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Billet de blog 18 août 2020

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CHRONIQUE D'AOUT 20

Par Daniel Petri

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce devait être à une autre époque, au temps des mages, des Cassandre empaillés et des piafs de mauvaise augure. Le royaume de France commençait à suinter sous les ors de la République, en ce mois de Janvier 2017. Ce jour-là, Monseigneur Darmalin s’inscrivait en belles lettres dans les colonnes du Figaro : « l’élection de Macron – bla, bla, bla- conduira à l’éclatement de notre vie politique ». Quelques mois plus tard, le Darmalin s’éclaterait à son tour…  

 « Son élection, ce qu'au diable ne plaise, précipiterait la France dans l'instabilité institutionnelle et conduira à l'éclatement de notre vie politique. Alors dans ce vide, le populisme le plus abject arrivera, celui de Mme Le Pen. À n'en point douter». Ce qu’au diable ne plaise. Comme vous y allez, chef ! Ainsi causait Gerald Darmanin, ce 26 janvier 2017 à 10 heures 11[1]. Figaro, ci ; Figaro là… Il faisait un froid sec et solaire, à Paris 6 ce jour-là. Mais, la bise était venue[2]     

Dans le fond de l’œil du cyclone

La veille, Darmanin avait appris une nouvelle embarrassante qui le harassait un tantinet : « Après les révélations du Canard enchaîné sur Penelope Fillon, l'épouse de François Fillon, le parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête préliminaire, mercredi 25 janvier, sur des faits présumés de détournement de fonds publics, d'abus de biens sociaux et de recel. »[3]. Il faisait donc un froid de canard. Les chats étaient blottis contre les radiateurs, le réchauffement climatique était en panne. Comme Sarko, Juppé et Valls avaient mordu la poussière et comme Fillon entrait dans une mauvaise passe, il ne restait guère que la Tête à Toto pour briguer le pouvoir face à madame Le Pen se laissait pousser les dents, histoire de donner le change.

Il semble que ce Drame à deux tours s’est joué il y a très longtemps. Maintenant nous sommes peut-être déjà dans le fond de l’œil du cyclone. Le Darmanin se croit malin, il fait le malin mais nous avons connu des renards plus affûtés. Le voilà Premier flic de France et des avares au moment où la Police convulse dans tous les sens. Quant au Macron, il s’exhibe Macron torse nu sur un jet ski.

Les salariés face aux Accords de Performance collective

Reste la sainte alliance de l’État et des « partenaires sociaux », dans l’association Capital-Travail au sommet dont le Ségur inhospitalier a été l’inauguration. Il y a une ombre menaçante à ce tableau hydro- idyllique : la fronde des salariés contre le gouvernement, les entreprises et contre les dirigeants syndicaux qui trahissent sans ciller. L’exemple du sous-traitant Derichebourg vient de doucher le gouvernement. Les travailleurs ne veulent pas des APC – Accords de Performance Collective. Le journaliste Bruno Rieth de Marianne en livre un aperçu saisissant. Les délégués de base FO et UNSA refusent cet accord pire qu’un PSE – Plan Social d’Entreprise.[4] En effet, à présent, pour le CAC 40, même les PSE sont des contraintes au vu de la Compétitivité exigée. Ne nous y méprenons pas Les Chefs de Projet du CAC  poursuivent un but hystérique :      Plus de CDI,   rien  des missions courte ou longue durée, quant à ceux qui sont en « excédent » : au RSA !

Voilà ce que nos gouverneurs doivent « assumer ».

Macron, petit télégraphiste de Trump

D’ailleurs, le pouvoir politique est déboussolé à c’te heure, il est conscient que la fameuse feuille de route ne tient pas la route. Les tentatives de Macron au Liban ou vis-à-vis de la Biélorussie pour mettre la situation sous contrôle de la dite « communauté internationale »sont tout bonnement utopiques, un peu comme si le diable prononçait des vœux pieux. Macron n’est ici que le petit télégraphiste de Trump et de ses challengers « démocrates ». Dans le même temps : « Nouvelle escalade des tensions entre Paris et Ankara ». Au Liban, en Biélorussie, le vent de la révolution souffle, malgré la répression la plus féroce et c’est bien cette levée en masse qui tracasse les « grands de ce monde ».

