Je reprends le texte d'Alain Badiou à ce moment où il traite, par deux exemples, du concept philosophique d'événement. Lors du fragment 4, nous avons vu ce qu'il en approchait, avec l'exemple de la place Tahir lors du printemps arabe en Egypte. L'autre exemple est celui de Mai 68 en France.
Pourquoi Mai 68 fut-il un réel événement en France ? Et pourquoi, au-delà d'une certaine déception, au-delà de ce qu'on appelle bien trop commodément l' "échec" révolutionnaire, cet événement a-t-il laissé à ses acteurs, du moins à ceux que la corruption des années 1980 n'a pas changé en morts-vivants, le souvenir d'un moment intense, transfiguré, absolument heureux - même si angoissé - de leur existence ?
La raison en est que l'occurence simultanée d'une révolte massive des étudiants et de la plus grande grève générale jamais vue des ouvriers des usines a révélé, dans le monde "France des années 60", que la stricte séparation entre jeunes intellectuels et jeunes travailleurs en tant que loi de ce monde était une nécessité vieillie.
L'événement a révélé précisément que cette loi pouvait, et ultimement devait, être remplacée par son contraire : un nouveau courant politique crée par l'unité directe entre jeunes intellectuels et ouvriers.
Si le Parti communiste français n'a pas été un acteur positif dans cette affaire, mais plutôt une cible du mouvement, c'est parce qu'il était lui aussi organisé suivant la loi de cette séparation : toute relation directe entre les cellules d'intellectuels et les cellules communistes des usines étaient strictement interdites. C'est pourquoi ce parti faisait également partie du vieux monde.
Le réel du "nouveau" monde, dans le cadre du vieux monde révélé par l'événement, consistait dans l'affirmation qu'une forme d'unité politique qui avait été interdite par toutes les composantes du monde ancien, était possible.
Et la découverte qu'il était parfaitement possible de faire dans la socité le trajet de cette unité, de briser les barrières sociales, de devenir les égaux d'une politique qui s'inventait en même temps qu'elle se pratiquait, était la source d'une illumination subjective sans précédent.
à suivre