La foire aux disques et à la BD a dû battre son record d'entrées (gratuites). Ah, si NTM avait été là !
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On a eu beau ouvrir une deuxième salle pour élargir les allées, la circulation était difficile ce jour-là, au premier étage des Halles. Pire qu'un samedi après-midi sans match dans les travées d'un hypermarché, caddies en moins.
Mais là, les clients ne tirent pas la gueule, épargnant les claques aux mouflets, et tout se passe sans envahissement de mélodies collantes. La musique, ils sont venus la chercher par milliers (impossible de savoir combien, au juste) dans cette salle polyvalente et alentour.
À chacun de trouver la sienne sur les étals des 58 exposants in, sans compter quelques off campant dans les accès. On vient seul, en couple ou en famille, une liste de courses à la main ou bien tout dans la tête.
Rock sont la plupart des visiteurs, évidemment jeunes, au milieu desquels des papys cool enveloppés et dégarnis trimbalent leurs cuirs élimés. Les générations se suivent et les tee shirts se ressemblent. Mais on croise aussi de vrais vieux, avec ou sans casquette, flanqués de leur double féminin, voire canin.
Il y en a pour tout le monde ici. Dans les bacs se terrent parfois d'austères airs d'autrefois ou des ritournelles passées de mode qui font rigoler les gamins et pleurer les ancêtres. Jean Sablon ou Tino Rossi, Berthe Silva et Fréhel ont toujours leurs fans.
Peut-être pas autant que les Stones ou Elvis. Ce dernier fait d'ailleurs un tabac, mes aïeux ! avec des 25 cm inédits cotés autour de 800 F. À part ça, on trouve aussi des petits CD à 10 balles.
Le rap et toutes les musiques urbaines poursuivent leur irrésistible carrière. La condamnation en justice des chanteurs de NTM n'y pourra rien. « Leur album a été déclaré disque de la semaine sur Béton », lance Alain Gaschet qui prévient : « Si l'interdiction de chanter est confirmée en appel, on fera tout pour leur organiser un concert en dehors de la légalité. Et on demandera le soutien de la municipalité de Tours… »
La légalité, elle a subi par ailleurs quelque outrage par exposition interposée. « Hommage aux pirates » étale au grand jour les noms et adresses de maints éditeurs de disques clandestins, pourchassés par la SACEM et les chasseurs de primes. « La police les a déjà, pourquoi pas vous ? »
Côté lecture, c'est aussi la richesse. Coincée dans les bulles ou plaquée sur les fanzines, la littérature de tout le monde montre ses avantages, comme les belles nanas de Crepax, Pichard ou Manara. La BD abonde et la clientèle afflue. Certains stands sont quasiment pris d'assaut.
Chez les exposants comme Daniel Fuchs, ancien complice d'« Hara-Kiri » et cofondateur de BD Boum à Blois, on est ravi. La fidélité est au rendez-vous. Au point qu'il faudra presque pousser dehors les derniers visiteurs, à l'heure de la clôture.
Un qui ne regrettera pas le déplacement, c'est ce gamin qui, ayant vidé sa tirelire, est tombé sur un vendeur d'une générosité superbe : « Si c'est pour ta mère, je te le fais à cinquante balles de moins… »
Alain Nordet, La Nouvelle République, Novembre 1996