Alors que dans nos supermarchés la réduflation s'impose comme une nouvelle pratique commerciale, rétrécissant les contenus pour un même prix, le soin à domicile a pris également cette orientation pour permettre aux acteurs de santé de gagner plus. Bien loin de moi l'idée de contester les revendications pour une revalorisation de salaires des infirmières ou des kinésithérapeutes, chaque profession a pleinement le droit de batailler pour de meilleures conditions de travail et de revenus. Le soucis c'est que je conçois la bataille contre les financeurs quand l'employeur et le financeur privé ou étatique en sont la cible (ici la CPAM), mais beaucoup moins quand l'action porte atteinte aux soins dus à des malades, des personnes vulnérables dont la santé et la dignité en dépendent. Ainsi, force est de constater que certains soins , telles les toilettes, sont réduits en durée, de l'ordre de 50 à 70% du temps payé par la sécurité sociale. La cible: des personnes dépendantes, souvent sans famille présente, vulnérables, isolées, très âgées, incapables de de défendre, de se plaindre ou peur de perdre leur soignant.
Aidant de ma compagne, 76 ans, souffrant d'une pathologie neurologique très invalidante, je suis confronté au mythe cruel de la fausse politique du maintien à domicile, qui en fait n'existe que par la mobilisation bénévole des proches aidants. En leur absence j'observe un service bien au dessous du minimum technique, au point que la situation devient proximale de la négligeance voire de la maltraitance, tel que cela existe déjà en EHPAD ou à l'hôpital.. Le prérequis pour s'installer en libéral c'est 2 ans d'activité préalable (après l'IFSI, l'école de formation) , un peu court et sans validation de compétence du service où s'est déroulée l'expérience. La course au chiffre d'affaire ne doit pas rebondir sur les épaules bien faibles des bénéficiaires de soins d'autant que l'on parle ici de professions dont le revenu moyen est de 3500 euros , bien loin de celui pratiqué à l'hôpital bien sûr, ce qui pousse d'ailleurs 80% de ces professionnels à choisir le secteur libéral, pour un revenu doublé à minima et une absence d'encadrement.!!
Cette réalité bouscule les biens pensants, ceux qui en sont arrivés à spiritualiser le soin dans un espace sacerdotal qu'il ne faut pas remettre en cause, au risque au cas contraire de violer, après l'Eglise, un des derniers tabous de notre société. Personne, et d'autant plus depuis le COVID, ne se risque sur ce terrain, y compris la presse dite progressiste que j'ai interpellée, sans effet à ce jour.. La CPAM soulève bien sûr la question de la fraude (234 millions/an pour les kinés, 393 millions our les infirmières) . Mais si la CNAM déclare que "la lutte contre fraude est une priorité" et qu'il importe de "veiller à une bonne utilisation des deniers publics", il ne s'agit que d'une réflexion comptable, pas d'une prise en compte des patients et du déficit en soins que cela provoque. L'institution ne soulève jamais la réduction de temps du soin, difficilement vérifiable d'ailleurs en l'absence de dispositif de contrôle, sauf sur plaintes des bénéficiaires, rarement suivies d'effet.
Seules les fraudes les plus spectaculaires sont d'ailleurs identifiées, et les cas connus mettent en évidence des activités déclarées qui avoisinent de manière insensée les 24h/jour. Tant qu'à faire, là où il y a de la gène il n'y a pas de plaisir et la CPAM paye plutôt "à l'aveugle" tant qu'on reste dans des déclarations plausibles (moyenne régionale) . C'est tentant. Le contrôle médical, (comme l'inspection du travail au ministère du même nom), est de surcroît déshabillé, puisque 40% des départs à la retraite ne sont pas remplacés. Est-ce un hasard d'ailleurs dans le cadre d'une politique nationale ouvertement libérale. A la CPAM on compte surtout sur le seul logiciel "profileur" pour détecter les abus .. La CPAM laisse faire d'ailleurs dans un accord implicite avec les corporations. Le message est clair: on vous laisse réduire le temps de soin et en retour vous professionnels vous pouvez majorer le chiffre d'affaire en multipliant les actes. On s'achète ainsi la paix sociale sur le dos des malades.!! Indigne.
Nous affirmons ici que le malade est la priorité et que la fraude doit être recentrée sur le préjudice des patients . Un nombre important de malades déplorent , y compris sur le blog d'AMELI, celui de la Sécu, un comble, que les soins proposés à domicile sont en général réduits en temps à 10mm pour un temps prévu de 30mn. Pour une toilette on comprendra que le nez, les ongles, les oreilles, la bouche, ne sont pas correctement nettoyés et le plus souvent pas du tout, la peau non entretenue par un soin, les constantes ne sont pas prises . En kinésithérapie les 10mn deviennent l'usage pour les 30mn prévues, on voit en conséquence que des patients les plus valides se renseignent sur internet pour parfaire leurs soins. Les autres se taisent de peur de perdre leur seul kiné, rare visite à domicile. Or le soin est un acte global de prise en charge et de quel droit une personne dépendante n'a pas le droit à des soins d'hygiène ou une rééducation de qualité, identiques à ceux que peuvent se garantir eux-mêmes les valides .? Ma compagne qui bénéficie d'un AGIR 2 , dépendance totale, se voit infligée chaque jour une toilette/douche en 15mn habillage et déshabillage compris pour une facturation en AIS2 prévue en 1 heure.!! Le résultat est que les dents, par défaut de soins rigoureux durant un temps long, se déchaussent toutes. (soins que j'ai pris en charge après avoir constaté une parondontite.). Récemment j'ai détecté une escarre qui était "nettoyée" par le gants souillé de la toilette, à l'aveugle, sous la chaise de douche. J'ai du interpeller médecin et infirmière pour que le soin soit assuré selon les régles habituelles d'asepsie et qu'un matelas adapté soit fourni..!!