La France a renforcé sa présence militaire, ce jeudi, en Méditerranée orientale, en soutien à la Grèce, face à la Turquie qui est déterminée à pousser son avantage dans l’exploration d’hydrocarbures. »[5]  

La France ne se contente pas de montrer ses muscles en Méditerranée orientale :

«  Depuis 2015, les ventes de la France vers l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis s’élèvent à près de 6 milliards d’euros, relève Jon Cerezo, d’Oxfam. La France doit réagir et arrêter de se rendre complice d’une des pires crises humanitaires dans le monde et de la souffrance subie par la population yéménite depuis plus de quatre ans. »[6]

Bien sûr, quand nous parlons de la France, nous ne parlons pas du pays mais des dirigeants de ce pays. Et dire qu’ils ne jurent que par la transition écolo ! Et voilà que j’te facilite l’exploration d’hydrocarbures, que j’te vends des armes à foison et qu’je bétonne le Gross Paris. En contrepartie, la seule arme contre le Virus est : portez vos masques ! Mais pas question de promouvoir et de perfectionner la chloroquine, puisque ce serait un truc de gaulois réducteurs de tête, selon des media aussi conventionnels que subventionnels. Ces plumitifs ont fait leur Serment d’Hypocrite. 

« Les français ont le moral en berne »

Il arrive aussi que les sondages contrarient les visées conformes du pouvoir. Dans leur majorité, les gens sont gentils. Quand déboule un nouveau Premier ministre, 55% des personnes interrogées lui donnent un bon point, surtout si c’est un illustre inconnu avec un accent qui rocaille et une bonne tête de facteur champêtre. Un bémol s’impose pour tout sondage : on n’a pas les chiffres des personnes qui refusent de répondre aux sondages, faute de temps et d’envie. Mais, même dans ces conditions, lorsque le sondage interroge sur des sujets précis, la gentillesse n’exclut pas le mécontentement et la colère redoublée. Cela donne :

 « Les Français ont le moral en berne. (…)

70% d'entre eux estiment que le niveau de vie de la France se dégradera d'ici un an, soit deux points de plus qu'en mai dernier. Les décideurs ne sont pas plus optimistes : 71% d'entre eux partagent cet avis (-2 points par rapport à mai).

De la même façon, 86% du grand public s'attend à une hausse du chômage, comme 85% des décideurs. Le gouvernement ne cache d'ailleurs pas son inquiétude pour la rentrée prochaine, sur ce plan. Signe que les mois seront difficiles : 84% des décideurs estiment que les entreprises vont effectivement licencier…

Quant aux mesures à adopter pour aider les entreprises, certaines restent encore controversées. A commencer par les fameux accords de compétitivité qui permettent aux entreprises de modifier les conditions de travail comme le temps de travail ou le salaire, pour sauver les emplois. Si les décideurs sont partagés (47% y sont favorables, 47% défavorables et 6% ne se prononcent pas), le grand public y est plus hostile : 49% des Français y sont opposés "car les entreprises peuvent en profiter alors même qu’elles n’ont pas de difficultés conjoncturelles" contre 40% qui y voient "un dispositif utile qui permet de sauvegarder des emplois et des compétences."

L'opposition est encore plus franche sur le temps de travail : 55% des Français refusent de toucher à cet "acquis social" (contre 51% des décideurs) contre 36% qui s'y raisonnent pour "améliorer la compétitivité" française. »

(Baromètre des Décideurs réalisé par ViaVoice pour BFM Business, le Figaro et HEC Paris)[7]

Dans la nouvelle catégorie socio-professionnelle des « décideurs », il y a une grande majorité de « petits » décideurs. Ceux-là non plus ne veulent pas qu’on touche au temps de travail et se défient des Accords de Performances Collectives. Beaucoup sont des sous-traitants qui risquent d’être sacrifiés ou plus sévèrement spoliés. Ils savent qui sont les vrais décideurs économiques : le CAC40 !

