Même notre gouvernement ultralibéral s'en est rendu compte : nous allons devoir renoncer à ce confort carboné dans lequel nous baignons depuis les "trente glorieuses". Toutefois, dans l'esprit momifié par l'idéologie de la bourgeoisie, le renoncement ne devrait pas atteindre les classes supérieures et ne concerner que la médiocre consommation des masses populeuses, donc dépensières. On commence à parler de sobriété (décroissance est toujours un gros mot) et on ne sait pas trop ce qu'il y a derrière. La sobriété contrainte (le prix du gaz augmente alors vous en consommerez moins puisqu'on n'augmente pas vos salaires) ou la sobriété choix individuel (j'ai mis un gros pull et coupé le chauffage, c'est mieux pour la planète). Je milite pour une sobriété collective, choisie et éclairée en faisant le pari qu'on peut vivre mieux en consommant moins.
Et le débat actuel sur le "pouvoir d'achat" est bien mal engagé, débat qui n'aborde jamais la question de la qualité mais uniquement celle de la quantité. Ainsi, devant la montée inexorable du prix du pétrole, la seule réponse des politiques est la baisse du prix du litre d'essence. Moins de marge pour Total ou moins de taxes pour l’État, voilà la seule alternative qu'on nous propose alors que la question ne devrait plus être celle-là et depuis longtemps.
Le véhicule personnel doté d'un moteur à combustion est une folie passagère de l'humanité et à un moment ou à un autre, par choix conscient ou contraints par les évènements, nous allons devoir vivre sans. Je ne vais pas ici lister les raisons qui justifient cette affirmation ni répondre aux hypothèses qui permettraient peut-être que ça dure encore un peu (la fausse bonne idée de la voiture électrique par exemple). Ce sont justement là les débats stériles qui nous empêchent d'avancer. Nous allons devoir vivre sans voiture. Alors, comment on fait?
Il y a tellement à faire et on ne bouge pas. Développer les transports en commun, évidemment, aller vers la gratuité. Rendre accessibles les solutions de véhicule individuel décarboné, vélos, traction animale (Si si, ce sont des solutions d'avenir et sans maltraitance animale). Mais aussi rapprocher les gens de leur travail, désengorger les grandes villes ce qui tombe bien parce que si on veut bien manger, on a besoin de beaucoup de monde à la campagne.
Et puis, en attendant, on peut développer des solutions transitoires, des solutions collectives. On peut posséder collectivement des véhicules individuels. Si, on peut. Si on a besoin de temps en temps d'une voiture parce que les transports en commun, ce jour-là, ça ne colle pas et bien on utilise la voiture de la commune, du quartier, de l'immeuble, de la bande de copains. Mais les solutions collectives, il faut les construire collectivement et ne pas les confier à des entrepreneurs capitalistes dont le but est le profit (Blablacar et ses amis).
Et il faut le faire maintenant, AVANT que nos voitures soient abandonnées sur le bord des routes avec le réservoir vide, AVANT que les automobilistes enragés (comme tout drogué frustré) ne balayent nos institutions et que ne sorte de cette fureur populaire un gouvernement néofasciste (que pourrait-il en sortir d'autre?).
Il y a tellement à faire et on ne bouge pas. Un jour ou l'autre, on devra communiquer sans smartphone. Encore une folie passagère, un luxe qu'on ne peut pas se permettre et je ne dis pas pourquoi parce que tout le monde le sait, ce n'est pas l'information qui manque. Alors, évidemment, aucun d'entre nous ne veut être le premier à vivre sans, isolé, puni. C'est d'un abandon collectif qu'il s'agit, de s'organiser autrement, collectivement. Vous vous rappelez les cabines téléphoniques, installées et maintenues en bon état de fonctionnement par la collectivité. Il y en avait partout en France, dans les plus petits villages. Chez moi, c'est devenu une annexe de la bibliothèque municipale, on peut y prendre et y déposer des livres.
Et là encore, il y a des solutions transitoires. S'il existait un seul modèle de smartphone, universel, solide et réparable, qu'on pourrait utiliser une dizaine d'années sans en changer, ce serait beaucoup plus soutenable, mais beaucoup moins fun, n'est-ce pas, surtout pour les multinationales qui engrangent les milliards sur notre dos.
Il y a tellement à faire et on ne bouge pas. Chacun d'entre nous a une machine à laver, une perceuse, une tondeuse si il a un jardin, une centaine d'appareils électrique dans chaque foyer disent les études et certains sont si peu utilisés que cela parait incroyable. Nous voulons tellement posséder. Pourtant, en mutualisant, en mettant en commun, avec nos voisins d'immeuble ou de lotissement, on pourrait faire des économies importantes, gagner du pouvoir d'achat. Et des pouvoirs publics conscients devraient aider à mettre en place ces communautés de possesseurs d'objets. Dans un village, on pourrait avoir une bétonnière, une débroussailleuse, une remorque municipales, par exemple. Et un cheval municipal entrainé à tirer la remorque, pourquoi pas?
Mais si les industriels n'écoulent plus leur camelote, le système s'effondre! Si nous cessons d'acheter, le capitalisme ne sait plus comment faire, il est perdu. C'est ça aussi le pouvoir d'achat! Et comme les capitalistes nous promettent l'apocalypse si on tente de se passer d'eux, la peur nous retient. On continue comme avant parce qu'on est terrorisé à l'idée que le changement se terminerait dans le chaos. Mais il se terminera dans le chaos si on ne change pas. Cette idée, nous devons la mettre en avant avec force. Le changement ou le chaos.
Il y a tellement à faire et on ne bouge pas. Pendant la pandémie, les avions se sont arrêtés de strier notre ciel et cela ne nous manquait pas. Ce serait facile, je crois, de vivre sans avions. Il n'y a que les bourgeois, les possédants, les riches qui prennent l'avion. Désolé pour vous si vous en faites partie. Des ingénieurs de l'industrie aéronautique nous ont expliqué qu'il faisaient des avions mais qu'ils savaient faire beaucoup d'autres choses et que si on voulait des vélos, des éoliennes ou des charrettes, ils savaient faire aussi. C'est une question de choix. Mais nous avons juste choisi de continuer comme avant, de laisser voler les avions. Parce que les capitalistes ont prévenu, sans les avions tout s'effondre.
On a peur de l'effondrement. On vote Macron parce qu'on a peur. On ne change rien parce qu'on a peur et on le sait, la peur est mauvaise conseillère. Elle conseille à chacun de chercher à s'en sortir, en gagnant plus, en s'en prenant à son voisin qu'on rend responsable de la catastrophe, en allant vivre très loin de tout ça, en construisant un bunker au fond de son jardin, toutes solutions qui augmentent la violence de la société, donc la peur dans un cercle particulièrement vicieux.
C'est donc à nous, les militants, de décrire un avenir sobre et souhaitable, et un chemin plausible pour y parvenir. A nous de raconter comment ce serait bien une communauté qui s'entraide, qui produit ce dont elle a besoin, qui n'exploite et n'agresse personne à l'autre bout du monde, une communauté simple où chacune et chacun fait sa part et reçoit en échange ce dont il a besoin, où chacune et chacun a sa place, quelle que soit son genre, son orientation sexuelle ou son origine, une communauté où les décisions sont prises ensemble et où celles et ceux qu'on délègue s'en tiennent au mandat qu'on leur a fixé. A nous de le faire vivre dans nos communes, là où tout est déjà possible, à nous de créer les médias qui diffuseront les expériences, les solutions, les idées. A nous de vivre simplement, en accord avec le monde tel que nous l'imaginons.