La CPAM estime, dans ses déclarations, qu'un infirmier libéral "ne peut exercer un nombre supérieur de 34 AIS/jour au risque au cas contraire que la qualité des soins ne puisse être garantie" . On se fiche de nous, puisque ces 34AIS devraient correspondre à 17h d'activité/jour. Certaines régions portent le seuil à 45AIS/jour.!! En conséquence, les soins ne sont pas effectués, certains inventés ou réduits en temps, alors que d'autres sont noyés en facturation dans des actes sensés être plus longs, telles les toilettes. Nous sommes dans un bidouillage comme mode de fonctionnement et ceci ne satisfait d'ailleurs ni les patients ni les bons professionnels.
Nous exigeons le respect par les kinés à domicile de l'application du préambule du titre XIV de la nomenclature des actes professionnels (NGAP) à savoir pour un patient "une durée ordinaire de 30mn pour chaque séance" durant laquelle " le masseur kinésithérapeute doit se consacrer exclusivement à son patient". En cabinet, transformés trop souvent en salle de remise en forme, il y a pire, puisque fréquemment la personne dépendante est refusée, parqu'elle présuppose justement cette prise en charge individuelle (la régle permet en effet de prendre 3 patients en même temps sur une activité homogène mais à condition de multiplier par 3 la durée de 30mn). Nous avons été personnellement confrontés 3 fois à cette exclusion discriminatoire, dont la dernière la semaine dernière pour une demande de kiné respiratoire.!! Sans réaction de la CPAM interpellée sur la durée du soin quand il existe et de l'exclusion des plus dépendants.
Nous exigeons le respect par les infirmières de l'art 11 alinéa 2 du titre XVI de la NGAP soutenu par la jurisprudence (Cass. Chambre civile 12/03/2015) .qui établi que "la durée de soins infirmiers d'une 1/2h s'impose à l'auxilliaire médicale". Nous exigeons que les toilettes facturées en AIS1 durent réellement 30mn et en AIS2 1 heure, (le coefficient est multiplicateur) et ne soit plus l'espace comptable qui permet de rattraper des actes moins payés et réduits en temps selon l'expression religieuse du XVIIème siécle : "déshabiller Pierre pour habiller Paul.".
Nous exigeons une révision de la nomencalture ,que tous les professionnels financés sur deniers publics soient soumis à un plafonnement raisonnable et réel du nombre d'actes de soins et que soit fixée une rémunération standard suffisante pour chaque acte . Ceci afin de ne plus inciter à multipler les actes et à en réduire d'autres, voire à les inventer et à les faire basculer d'un patient à un autre, ou encore à gonfler les indemnités kilométriques.!!
Nous exigeons une vérification effective et régulière du temps des actes de soins à domicile par des contrôles sur le terrain, et par un déclaratif des professionnels communiqué systématiquement au patient. Pièce qui pourra servir de base lors d'une anomalie ou d'une contestation.
Nous exigeons un nouveau mode de validation de la carte vitale. Que soit remis au bénéficiaire ou son représentant un ticket récapitulatif du soin, notamment pour des protocoles longs et répétitifs, avec le nombre d'actes et le temps passé. La carte vitale est devenue une carte bancaire à crédit ouvert à l'Eldorado de la collectivité, sans contrôle possible du patient, puisque le débit est toujours fait à postériori et à la fin de séquences de soins sur des semaines ou des mois. Je connais des infirmières qui empruntent la carte vitale des patient pour la valider au cabinet, je connais des kinés qui ,malgré une validation compléte d'un protocole, ne passent pas régulièrement chez une personne âgée.
Pour que les bénéficiaires de soins à domicile ne soient plus la variable d'ajustement du chiffre d'affaire du secteur libéral et victimes du laisser faire de l'autorité de financement , mobilisons-nous . Signons le pétition accessible à partir du lien ci-dessous. Communiquons la autour de nous, afin que les pouvoirs publics , garants de la qualité des prestations de soins, nous entendent et initient une vraie politique sanitaire au service prioritaire de ceux dont la santé ou la vie en dépend. Dans le cadre d'une philosophie qui replace le malade au centre de ses droits et de ses besoins.
https://www.change.org/p/non-au-chronodrive-du-soin-a-domicile