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Billet de blog 4 janvier 2024

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Poli en position de missionnaire

« Loulou à la Nounou - Illustrations d'Azo »

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Première réunion publique, lundi à Tauxigny, du journaliste-candidat écologiste aux élections législatives. La ferveur dans l'intimité rurale.

Illustration 1
© Azo

II démarre pépère, sans starter, ni tambour ni trompette car il gère sa campagne des législatives en bon père de famille. Joseph Poli, ex-présentateur du journal de l'ex-Antenne 2, candidat Génération écologie soutenu par les Verts dans la 3ème circonscription, a tenu sa première réunion électorale à Tauxigny (près d'un millier d'habitants), au cœur du territoire convoité. Ne parlons pas de meeting : ils étaient une trentaine, des gens d'ici dont un fort contingent d'agriculteurs. Normal en ces lieux et sous ces couleurs.
À 20 h 30 pile, notre aimable confrère se présente dans le hall de la salle des fêtes qui porte encore les traces d'une réjouissance passée. Enveloppes surprises lit-on sur un mur. En attendant le 21 mars, date du scrutin… Une petite demi-heure laisse arriver les retardataires, sans doute arrachés prématurément à quelque étrange lucarne. Mme le maire, sur son trente-et-un, présente sobrement le candidat : « M. Poli, vous êtes la vedette. »
Le père Joseph retrouve instantanément sa posture cathodique. La silhouette confortable enveloppée de velours noir se découpe sur le rideau ocre qui ne s'ouvrira pas ce soir. Le spectacle c'est lui, Vu à la télé comme ils disent dans les pubs. Pendant près d'un lustre, on a pu le contempler ainsi chaque soir : tripotant son stylo, se caressant les mains, éclairant sa face débonnaire d'un bon sourire avant de se muer en chien battu pour annoncer quelque catastrophe. « Et maintenant, sans transition… » Impression de flash back, seule manque la cravate.

« La ligne juste des écologistes »

Car, tout en restant Poli, le journaliste s'est acoquiné avec ces voyous d'écolos pourfendeurs de cauchemars climatisés. À 70 ans, il est encore bien vert : « Quand les écologistes sont arrivés sur le devant de la scène politique, j'ai retrouvé mes réflexes de jeune homme. »
Et il la raconte, sa jeunesse, après « une adolescence gommée par la guerre », vouée à l'idée d'une Europe fédérale, forcément pacifique n'est-ce pas ? Avec Pierre-Henri Teitgen, « dont j'ai été l'un des collaborateurs. » Ses déceptions aussi : « J'ai abandonné la politique pour le journalisme après l'échec de la CED (*), donc du fédéralisme. »
Ah, le journalisme ! « Jamais objectif » mais toujours honnête, parfois accusé de parti pris pour ses raccourcis saisissants. Quand il parle métier, c'est l'illumination, les mains s'envolent avec les mots. Il en causerait des heures, comme à ses petits-enfants, oubliant presque les élections.
Mais les vieux démons ne l'ont pas lâché. Retour à la politique, les yeux sur « la ligne juste des écologistes » qui sont « naturellement rassembleurs » parce qu'ils « parlent clairement » comme Brice Lalonde. Grand principes (« Les valeurs, c'est très à la mode. Nous, c'est la qualité de la vie. ») et grands thèmes : partage du travail contre le chômage, ce « problème de société », drogue et délinquance dans les dortoirs urbains, l'agriculture en déclin et le troisième âge en expansion. Plutôt que de battre en retraite, Joseph part à la conquête d'une « nouvelle majorité » dépassant les clivages gauche-droite, pour « une politique de changement ». Toutefois, en fin de parcours, l'évidence le saisit : « Je ne vous ai pas parlé d'écologie. » Poli bande alors son arbalète : « Nous sommes arc-boutés sur nos positions. Je suis en mission ici. »
À l’heure des questions-réponses, le journaliste inverse les rôles. C'est lui l'interviewé. Mais il ne néglige pas l'appui de ses supporters, Gérard Sournia, le leader de Génération écologie en Touraine, et Jean-Claude Marchand, dont on apprendra par la suite qu'il est son suppléant. Les deux suppléent en effet quand les questions deviennent par trop techniques. Mais Poli tique quand on lui demande son programme : « C'est facile de faire un programme. En deux minutes, j'en torche un. » Et voilà.

Alain Nordet, La Nouvelle République, 4 février 1993

(*) Communauté européenne de défense : tentative d'intégration militaire rejetée par l'Assemblée nationale en 1954.

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