Alain NORDET

Abonné·e de Mediapart

79 Billets

1 Éditions

Billet de blog 5 février 2024

Alain NORDET

Abonné·e de Mediapart

Des papas pas pépères

« Loulou à la Nounou - Illustrations d'Azo »

Alain NORDET

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Des pères divorcés n'acceptent pas d'être séparés de leurs enfants. Une cinquantaine de militants de « S.O.S. Papa » ont manifesté samedi à Tours.

Illustration 1
© Azo

Ils sont divorcés ou séparés de leur compagne, leurs enfants sont à la garde de la mère et ils les voient peu ou pas du tout. Beaucoup d'entre eux se sont résignés, abandonnant tout espoir, d'autres s'organisent pour tenter de faire valoir leurs droits parentaux, mettant en avant le lien nécessaire avec le père et revendiquant pour lui une réelle possibilité d'obtenir aussi la garde de ses enfants.
La tâche n'est pas facile, compte tenu de préjugés tenaces, et plusieurs associations s'y sont accrochées. La dernière en date, « SOS Papa », a fait des petits en Touraine où une quarantaine d'adhérents se sont groupés depuis octobre dernier autour de Bruno Frette, délégué régional. Avec des renforts venus de Paris, ils ont manifesté samedi après-midi dans le centre-ville, brandissant pancartes et banderoles entre la place Thiers et la place Anatole-France, avec une station prolongée devant le palais de justice.

Les statistiques parlent

Ce lieu symbolique, fermé au public le samedi, n’avait pas été choisi par hasard puisque c'est le tribunal qui tranche les litiges – parfois dans le vif – à propos de la garde des enfants. À cet égard, « SOS Papa » n'est pas avare de statistiques. « En 1990, annonce Bruno Frette, le tribunal de Tours a confié la garde d'enfants au père dans 2,70 % des cas. Le pire, c'est à Blois où ce chiffre tombe à 0,70 %. La moyenne en France pour la même année était de 5 %. Elle est remontée à 7 % en 1992. Cela reste ridiculement bas. »
Les militants de « SOS Papa » se défendent pourtant de tout sexisme mais se plaignent, en revanche, de « la discrimination que pratiquent les juges » à l'égard des hommes. « Nous ne sommes pas contre les femmes, disent-ils, nous en avons d'ailleurs 20 % parmi nos adhérents, des compagnes, mères ou sœurs et même des mamans qui sont, comme nous, injustement privées de leurs enfants. »
Et de citer des exemples de traitement inégalitaire : « Un père de Tours qui n'a pas pu voir ses enfants depuis un et demi n'a pas encore réussi à obtenir une mesure de justice pour faire valoir ses droits et ceux de ses enfants. Nous, quand on ne paie pas la pension, ça réagit tout de suite. Un autre, qui n'a pu exercer régulièrement son droit de visite à ses enfants, habitant avec leur mère à l'autre bout de France, dans le Midi, a été déchu de ses droits. Depuis le 5 décembre, un papa a déposé en vain une dizaine de plaintes pour non-présentation d'enfants. En fait, le procureur ne poursuit que lorsque c'est la mère qui porte plainte. Dans le cas inverse, ça n'aboutit jamais. Pourquoi ? »

« Tous les enfants n'ont pas les mêmes droits »

Certes, la loi du 8 janvier 1993 a réformé l'autorité parentale « qui prend timidement en compte les droits de l'enfant ». Mais, ce texte ne régissant pas les litiges antérieurs, « tous les enfants n'ont pas les mêmes droits à leurs parents. » C'est pourquoi « SOS Papa » réclame la rétroactivité de la loi, une revendication contraire aux usages du droit français qui paraît difficile à satisfaire.
Le terrain législatif n'est pas le seul occupé par l'association qui s'occupe, en premier lieu, d'accueillir les pères, leurs nouvelles compagnes, de les informer et de les conseiller. « Nous avons, à Paris, des avocats parmi nos adhérents », précise Bruno Frette. « Ils agissent bénévolement, à la différence d'autres associations qui sont devenues des commerces. »
Le délégué régional souhaite pouvoir trouver à Tours le même appui auprès des membres du barreau. Avec son équipe, il recherche un local susceptible d’accueillir une permanence régulière où les pères trouveraient à la fois réconfort et conseils. Enfin, à plus long terme, il espère créer une sorte de relais, un lieu « neutre » où les parents désunis pourraient échanger leurs enfants lors des visites, pour réduire les sources de conflits et offrir aux gamins une atmosphère calme. Car lorsque les parents se battent, sont toujours les enfants qui prennent les coups.

Alain Nordet, La Nouvelle République, 14 mars 1994

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.