AJAR - Association des journalistes antiracistes et racisées
Association des journalistes antiracistes et racisé•e•s

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Tribune 24 mars 2023

AJAR - Association des journalistes antiracistes et racisées
Association des journalistes antiracistes et racisé•e•s

Pour une Association de journalistes antiracistes et racisé·es

Face au constat du racisme et du manque de représentation dans les médias, 170 journalistes s’engagent. Nous voulons soutenir nos consœurs et confrères discriminé·es, exploité·es et marginalisé·es en école, en recherche d’emploi, en situation de précarité et en rédaction. Nous invitons les journalistes confronté·es au racisme à nous rejoindre, et appelons les rédactions, les écoles, les syndicats et les collectifs de journalistes à travailler ensemble.

AJAR - Association des journalistes antiracistes et racisées
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Nous sommes journalistes de presse écrite, web, radio, télévision et photographes. Nous sommes, par nos histoires, nos origines ethniques, nos couleurs de peau, nos religions, concerné·e·s par le racisme dans la société française, y compris dans les médias. Nous avons décidé de créer l’Association des journalistes antiracistes et racisé·e·s (AJAR) pour s’attaquer au racisme dans le journalisme.

Les rédactions, de gauche comme de droite, restent en grande majorité blanches, notamment aux postes à responsabilités. Il y a urgence à nous y faire une place.

Nous voulons soutenir nos consœurs et confrères discriminé·e·s, exploité·e·s et marginalisé·e·s en école, en recherche d’emploi, en situation de précarité et en rédaction. Inspiré·e·s par les initiatives de l’Association des journalistes LGBTI (AJLGBTI) et de Prenons la une créée par des femmes journalistes, nous nous sommes réuni·e·s afin d’agir ensemble.

Le racisme, dès l’école de journalisme

Le racisme en rédaction, c’est un chef d’un grand journal parisien qui recommande à l’un de nous de changer de nom pour être plus employable. C’est un collègue, dans un média de gauche, qui s’oppose à un sujet sur le racisme anti-asiatique, car ce serait une nouvelle invention «pour une communauté qui cherche à exister». C’est un chef dans la presse professionnelle qui surnomme l’une de nos membres «la petite beurette».

Ces exemples vécus ne sont pas isolés. D’après l’enquête du SNJ-CGT à venir sur le racisme dans les médias, près d’un·e journaliste sur deux ayant répondu à l’enquête est témoin de racisme sur son lieu de travail. Et cela commence dès l’école de journalisme, où les personnes racisées sont en grande minorité et de fait, déjà exclues des réseaux de la profession. 

Les blagues racistes sont omniprésentes dans les cercles d’étudiant·e·s. Il y a un an, une étudiante noire se voit par exemple affublée d’un filtre singe sur une photo que l’un de ses camarades de classe fait circuler. Il y a quelques mois, pendant le voyage scolaire d’une école prestigieuse, un professeur imite Jean-Marie Le Pen auprès de l’un de nos membres d’origine algérienne. Il blague sur les massacres coloniaux : «Nous faisions barbecue d’Algériens.»

Racisme sur les ondes et dans les colonnes des journaux 

Cette marginalisation s’ajoute à un climat de violences racistes dans l’espace public. En février, des journalistes du Poher, hebdomadaire breton, ont été visés par des menaces de mort et une alerte à la bombe, après des articles sur un projet d’accueil de réfugié·e·s. Un billet antisémite sur un site d’extrême droite commente la supposée judéité de deux journalistes de la rédaction, avant de les qualifier de «collabos», puisqu’iels soutiendraient «l’invasion migratoire».

Très régulièrement, des plateaux de télévision aux colonnes des journaux, des propos stigmatisants sont tenus sans que grand monde ne s’en émeuve. Ainsi, en février, pour décrire la désorganisation des débats parlementaires, un sénateur compare l’Assemblée nationale à «un camp de gitans» sur Radio J. L’expression est ensuite reprise, sans être critiquée, par une journaliste sur BFM TV. Comme la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, nous pensons que «l’antitsiganisme n’a pas sa place dans le débat public».

Un mois plus tôt, Omar Sy est interviewé sur son rôle dans le film Tirailleurs, qui raconte l’injustice vécue par les tirailleurs sénégalais. Il pointe du doigt le manque d’empathie envers les victimes de la guerre dans des pays non-occidentaux, comparée à celle accordée aux Ukrainiens. Cette remarque déclenche une avalanche de critiques racistes. Le terme d’«ingratitude» est lâché, plusieurs fois, sur différents plateaux. A des heures de grande écoute, des journalistes exigent d’un Français noir qu’il se fasse petit et dise «merci» pour sa carrière.

En décembre, l’ancien dirigeant de la chaîne LCI déclarait sur CNews que les «musulmans s’en foutent de la République, ils ne savent même pas ce que le mot veut dire». L’obsession médiatique islamophobe frappe régulièrement les musulman·e·s, en particulier les femmes musulmanes portant un foulard.

En janvier 2020, le Courrier picard titre «Alerte jaune», à propos du coronavirus, avec une femme est-asiatique en photo. Le journal finit par s’excuser. 

Préciser l’origine ou la nationalité des criminels lorsqu’ils ne sont pas européens reste encore un réflexe peu remis en question.

Face à ces constats, nous appelons les rédactions et les écoles à prendre leurs responsabilités. Nous croyons qu’un autre traitement médiatique est possible, respectueux des personnes, donnant la parole aux concerné·e·s. 

