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Pour préserver les familles des nudités qui s'aiment à tout vent sur les bord de Loire, le maire de ce « Bout du Monde » a décidé d'araser les bosquets.
Par ces temps de frimas, comment ne pas rêver de plages ensoleillées aux antipodes ? Prenant l'actualité à rebours, la Nounou vous promène aujourd'hui dans des extrémités toutes proches. Ici, les grèves ne sont pas bordées de cocotiers enguirlandées de lianes et leur chaleur est davantage une question d'ambiance que de température. Outre son clocher ressuscité et son Café restaurant du Bout du Monde, Berthenay, allongée entre la Loire et le Cher, vous offre en effet « ses plages réputées naturistes, échangistes, homo, etc. », comme le relève plaisamment le maire de ce village entre deux eaux non loin de Tours. Pourtant, la formule n'est reprise dans aucun dépliant touristique officiel qui vendrait les charmes de la petite commune dortoir, au confluent de la Loire et du Cher. Au contraire, l'édile municipal, qui « n'a rien contre ces gens-là », souhaite cependant « qu'il ne leur soit pas permis de s'exhiber sur des lieux publics ». Car Berthenay, qui détient par ailleurs (mais ça n'a aucun… rapport) le ruban bleu de la croissance démographique en Touraine, est peuplé de familles que le chaud show choque, par gamins interposés.
Le maire durcit sa position
Pressé, donc, par une partie de sa population, Marcel Tavernier est sommé de durcir sa position à l'encontre des dévergondés qui, en s'aimant à tout vent, pervertissent les jeunes années. Lui en a 75 et sait prendre du recul, mais quand même. Le maire a tiré la sonnette d'alarme auprès des autorités responsables de l'ordre public et des bonnes mœurs. Pour dissuader les dissipés qui s'obstinent après l'interdiction des dragages en lit mineur, il suggère de faire couper tout ce qui dépasse, c'est-à-dire de raser les bosquets propices aux furtives rencontres. « La décision est entre les mains de ces messieurs », dit-il. « Lors d'une réunion sur le projet “Loire grandeur nature”, j'avais fait sourire en proposant au préfet une visite des lieux », confesse M. Tavernier. La réponse ressemblait à une dérobade : « Si l'on nous y voyait ensemble, que ne dirait-on pas ? » lui rétorqua le représentant de l'État. Mais alors quand le maire avance, si le préfet recule, comment veut-on que le projet s'articule ? (*). À sa place, la « NR » a saisi la perche tendue. Il suffit d'enfiler la départementale 88, à l'ouest, sans se laisser distraire par les pancartes proposant des chambres d'hôtes. Au bout de quelques virages bien raides, on arrive à proximité du pont SNCF de Cinq-Mars-la-Pile. Pas question de voir défiler le petit train de Shanghai sur la première plage. Celle-ci est naturiste. II y a peu, un fléchage permettait aux nudistes libertaires de s'y retrouver en famille. « Elle était même citée dans l'annuaire des plages naturistes » note le maire, qui a fait enlever les pancartes… La deuxième étape, après un nouveau déport à gauche, est le rendez-vous des homosexuels. « Que des hommes » semble déplorer Marcel Tavernier. La dernière se niche pas loin du pont, au lieudit « La Henrière ». Dans la froidure, on n'y croise actuellement que de couples de faisans, probablement échangistes.
Pas de quoi fouetter un chat en cette morte saison. Mais il paraît qu'aux beaux jours la queue (d'autos) s'allonge démesurément. « Il y a parfois jusqu'à une cinquantaine de voitures », assure le maire. Au point que les gendarmes dressent des procès verbaux pour stationnement illicite à cet endroit où le maudit gazon ne repousse pas, usé par les roues des uns et des autres. Les pouvoirs publics vont bien prendre un jour le taureau par les cornes. Mais a-t-on pensé aux usagers ? Marcel Tavernier est prêt à faire la part du feu en concédant aux différents amoureux de la nature un secteur réservé… et signalé officiellement. Quant aux porteurs de jumelles, ce sera pour eux échec et mat !
Alain Nordet, La Nouvelle République, 16 décembre 1996
(*) Toutefois, quand bien même il s'était fait tirer… l'oreille, le représentant de l'État est finalement bien venu, en mars 1998, comme le rapporte la Nounou : « Mais qu'est-ce qu'il est venu faire au “Bout du Monde” aujourd'hui ? », s'interrogeaient certains à propos de sa visite bucolique sur les chaudes plages. Si Daniel Canépa y a bien rencontré le maire en petit comité, c'était pour se rendre compte – de visu et es qualités – du toilettage ici effectué. Tel n'était pourtant pas l’objet premier de la visite préfectorale dans cette tranquille commune où l'on préfère l'amour de la nature aux amoureux dans la nature. Le représentant de l’État, en pantalon de velours et pull, avait chaussé ses bottes pour y assister à l'opération « Nettoyage de printemps », pratiquée ici comme dans une trentaine d'autres sites du département durant tout un week-end.
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