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Billet de blog 31 mars 2020

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Ce que le Covid--19 nous apprend sur notre genre humain

La crise sanitaire mondiale du Covid-19 nous apprend sur notre genre humain. Le coronavirus nous présente ainsi brutalement un miroir qu’il nous faut pourtant bien regarder en face même si l’image qu’elle renvoie de nous-mêmes n’est pas des plus glorieuses.

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Ce que la crise sanitaire du Covid-19 nous apprend sur nous mêmes

            Nous assistons incrédules à un formidable jeu de massacre, un jeu de chamboule-tout aux répercussions incalculables1 qui précipite encore un peu plus notre monde dans l’ensauvagement. Une crise du Covid-19 également révélatrice de notre formidable fragilité humaine où les trois milliards d’humains à ce jour confinés, se voient confrontés à leurs démons intérieurs, un peu comme si nos peurs existentielles individuelles avaient imprégné le monde extérieur pour tous nous unir dans la même angoisse planétaire. Comme si la déliquescence des liens sociaux, l’individualisme forcené de certaines de nos sociétés, nous ont amenés à ce point révélateur et charnière.  Conduis contre notre gré à cette situation paradoxale et à cette posture inédite de devoir pour protéger la collectivité de la pandémie opérer un nécessaire repli sur soi. Ce paradoxe va certainement bien sûr redéfinir nos relations sociales, mais est-ce pour autant vers une solidarité plus active que nous nous acheminons ?

            Rien n’est moins sûr car d’un point de vue général, nous avons depuis si longtemps laissé nos champs d’humanité, en jachère…

L’Homme et la prévention des risques : on ne voit rarement plus loin que le bout de son nez.

            Oui, on ne voit rarement plus loin que le bout de son nez et c’est une posture récurrente chez l’Homme de ne pas vouloir prendre les mesures propres à anticiper les risques menaçant notre espèce, pour meilleure preuve de cette évidence, cela fait bientôt quarante ans que les scientifiques du monde entier tirent le signal d’alarme sur les risques du réchauffement climatique avec le calamiteux résultat qu’on connaît.

            Il a toujours existé parmi nous de farouches partisans de la politique de l’autruche. Il a toujours existé un immobilisme « criminel » de certains décideurs politiques et institutionnels concernant la prévention des risques dès lors qu’on ne peut en redouter les effets dans l’immédiat. On ne va pas acheter des dizaines de saleuses et de déneigeuses pour quelques jours d’enneigement qui se produisent tous les trois ans, en France… On ne va pas arrêter non plus dans certaines communes d’enfler le coût des taxes foncières en construisant sur des zones que l’on sait parfaitement inondables… et on n’arrêtera pas de prendre des décisions politiques aberrantes telles celles prises en 2013 consistant à transférer la responsabilité de l’équipement et de la gestion des fameux  masques FFP2 aux seuls employeurs. Choix douteux qui nous vaut au début de la crise du Covid-19 d’en détenir dans les stocks de l’état 110 millions alors que trois ans plus tôt, nous en possédions un milliard.

            Bref, ces quelques « menus » exemples de notre inconscience collective, sont légions. Les coûts pour anticiper les risques de catastrophes naturelles ou sanitaires, quels que peuvent en être leur ampleur, sont quasiment toujours minimisés ou reportés sine die pour des raisons essentiellement comptables ou budgétaires. Dans bien des cas, nous préférons regarder ailleurs ou mettre comme la peureuse autruche la tête dans le sable sans compter par ailleurs que nous sommes incapables d’appliquer le principe de précaution dans bien des domaines ce qui nous vaut de créer nous-mêmes les dangers qui  nous menacent.

            Alors, qu’on le déplore ou non, cette irresponsabilité est bien une composante de notre nature humaine et l’Homme se révèle, nous devons bien le reconnaître, passablement orgueilleux, égocentré et a la fâcheuse tendance à se croire impuni, supérieur et indispensable. Indispensable notamment à la bonne marche du monde, mais rappelons que notre planète a déjà connu cinq extinctions de masse et qu’il serait présomptueux de croire que nous ferons forcément dans l’avenir partie de l’équation alors que la Terre se porterait sans doute mieux sans nous.

            L’Homme n’en déplaise à certains, ne trône pas sur la pyramide des espèces, nous sommes sur cette Terre que des invités et non des maîtres de maison ! Apparemment on a manifestement bien du mal à assimiler ce principe de base. La question maintenant à se poser est celle de savoir quel avenir laissons-nous à notre jeunesse. Celui de devoir affronter une catastrophe d’ampleur planétaire pour pallier à l’irresponsabilité collective de la génération qui l’a précédé ?

            Espérons que non.