Les dynamiques racistes méritent une attention sérieuse et une couverture médiatique exigeante. Cela passe aussi par le recrutement de personnes racisées et pas uniquement celles issues des milieux les plus favorisés.

Nous, l’Association des journalistes antiracistes et racisé·e·s, invitons les journalistes confronté·e·s au racisme à nous rejoindre, et appelons avec nos soutiens, les rédactions, les écoles, les syndicats et les collectifs de journalistes à travailler ensemble.

(Pour nous rejoindre, veuillez nous écrire sur nos réseaux sociaux, sur Twitter ou sur Instagram

Cette tribune a initialement été publiée dans Libération.

Signataires : 

170 journalistes avec le soutien d’un collectif de syndicats et d’organisations dont le SNJ, le SNJ-CGT, Prenons la une, l’AJL, les Femmes Journalistes de Sport, Profession : pigiste, et la Chance aux concours. 

Parmi les signatures individuelles, 70 adhérent.e.s :

Amine Abdelli

Yunnes Abzouz

Maria Aït Ouariane

Amel Almia

Mariétou

Rasha Baraka

Arwa Barkallah

Houda Benallal

Sarah Benichou

Helena Berkaoui

Sarah Bos

Nadia Bouchenni

Yasmine Choukairy

Linh-Lan Dao

Maële Diallo

Nada Didouh

Samba Doucouré

Jade Duong

Mouna El Mokhtari

Maya Elboudrari

Manal Fkihi

Bérénice Gabriel

Yousra Gouja

Yannis Habachou

Sindbad Hammache

Donia Ismail

Juliette Jabkhiro

Dimitri Jean

Jalal Kahlioui

Héléna Khattab

Camélia Kheiredine

Mariam Koné

Marie Koyouo

Gurvan Kristanadjaja

Yena Lee

Cyril Lemba

Orian Lempereur-Castelli

Olorin Maquindus

Merwane Mehadji

Alicia Mihami

Sabrine Mimouni

Léa Mormin-Chauvac

Soraya Morvan-Smith

Christelle Murhula

Dalinie Mvemba

Estelle Ndjandjo

Lauriane Nembrot

Eloïse Nguyen-Van Bajou

Aziz Oguz

Iris Ouedraogo

Rémi-Kenzo Pagès

Arno Pedram

Méwaine Petard

Céline Pierre-Magnani

Pascaline Pommier

Thomas Porlon

Anissa Rami

Eric Ratiarison

Lina Rhrissi

Gabriel Robert-Gironcelle

Kadiatou Sakho

Ingrid Therwath

Fatma Torkhani

Faïza Zerouala

Khedidja Zerouali

Ainsi que 5 signataires journalistes anonymes.

Parmi les signatures individuelles, 100 soutiens dont une partie est entrain d’adhérer à l’association. 

Said Amdaa

Ekia Badou

Vedika Bahl

Asia Balluffier

Armêl Balogog

Karine Barzegar

Samia Basille

Cyrielle Bedu

Inès Belgacem

Mounir Belhidaoui

Baya Bellanger

Nouma Bem

Hanan Ben Rhouma

Laurine Benjebria

Sylsphée Bertili

Smaël Bouaici

Nora Bouazzouni

Myriam Bounafaa

Sophie Boutboul

Chamseddine Bouzghaïa

Nejma Brahim

Marwan Chahine

Yong Chim

Syanie Dalmat

Katia Dansoko Touré

Esther Degbe

Aline Deschamps

Rokhaya Diallo

Oumar Diawara

Saliou Diouf

Thu-An Duong

Rachida El Azzouzi

Inès El Kaladi

Mohamed Errami

Ijou Faraoun

Renwa Fares

Balla Fofana

Sébastien Folin

Brieuc Ghorchi

Renée Greusard

Ismaël Halissat

Nora Hamadi

Julie Hamaïde

Dan Israel

Paul-Arthur Jean-Marie

Leïla Khouiel

Alexandre-Reza Kokabi

Jadine Labbé Pacheco

Rachid Laïreche

Laura Lavenne

Nadiya Lazzouni

Grace Ly

Romain Mahdoud

Ouafae Mameche

Ophélie Manya

Simon Mauvieux

Manon Mella

Yoram Melloul

Lydia Menez

Laurence Méride

Samia Metheni

Yanis Mhamdi

Mejdaline Mhiri

Malik Miktar

Ismail Mohamed Ali

Hajera Mohammad

Nordine Nabili

Chiguecky Ndengila

Sarah Nedjar

Jessie Nganga

Linda Nguon

Coumba Niang

Anastasia Nicolas

Sandra Onana

Yinka Oyetade

Jennifer Padjemi

Shaï Pauset

Norine Raja

Ilyes Ramdani

Ali Rebeihi

Guy Registe

Juan David Romero

Nora Sahli

Rouguyata Sall

Yérim Sar

Jennie Shin

Jessica Taieb

Eva Tapiero

Redwane Telha

Mélody Thomas

Vanessa Vertus

Dominique Vidal

Rémi Yang

Raphäl Yem

Sabrine Zahran

Lynda Zerouk

Ambrine Ziani

Ainsi que 3 signataires journalistes anonymes.

Boite noire : Cette tribune a été publiée, une première fois, dans les colonnes de Libération le 21 mars 2023. 

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