Il est près de deux heures. Je viens de laisser sur le fil d'un blog ami, François Périgny, quelques traces d'une réflexion sur ce qu'il en est de voir du côté de l'art. Cela dit, je ne saurais aller me coucher sans reprendre la lecture d'un passage d'un ouvrage récent du philosophe Alain Badiou "Métaphysique du bonheur réel": le chapitre III qui a pour titre " Pour être heureux faut-il changer le monde ? ". Chapitre que je vais commencer à retranscrire ici et que je poursuivrais au fil des jours jusqu'à son terme, en quelques séquences choisies qui, je l'espère, amèneront les quelques uns intéressés par ce thème à la curiosité d'y aller voir de plus près.
" Une grande tradition de la Sagesse immémoriale revient à dire que l'homme doit adapter ses désirs aux réalités, plutôt que de vouloir adapter les réalités à son désir.
" Dans cette vision, il y a comme un fatum du réel, et le bonheur le plus élevé dont l'humanité est capable réside dans l'acceptation sereine de l'inévitable.
" La philosophie stoïcienne à donné forme à cette "sagesse" constamment dominante, y compris aujourd'hui, où elle se dit ainsi : le petit bonheur domestique, consommateur, connecté et vacancier, que le capitalisme et sa "démocratie" offrent aux citoyens privilégiés de l'Occident n'est peut-être pas exceptionnellement intense, mais désirer autre chose - le communisme, par exemple - conduit invariablement au pire.
" Dans cette propagande, les "réalités", économiques pour l'essentiel, nous imposent la propriété privée et la concentration du Capital comme le Destin auquel doivent se plier tous nos désirs.
" Quand Saint-Just, en pleine Révolution française, écrit que " le bonheur est une idée neuve en Europe", c'est à une tout autre vision des choses qu'il appelle le sujet humain. La Révolution doit déraciner le vieux monde, et établir un lien essentiel entre la vertu (dont le contraire est la corruption, ressource invariable du pouvoir des riches) et le bonheur.
" C'est dire qu'un changement total du monde, une émancipation de l'humanité tout entière au regard des formes oligarchiques qui la dominent invariablement, depuis l'esclavagisme antique jusqu'au capitalisme impérial, est la condition préalable pour qu'un bonheur réel puisse être une possibilité vitale offerte à tous. "
Voilà pour l'ouverture. Les prochaines séquences porteront le questionnement sur trois mots : un nom (monde), un verbe (changer), un adverbe interrogatif (comment).