Ce chien, dressé pour repérer les traces de produits inflammables, permet de détecter les incendies criminels. Il est unique en Europe, assure son maître.

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Expert judiciaire à Limoges, opérant sur toute la France depuis 14 ans, Robert Mazabraud ne s'enflamme pas facilement. Ses yeux sont pourtant de braise quand il fait l'éloge de son chien, devenu un précieux auxiliaire dans les investigations qu'il mène sur l'origine des incendies.
Habituellement, l'homme de l'art sait pourchasser sans chien les indubitables indices d'un feu occulte, dans les enfers fumants où l'expédient des compagnies d'assurances. Il est payé pour ça, que diable ! Son expérience l'amène ainsi à découvrir l'origine criminelle d'un sinistre là où le commun des mortels n'y voit que du feu.
Mais avec Max, c'est autre chose. « Il est capable de détecter sept substances inflammables différentes, à raison d'une goutte dans un tas de cendres », s'extasie son maître. Ces produits, que les spécialistes appellent de façon très imagée des accélérants, sont principalement des hydrocarbures et des dérivés d'alcool.
Toutefois, le nez n'est pas tout : « Le chien balaie très vite une zone et va droit sur le lieu suspect ». Voilà qui permet de rentabiliser l'enquête, avec ce technicien de surface rémunéré à la pâtée. Et en plus, il est gentil le pépère. Rien à voir avec le berger allemand qui se prend pour un shérif. L'adjoint à quatre pattes remue la queue à tout-va et se laisse éventuellement distraire d'une caresse. Quant à jouer, le labrador adore.
La méthode américaine
Pas étonnant qu'il ait de l'humour, il vient du Québec. C'est là qu'il est né voici 22 mois, élevé à l'américaine en français. Car la méthode du chien renifleur de décombres est encore une trouvaille yankee. « C'est en 1987, explique M. Mazabraud, que la police du Connecticut a décidé d'utiliser les chiens pour ce travail, en partant du constat que leur odorat est cent fois supérieur à celui de l’homme ». Les noirs de ce pays l'ont donc échappé belle (*).
Les résultats étonnants obtenus aux États-Unis, puis au Canada, ont concouru au succès du technichien. Si bien que, dans ces deux pays, 150 bêtes auraient été dressées à ce jour. Selon son maître, Max est le seul à exercer en Europe.
Arrivé à Paris le 3 octobre, il était à pied d’œuvre le lendemain. « Pratiquement à sa descente d'avion, raconte Hobert Mazabraud, Max a détecté des traces d'essence dans un incendie classé accidentel qui avait provoqué dix millions de franc de dégâts ».
On comprend, dans ces conditions, que les assureurs choient l'animal. Réunis dernièrement à Fondettes, près de Tours, avec pompiers, gendarmes, policiers et experts, ils ont apprécié les démonstrations de Max. Cela se passait sous l'égide de l'Agence de lutte contre la fraude à l'assurance, un organisme pas chien.
Alain Nordet, La Nouvelle République, 26 décembre 1996
(*) Certains lecteurs, croyant eux-mêmes flairer des odeurs suspectes, étaient tombés en arrêt devant cette phrase en nous secouant gentiment les puces pour cette formule sibylline qui les avait mis aux abois, écrivions-nous en réponse le 8 janvier 1997. Mais, loin de vouloir flatter les racistes de tout poil en aboyant avec les loups, l'allusion aux gens de couleur se voulait, au contraire, clin d'œil de connivence avec les « black people », le plus souvent traités comme des chiens dans l'Amérique profonde.
On pourra nous objecter que nous autres Français pourrions aussi balayer devant notre porte. Certes, mais la scène se passe dans cette lointaine contrée où des meutes encagoulées assassinent des Noirs, encore de nos jours…