Un jeu de roulette russe, mondial

            On croyait sans doute chacun de nous pouvoir passer entre les gouttes, que la catastrophe aurait lieu en un futur plus ou moins lointain ou en une autre contrée que la notre, en tout état de cause, une catastrophe qui ne risquait pas de nous concerner au premier chef. Manifestement c’est raté ! Uderzo est mort et le ciel nous tombe bien sur la tête. Nous avons le légitime sentiment que par ce jeu de roulette russe, mondial, le retour de boomerang nous arrive en pleine face, que nous entrons dans une sorte d’ère punitive où nous ne sommes plus les maîtres du jeu, maître des horloges. Où nous nous habituons peu à peu au pire, à l’inacceptable, à un état de survie permanent et où nous devons maintenant courber l’échine sous le joug d’un destin planétaire.

            Le virus du Covid-19, lui, vit tranquillement sa vie de virus, il contamine à l’aveugle, humbles ou puissants. Même s’il touche tout le monde dans un principe égalitaire, il reste en même temps un formidable révélateur de nos inégalités sociales car il affecte prioritairement les précaires, les chômeurs, les sdf et tous les « invisibles » que notre société laisse déjà ordinairement crever la bouche ouverte au bord de la route.

Le jour d’Après

            Combien de millions sommes-nous à élaborer des scénarios sur le jour d’Après ? Combien sommes-nous à vouloir croire que lorsque c’est notre espèce qui est menacé dans son existence même, le sursaut, notamment national, sera enfin au rendez-vous. Mais ne nous nourrissons pas trop vite d’illusions en croyant que cette crise du Covid-19 débouchera sur un nouveau paradigme sociétal. N’oublions pas que s’il y a bien une leçon à retenir de l’Histoire c’est que l’Homme est incapable d’en tirer justement les enseignements. Rappelons-nous, qu’après la seconde guerre mondiale, les survivants chantaient tous en chœur : « Plus jamais ça ! », il y eu pourtant suite à ce vœu pieu, une série effrayante de génocides, …du Rwanda, au Burundi, au Darfour, au Cambodge, en passant par la Bosnie-et-Herzégovine, la liste n’est pas exhaustive.

            Il serait également erroné de croire que les états nations frappés de plein fouet ne feront pas tout ce qui est en leur pouvoir pour sauver notamment le modèle libéral en lieu et place de prendre en compte enfin l’urgence d’une décroissance économique de grande ampleur et d’une transition écologique enfin capable d’enrayer globalement la catastrophe planétaire annoncé. Car la crise sanitaire que nous traversons n’est en rien en lien avec le réchauffement climatique, même si indirectement elle met évidemment en cause nos modèles économiques et notre mondialisation et bien évidemment notre tourisme de masse qui offre ici une bien belle autoroute au coronavirus.

            On peut, entre autres, tout de même espérer à minima qu’au niveau mondial, sera mieux réguler le tourisme de masse, que des scientifiques et experts seront mieux pris en compte par le monde politique, qu’un certain dégagisme mettra hors état de nuire certains hauts responsables politiques irresponsables,… que, dans le contexte spécifiquement franco-français,  la généralisation du télétravail viendra à bout des formidables résistances patronales, que le secteur de la santé sera enfin sanctuarisé et qu’il aura enfin les moyens financiers et humains d’exercer dignement leur métier. Que l’illusionniste Macron, comme à chaque conflit ou crise que la France traverse, n’en tirera pas un quelconque bénéfice politique, lui qui n’a pas su répondre depuis son élection à la détresse et aux S.O.S. désespérés du corps médical. Espérons également que dans cette redistribution brutale des cartes, la majorité présidentielle puisse se fissurer de l’intérieur, un bref merci au passage au pavé dans la mare d’Agnès Buzin, jusqu’au point qu’elle ne soit plus justement majoritaire.

            En effet,  lorsque cette crise prendra fin, pourrait-il avoir de changements politiques espérés ou désespérément attendus sous le joug autocratique et inégalitaire de cette présidence jupitérienne ?

            Personnellement, j’en doute.

Alain Nahmias

            1/ Pêle-mêle : risque d’effondrement de notre état de droit, explosion des banlieues, boom des jeux en ligne et de la consultation de sites pornographiques, mutineries en prison, explosion des violences conjugales et intrafamiliales et dans ce lot, quelques bonnes surprises inattendues comme le mouvement : « On applaudit », bel élan citoyen de solidarités envers notre corps médical ou cette subite prise de conscience que des sans-grade comme des camionneurs, des caissières ou des livreurs, se voient soudain élevés au rang de héros pour risquer ni plus ni moins leurs vies pour le prix d’un Smic.

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