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Billet de blog 26 avril 2013

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9- Destitution de l'emblème démocratique, ou l'homme démocratique ne fait loi que du désir qui passe

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La fameuse description que donne Platon de l'anarchie existentielle des démocrates satisfaits se présente d'abord comme une sorte d'éloge ironique de ce que Socrate appellera un peu plus loin "ce mode de gouvernement si beau et si juvénile":

L'homme démocratique ne vit qu'au pur présent, ne faisant loi que du désir qui passe. Aujourd'hui, il fait une grasse bonne bouffe arrosée, demain il n'en a que pour Bouddha, le jeûne ascétique, l'eau claire et le développement durable.

Lundi, il va se remettre en forme en pédalant des heures sur un immobile vélo, mardi, il dort toute la journée, puis fume et ripaille. Mercredi, il déclare qu'il va lire de la philosophie, mais finit par préférer ne rien faire. Jeudi, il s'enflamme au déjeuner pour la politique, bondit de fureur contre l'opinion de son voisin et dénonce avec le même enthousiasme furieux la société de consommation et la société du spectacle.

Le soir, il va voir au cinéma un gros navet médiéval et guerrier. Il revient se coucher en rêvant qu'il s'engage dans la libération armée des peuples asservis. Le lendemain, il part au travail avec la gueule de bois, et tente vainement de séduire la secrétaire du bureau voisin. C'est juré, il va se lancer dans les affaires! A lui les profits immobiliers! Mais c'est le week-end, c'est la crise, on verra tout ça la semaine prochaine.

Voilà une vie en tout cas! Ni ordre, ni idée, mais on peut la dire agréable, heureuse, et surtout aussi libre qu'insignifiante. Payer la liberté au prix de l'insignifiance, cela n'est pas cher (1).

La thèse de Platon est qu'un jour ou l'autre ce mode d'existence - dont l'essence est l'indiscipline du temps - et la forme de l'Etat qui lui est appropriée - la démocratie représentative - font advenir de façon visible leur essence despotique, à savoir le règne, comme contenu réel de ce qui se donne comme "beau et juvénile" du despotisme de la pulsion de mort.

C'est pourquoi l'agrément démocratique s'achève, pour lui, dans le cauchemar réel de la tyrannie.

(1) Passage extrait de La République de Platon, dans la version qu'en fait Alain Badiou, Fayard 2012.

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