Essaie de ne jamais te répéter - ni dans l'icône, ni dans le
tableau, ni dans la parole,
si quelque chose dans son acte te rappelle un acte ancien,
alors me dit la voix de la naissance neuve :
Efface, tais-toi, éteins le feu si c'est du feu,
pour que les basques de tes pensées soient plus légères
et qu'elles ne rouillent pas,
pour entendre le souffle d'un jour nouveau dans le désert.
Lave ton ouïe, efface les jours anciens, ce n'est qu'ainsi
que tu seras plus sensible et plus blanc,
car tache sombre ils gisent sur tes habits
dans la sagesse, et dans le souffle de la vague
se tracera pour toi le neuf.
Ta pensée trouveras les contours, imprimera le sceau
de ta démarche.
Poème de Malevitch, écrit juste avant la composition du Carré blanc sur fond blanc (1918), dans une traduction d'André Markowicz. Ce poème se trouve commenté par Badiou dans son ouvrage LE SIECLE, chapitre 5. Passion du réel et montage du semblant, Seuil, 2005.