Pour appuyer sa demande de logement social, Djilalli Imchal s'est installé dans la cour du nouvel hôtel de ville de Tours.

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Cela fait quatre mois qu'il a posé ses cartons, face à l'entrée de la nouvelle mairie de Tours. Il occupe un recoin, au dessus de la chaufferie, ou bien déménage sur le trottoir de la cour. Son installation sommaire est souvent enlevée dans la journée par la police municipale. À travers les jets d'eau de la cour, Djilalli Imchal voit passer les membres de la municipalité tourangelle. Il les connaît tous et les apostrophe volontiers au passage pour réclamer, souvent vertement, des nouvelles de sa demande de logement.
Cet homme de 35 ans, qui revendique haut et fort sa dignité, n'est pas du genre à demander humblement la charité. Mince, le visage entouré d'une barbe clairsemée, le regard intense, il est habitué à la dure. Accoutumé aussi à ne pas manger tous les jours. Après avoir passé son enfance dans les Ardennes, Djilalli s'est perdu dans les méandres d'une vie précaire, passant plusieurs années dans la région parisienne, puis à Angers, avant d'échouer à Tours voici un an, sans plus aucun contact avec sa famille. Et sans toit.
Djilalli, refuse pourtant d'être étiqueté clochard. « Je ne fais pas la manche », se défend-il. Et d'expliquer : « En été, je travaille en intérim dans des entreprises de déménagement et de manutention. » Quand il n'effectue pas ce travail précaire, il perçoit l'ASS (Allocation spécifique de solidarité) de 2.200 F et un minuscule complément de RMI (170 F en février).
Avec ça, pas question de payer un loyer dans le privé. Les foyers d'hébergement qu'il a connus ne lui conviennent guère. Djilalli prétend bien s'entendre avec les autres, mais il est rétif au régime disciplinaire des foyers : « Les corvées étaient toujours pour moi… » Restent les logements réservés à l'urgence sociale. « J'ai fait les premières démarches en novembre dernier, mais je ne vois toujours rien venir », s'impatiente Djilalli en parlant de « promesses non tenues ».
À la mairie, certains contacts avec les élus ont été assez orageux, le sourcilleux demandeur ne s'embarrassant pas de ronds de jambes. On l'a même vu placarder de cruelles formules politiques en période électorale. D'où l'intervention des policiers municipaux..
L'adjointe en charge de son dossier, Annie Conin, avoue un certain découragement : « Il ne veut pas les foyers et je ne peux pas le mettre en HLM, étant donné son comportement qui présente des risques pour le voisinage. Je cherche une solution, ce n'est pas facile. » Le dialogue engagé vaille que vaille est retombé au point mort.
En attendant, Djilalli Imchal continue de loger dans ses cartons.
Alain Nordet, La Nouvelle République, Avril 1998