Loulou, par Bernard Aimé

Bernard Aimé est un vieux pote et collègue d'Alain Nordet, il a écrit ce petit texte :

Loulou,
Nous l’appelions Loulou, allez savoir pourquoi. Il nous appelait ses petits bézots, enfin ceux qui étaient ses préférés, les amis, les complices, les camarades.
Nous l’appelions Loulou et ça lui allait tellement bien et nous ne savions pas pourquoi, mais nous savions que Loulou était des nôtres, de ceux qui ne suivent pas le droit chemin, qui prennent les traverses sans prévenir, le sourire aux lèvres et le nez en l’air pour respirer loin du ras du sol. 
Fantaisiste, dilettante, imprévisible jusque dans le sérieux radieux qu’il mettait dans son travail de journaliste à la plume inspirée, intrépide, souvent irrévérencieuse et parfois foldingue dans l’expression d’un humanisme viscéral et sans affectation. 
Loulou est sans doute le seul journaliste qui, à peine embauché, se pointait à la rédaction avec trois ou quatre heures de retard, tout aimable, tout souriant, tellement souriant que le chef de service l’invitait simplement à s’asseoir à son bureau sans plus faire de cas après avoir menacé de licencier sur le champ l’olibrius arrivé de son pays de Caux sans tenir compte des usages locaux. 
Rigoureux, et fréquemment davantage encore, dans son activité / activisme syndicaliste, sans oublier évidemment d’être rigolard l’essentiel du temps, Loulou cultivait un art de la culture populaire sans apprêt, de l’anarchisme déluré et joyeux, du droit à la paresse, de l’extrême ordinaire quotidien. On pourrait appeler cela une leçon de vie irradiante, mais Loulou n’aurait pas accepté une formulation aussi emphatique.
Bernard Aimé