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Billet de blog 29 avril 2015

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Pour être heureux, faut-il changer le monde ? 4

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Quelle est la signification exacte du verbe "changer" dans toute cette affaire ?

" En fait, reprends Badiou, je pense que nos distinctions sont par trop imprécises pour nous fournir une signification claire de l'expression "changer le monde".

" Après tout, ce n'est pas vrai qu'un monde puisse changer en tant que totalité. Il faut voir les choses en fonction des différents niveaux sémantiques du nom "monde".

...

"Prenons l'exemple fameux de la révolution bolchevique en Russie en Octobre 1917. Le grand journaliste américain, John Reed, a écrit un récit de cette révolution auquel il a donné le titre de Dix jours qui ébranlèrent le monde.

" Mais de quel monde s'agit-il ? Ce n'était assurément pas un changement complet du monde capitaliste, comme Marx ou Lénine en rêvaient...

" Quoi qu'il en soit, cet événement local a eu des conséquences à longue portée... Mais durant la seconde moitié du XXe siècle nous avons assité à l'effondrement de pratiquement tous les "Etats socialistes"...

"Certes, une partie du monde a été ébranlée par la révolution russe... Mais, en fin de compte, notre monde global d'aujourd'hui est dominé par le capitalisme presque exactement comme l'était le monde d'avant cet événement.

" Nous pouvons donc en conclure que le plus important changement politique du XXe siècle n'a pas "changé le monde".

" En conséquence, et afin de comprendre le "Comment ?", je propose de substituer à l'idée de "changer le monde" un complexe de trois termes, de trois concepts : l'événement, le réel, les conséquences...

" L'événement est le nom de quelque chose qui se produit localement dans un monde et qui ne peut être déduit des lois de ce même monde. C'est une rupture locale dans le devenir ordinaire du monde.

" Nous savons qu'en règle générale les règles du monde produisent une sorte de répétition du même processus... Par exemple, dans le monde capitaliste... la répétition des cycles de l'investissement de la monnaie, de sa transformation en denrées et du retour à la monnaie... la relation répétitive entre salaires, prix et profit...

" Les crises cycliques ne sont pas des ruptures dans le devenir du capitalisme mais des parties rationnelles de son développement. C'est précisément pourquoi un événement n'est en aucune manière une crise classique...

" Un événement est quelque chose qui se produit localement dans le monde capitaliste globalisé, mais qui ne peut être compris dans sa totalité si nous nous contentons d'utiliser la logique répétitive du capital, y compris les crises systémiques.

" La force d'un événement réside dans le fait qu'il expose quelque chose du monde qui y était caché, ou invisible, parce que masqué par les lois de ce monde.

"Un événement est la révélation d'une partie du monde qui n'existait antérieurement que sous la forme d'une contrainte négative. Et la corrélation entre cette révélation et la question du bonheur est claire : comme il s'agit de la levée d'une contrainte, il y a aussitôt, pour tous ceux qui subissaient sans la reconnaître clairement cette contrainte, l'apparition de possibilités inédites de la pensée et de l'action.

" Or une définition possible du bonheur serait la suivante : découvrir en soi-même une capacité active dont on ignorait qu'on la possédait.

Un exemple récent, avant de revenir demain, sur un deuxième exemple relevant de l'événement que fut en France Mai 68.

" Une illustration de la force rélle d'un événement est la fameuse place Tahrir pendant le printemps arabe en Egypte.

" Une relation d'indifférence au mieux, et d'antagonisme au pire, entre musulmans et chrétiens était la loi communément acceptée dans le monde national "Egypte". Mais une étroite unité entre les deux communautés, en tant que nouvelle loi possible du monde, a été observée pendant l'occupation de la place par les masses populaires.

" Par exemple, des chrétiens ont protégé des musulmans pendant leurs prières, et, plus généralement, les slogans politiques ont été les mêmes pour les deux communautés.

" Et là aussi, même si le devenir histotique a été marqué par une sorte de circularité mortifère - la rupture entre la petite bourgeoisie éduquée et les islamistes ayant eu comme résultat de ramener les militaires - la trace subjective de ce temps d'unité demeure comme ce qui éclairera inévitablement l'avenir.

A suivre...

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