Elles grimpent entre le quai et la rue Tonnelé, à Saint-Cyr-sur-Loire, mais on n'en compte que soixante dix-neuf.

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Reliant le quai de la Loire à la rue Tonnelé, deux voies où l'on ne circule pas couramment à pied, les « Cent marches », sont aujourd'hui très délaissées. En dehors des randonneurs, des enfants ou de quelques personnes d'un certain âge, qui utilise encore ses jambes, à présent ?
Pourtant, la promenade estivale offre un certain charme… et de l'ombre. Serpentant entre de hauts murs, les Cent marches se grimpent aisément par paquets de quatre, parfois trois, d'autres fois cinq, selon une répartition apparemment aléatoire. Quand le souffle manque, on peut faire escale.
Arrondi
L'exercice physique peut aussi se doubler d'un calcul arithmétique. On s'aperçoit ainsi que le chiffre annoncé n'est pas tenu : elles ne sont que soixante dix-neuf ! En refaisant le compte dans l'autre sens, cela va plus vite mais ne change rien à l'évidence : le nombre a été sérieusement arrondi. Nos pères aussi avaient un certain goût pour l'exagération.
Les Cent marches sont aujourd'hui un peu délabrées. Entre les degrés, la chaussée bitumée a mal vieilli, ravinée par les pluies, encombrée de feuilles et de cailloux. Les murs sont parfois décorés façon banlieue : tags, graffiti et tutti quanti. Un amoureux transi a même écrit « Joanna je t'aime ». Signé « Zorn ». Le patronyme énigmatique cache un timide, sans doute. Sa déclaration ressemble d'ailleurs à une confidence, dans cet endroit déserté.
Une pétition
Pourtant, l'aménagement du passage pour grimper le coteau, entre les propriétés de la Galanderie et de Vaugenai, avait été réclamé à cor et à cri par la population de Saint-Cyr-sur-Loire. C'était en 1855, il est vrai. Une pétition avait même été transmise au maire de l'époque, M. Boutard, pour qu'il fasse installer un escalier.
La mairie et l'école se trouvaient alors sur le quai. Le chemin qui allait devenir les Cent marches débouchait face au pont Bonaparte, l'ancêtre du pont Napoléon qui lui a succédé légèrement en amont, à Tours. On y acquittait d'ailleurs un péage dont la recette s'ajouta à la souscription lancée pour financer les travaux.
Ceux-ci ne tardèrent pas à être exécutés et, le 1er décembre 1856, les Cent marches étaient ouvertes à la circulation piétonne. Plusieurs générations ont alors sué dans la montée avant que le passage ne devienne territoire des oiseaux et des chats qui les guettent.
Alain Nordet, La Nouvelle République, Jeudi 4 août 1994