Tribune 19 mars 2024

Ratification du CETA : en pleine crise agricole, le vote du Sénat sera déterminant

Le 21 mars, le Sénat sera amené à se prononcer sur la ratification du CETA, un accord de libéralisation du commerce et de l'investissement entre l'Union Européenne et le Canada. Déstabilisation des filières locales, justice d'exception pour les multinationales, menace pour la démocratie, impact sur le climat... Dans une lettre ouverte, une trentaine d'organisations dénoncent les effets délétères de ce texte. Et interpellent les parlementaires.

Mesdames et Messieurs les Sénatrices et Sénateurs,

Le 21 mars prochain, vous serez amené·es à vous prononcer sur la ratification du CETA, cet accord de libéralisation du commerce et de l'investissement entre l'Union européenne et le Canada. Conclu en 2016, le CETA n'est toujours pas pleinement ratifié, ni en France ni au sein de l'UE, huit ans plus tard.

La partie commerciale de l'accord, soit environ 90% du texte, est pourtant entrée en application provisoire dès septembre 2017, sans que les parlementaires nationaux n'aient été consulté·es à ce sujet. La France fait partie des dix Etats-membres de l'UE qui n'ont toujours pas pleinement ratifié le CETA. Le contexte actuel de crise agricole devrait nous permettre de compter sur vous.

Malgré vos demandes réitérées, notamment par le vote d'une résolution invitant le gouvernement à « envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA » le 15 avril 2021, les promesses de l'exécutif d'ouvrir les débats sur les risques de cet accord en inscrivant le CETA à l'agenda du Sénat sont restées sans lendemain. Cela a privé le Sénat, et le pays, d'un débat démocratique à son sujet.

À ce jour, seule l’Assemblée nationale s'est prononcée sur le CETA, dans un vote précipité au milieu de l'été, divisant fortement la majorité présidentielle d'alors : le 23 juillet 2019, une majorité de députés n'ont pas voté en faveur de la ratification du CETA (211 contre et 77 abstentions contre 265 pour).

Le 21 mars 2024, vous avez donc l'occasion de vous prononcer enfin sur la ratification d'un accord qui n'est pas devenu « bénéfique » comme par enchantement comme voudrait le faire croire l'exécutif. Agiter quelques chiffres bien choisis pour illustrer des opportunités commerciales ne rend pas compte de la réalité des effets et des risques d'un tel accord de libéralisation du commerce et de l'investissement sur le long terme. Permettez-nous de vous en rappeler quelques-uns :

  • Normes agricoles moins restrictives au Canada : Les normes négociées entre l'UE et le Canada sont moins restrictives que celles imposées aux agriculteur·rices français·es, créant un déséquilibre inacceptable. Le Canada par exemple utilise toujours plus de 40 molécules de pesticides interdites dans l'UE.
  • Déstabilisation des filières locales : la mise en concurrence de systèmes productifs nationaux exerce nécessairement une pression à la baisse sur les prix agricoles et les normes des deux côtés de l'Atlantique
  • Justice d'exception pour les multinationales : Le mécanisme de règlement des différends investisseur-État, bien que modifié, reste une menace pour la capacité des États à réguler dans l'intérêt public.
  • Menace pour la démocratie : les mécanismes de coopération règlementaire et de règlement des différends investisseur-État donnent aux entreprises un pouvoir disproportionné sur les politiques publiques, au détriment de votre pouvoir en tant que parlementaires.
  • Impacts sur le climat : les dispositions du CETA ne fournissent pas une protection adéquate contre les impacts négatifs d'un tel accord sur le climat, et le prétendu "Veto climatique" ne résout pas la question ;

Voter contre le CETA ne signifie pas s'isoler et mettre fin au commerce transatlantique entre l'UE et le Canada, pas plus qu'isoler la France en Europe. Voter contre la ratification du CETA c'est ouvrir les conditions de possibilité d'une remise à plat de la politique commerciale européenne. Celle-ci ne doit pas continuer à faire de l'agriculture une monnaie d'échange, au détriment des agriculteurs et agricultrices, de la qualité de notre alimentation ou de notre souveraineté alimentaire.

Nous devons pouvoir décider des règles que nous voulons dans l'UE, sans en être empêché·es par ces accords et/ou être menacé·es d'être attaqué·es par des multinationales canadiennes ou passant par leur filiales au Canada. Enfin, nous ne saurions conclure sans rappeler qu'il n'y a « ni commerce ni parts de marché sur une planète morte ».

Les Signataires

ActionAid France
Aitec
Alofa Tuvalu
Amis de la Terre France
Attac France
Bloom
CADTM France
CCFD-Terre Solidaire
Collectif national Stop CETA-Mercosur
Confédération Paysanne
CGT
Chrétiens Unis pour la Terre
Extinction Rebellion France
Greenpeace France
Fédération Artisans du Monde
Fondation Copernic
Fondation pour la Nature et l’Homme
FoodWatch
FNE
France Amérique Latine - FAL
FSU
Institut Veblen
LDH
Le Mouvement de la paix
MIRAMAP - Mouvement Inter-régional des AMAP
Nature et Progrès Fédération
Solidaires
WECF
ZEA