2 & @urbanhit

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pourtant, derrière cette image d'Épinal se cache une réalité bien plus complexe et surprenante. L'Armistice du 11 novembre est un événement aux multiples facettes, dont le souvenir a évolué au fil du temps. En 2025, alors que son écho résonne dans un contexte international tendu, il est essentiel de dépasser les mythes. Cet article propose de déconstruire cinq idées reçues sur un jour qui a changé le monde et qui nous parle encore aujourd'hui.

1- L'Armistice n'était pas la fin de la guerre, mais une simple pause.

Contrairement à une croyance répandue, l'acte signé le 11 novembre 1918 n'était pas un traité de paix, mais un armistice. La différence est fondamentale : un armistice est un cessez-le-feu, une suspension des combats, tandis qu'un traité de paix met formellement et juridiquement fin à l'état de guerre. Celui de 1918 était un "cessez-le-feu provisoire" d'une durée de 36 jours seulement. Il a dû être renouvelé plusieurs fois en attendant que les diplomates se mettent d'accord sur les conditions de la paix. La fin officielle de la Première Guerre mondiale n'interviendra que plusieurs mois plus tard, avec la signature du traité de Versailles, le 28 juin 1919. Cette nuance est cruciale, car elle a laissé couver tensions et frustrations, semant les graines des conflits futurs. En somme, comme le résume une image saisissante, "l'armistice, c'est un pansement sur une plaie gangrenée".

2. Des soldats sont morts par milliers le jour même de la paix.

Le fait le plus tragique et contre-intuitif du 11 novembre est que les combats se sont poursuivis avec acharnement jusqu'à la dernière minute. Alors que l'Armistice avait été signé à 5h15 du matin, l'ordre de cesser le feu n'entrait en vigueur qu'à 11h00. Durant ces quelques heures, des ordres absurdes ont été donnés, que ce soit par des généraux voulant s'arroger une dernière victoire, sécuriser une position tactique avant le silence des armes ou simplement par l'inexorable inertie de la machine de guerre. Le bilan est effroyable : environ 10 944 soldats tués ce jour-là. Le cas du soldat français Augustin Trébuchon, tué à 10h45, est emblématique de cette absurdité. Détail encore plus choquant, pour ne pas ternir l'image d'une paix sans pertes, les dates de décès de certains de ces derniers morts ont été falsifiées et antidatées au 10 novembre, comme si la guerre refusait officiellement de faire des victimes le jour de sa fin

3. Comment l'Armistice a été détourné pour nourrir la propagande nazie.

L'Armistice, perçu comme une humiliation en Allemagne, a été un terreau fertile pour une dangereuse manipulation politique. C'est de là qu'est née la "légende du coup de poignard dans le dos" (Dolchstoßlegende). Forgée par les milieux militaires et nationalistes, cette théorie affirmait que l'armée allemande, prétendument invaincue sur le terrain, avait été trahie par les politiciens civils, les socialistes et les républicains qui avaient signé l'Armistice. Ce récit mensonger est devenue une pierre angulaire de la propagande nazie dans les années 1920 et 1930, utilisée pour discréditer la République de Weimar et justifier une future revanche. Le symbole de cette récupération fut total lorsque Hitler, en 1940, a exigé que l'armistice avec la France soit signé dans le même wagon que celui de 1918, avant de le faire détruire en 1945.

4. Gagner la guerre ? Certains généraux alliés pensaient que l'Armistice était une erreur.

La décision de signer l'Armistice ne fit pas l'unanimité, y compris dans le camp des vainqueurs. Si la majorité y voyait un moyen d'épargner des vies face à un ennemi à genoux, des divergences existaient. Certains historiens français, comme Guy Pédroncini, ont jugé a posteriori que l'armistice était "prématuré". Selon eux, les armées alliées, en pleine offensive victorieuse, auraient dû pousser leur avantage pour obtenir une capitulation sans condition en territoire allemand. Cette vision n'est pas qu'une simple querelle d'historiens : une invasion et une défaite militaire incontestable sur le sol allemand auraient rendu la "légende du coup de poignard dans le dos" impossible à soutenir, privant ainsi la future propagande nazie de son argument le plus puissant. À l'opposé, d'autres analystes considèrent cette décision comme une "clémence salvatrice" ayant évité des mois de combats supplémentaires. Cette controverse montre que le choix fait à Rethondes n'était pas aussi évident qu'il y paraît.

5. La commémoration d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec celle d'hier.

La signification du 11 novembre a profondément évolué en France. D'une célébration de la victoire et d'un hommage aux "poilus", elle est devenue une journée à la portée mémorielle beaucoup plus large. Il ne s'agit plus seulement d'un geste de convenance, mais d'une correction nécessaire du récit historique qui reflète la prise de conscience par la France contemporaine de son passé colonial et de son identité multiculturelle. Les commémorations actuelles, en 2025, rendent explicitement hommage aux victimes de toutes origines, rappelant le sacrifice des quelque 500 000 soldats issus des colonies (africains, indochinois...) et des nations alliées morts pour la France. L'enjeu n'est plus de célébrer une victoire militaire, mais de porter un message universel de paix et de réconciliation. Dans un contexte géopolitique marqué par des guerres en Ukraine et au Moyen-Orient, ce souvenir se transforme en un appel à la vigilance.

Conclusion : Un silence qui résonne encore

Le 11 novembre est bien plus que l'anniversaire d'un cessez-le-feu. C'est un "avertissement chuchoté" par l'Histoire sur la fragilité de la paix, la complexité des décisions politiques et le coût humain exorbitant des nationalismes. Chaque année, le silence qui se fait à 11 heures nous rappelle que la fin d'une guerre n'est jamais acquise et que sa mémoire est notre responsabilité collective. Et vous, qu'est-ce que vous ferez pour que le prochain cessez-le-feu tienne ? Suivez mon regard !

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.