Le gouvernement du CAC40

Le pouvoir politique est donc le représentant le plus direct du grand Capital. N’ayant aucun appui sérieux et stable dans la société civile, il ne peut gouverner sans le concours actif des hautes bureaucraties syndicales et des politiciens d’opposition. Il ne peut gouverner qu’en cherchant à monter les gens contre les autres, singeant ainsi le RN.

Le Darmalin a ressuscité la formule lepéniste de « l’ensauvagement de la société » lancée en 2015. Ce type de formule est, en fait, un « classique » de la vieille, très vieille droite contre les classes populaires, contre « la chienlit ». En désignant à la vindicte les « sauvageons », Chevènement avait emboîté le pas de l’oie à cette droite française qui a la réputation d’être « la droite la plus bête du monde ».

Or, monsieur Macron et sa suite gouvernementale nous donnent sans cesse d’exemple de l’ensauvagement du pouvoir. Un ensauvagement que ni Macron, ni ses ministres ne parviennent à dominer, un peu comme si ce rafiot gouverneur était une vieille chignole qui fait tout le temps de l’auto-allumage et tente des excès de vitesse, frein à main serré.

Caniveau

Du coup, deux ministres se sont affrontés à fleurets non mouchetés : madame   Barbara Pompili vs monsieur Darmanin (encore lui !) ;  et Pompili de lui indiquer « le caniveau ». Et là, il ne se trouve pas de Premier ministre pour « recadrer » les deux « ensauvagés ». Les « couac » sont entrés dans les mœurs de la Cour. Ce faisant, ce lundi 17 août, Emilio Meslet note dans l’Huma : « La ministre de la Transition écologique a autorisé l’usage d’un pesticide tueur d’abeilles, revenant sur la loi qui porte pourtant son nom, votée en 2016. »[8]    

Notre pronostic de juin 2017 semble se confirmer : le nouvel État français, version « république en marche » est bel et bien en cours d’effondrement. Il peut aussi bien crever sous le coup d’une explosion sociale générale que sous l’empire de sa crise politique.

A suivre, à partager si ça vous dit ou à survoler. Tout bien à vous toutes et tous, à vos proches, à tous les enfants.

Dans notre prochain billet : retour sur les comités sociaux d’entreprise, le projet de Conseil de la participation et le Pétainisme bobo de Macron and Co.

 [1] https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/2017/01/26/35003-20170126ARTFIG00107-darmanin-presente-macron-comme-un-candidat-bobopopuliste.php

[2] http://www.meteo-paris.com/observations/26-janvier-2017/page/1

[3] https://www.francetvinfo.fr/politique/francois-fillon/penelope-fillon/affaire-penelope-fillon-six-questions-autour-de-l-enquete-ouverte-pour-des-soupcons-d-emploi-fictif_2036579.html

[4]  https://www.marianne.net/societe/accord-de-performance-collective-le-sentiment-de-trahison-des-salaries-de-derichebourg?utm_source=nl_quotidienne&utm_medium=email&utm_campaign=20200812&xtor=EPR-1&_ope=eyJndWlkIjoiYmNkNGYxMjJmNTg5ZjRjYWEzNDcwMDllMzE1NDJmNDcifQ%3D%3D

[5] https://www.letelegramme.fr/monde/nouvelles-tensions-entre-la-france-et-la-turquie-en-mediterranee-13-08-2020-12598186.php

[6] https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/04/la-france-a-vendu-des-armes-pour-9-1-milliards-d-euros-en-2018_5471354_3210.html

[7] https://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/crise-economique-les-francais-ne-veulent-pas-remettre-en-question-le-temps-de-travail-1953737.html  27/07/2020

[8] https://www.humanite.fr/environnement-barbara-pompili-retropedale-tout-va-sur-les-neonicotinoides-692480

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