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Billet de blog 12 décembre 2023

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Hépatite C, le virus oublié

« Loulou à la Nounou - Illustrations d'Azo »

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pour faire reconnaître cette maladie au même titre que le sida, une femme atteinte après transfusion sanguine se met au service des autres malades.

Illustration 1
© Azo

« On ne parle que du sida à propos des transfusions sanguines responsables de la transmission d'un virus. Mais il faut savoir que, même réchauffés, les produits sanguins peuvent transmettre celui de l'hépatite C, une maladie qui touche actuellement entre 500.000 et deux millions de personnes. On n'a pas de chiffres précis, mais Bernard Kouchner a reconnu qu'il s'agit d'une épidémie risquant de s'étendre à plusieurs millions de personnes en l'an 2000. »
Celle qui s'exprime ainsi sait de quoi elle parle. Opérée de la glande thyroïde en 1980, Simone Archambault a contracté le virus de l'hépatite C après une série de transfusions. Cette maladie n'avait pas encore été identifiée à l'époque (elle ne le sera partiellement qu'en 1989) et on la désignait alors sous le nom « d'hépatite non A, non B ».

« Vous ne guérirez jamais »
  
« C’est une hépatite chronique, vous ne guérirez jamais », s'est entendu dire cette dame à la cinquantaine si élégante qu'elle trompe la maladie. Deux ans plus tard. la moitié de son foie présentait des lésions. « J'avais devant moi la perspective d'une cirrhose, voire d'un cancer », dit-elle presque calmement.
Commence alors une bagarre contre le mal et son environnement, le rejet. Celui de l'entourage immédiat, comme pour les malades du sida : « On vous assimile facilement à un drogué ou bien à un alcoolique ». Vendeuse responsable en bijouterie à Paris, elle est licenciée en 1984 pour « abandon de poste ». L'employeur lui fait payer sans état d'âme une de ses nombreuses absences pour maladie.
Avec ses deux filles, elle vient s'installer la même année à Tours où elle a des amis. « Pour vivre, je n'avais que la pension alimentaire que me versait mon ex-mari. J'ai même dû vendre mon appartement. » Aujourd'hui, elle vit en H.L.M. où les beaux meubles qui lui restent de son ménage dévasté trompent le visiteur, comme sa mise soignée. « J'ai trop de dignité pour me complaire dans un rôle de malade », proclame-t-elle.

Elle se bat

Effectivement, elle se bat. D'abord pour tenter de faire reconnaître et prendre en charge totalement cette maladie que lui a donnée la société comme un cadeau empoisonné. Elle se bat pour elle et pour les autres contre ce qu'elle ne peut ressentir autrement que comme une injustice : « On a bien finalement accepté d'indemniser les séropositifs post-transfusionnels, pourquoi les malades atteints d'hépatite chronique dans les mêmes conditions ne le seraient-ils pas ? ».
Depuis, entre deux périodes dépressives communes à toutes les victimes de l'hépatite C, elle fait le siège des différentes administrations ou ministères concernés où elle est connue pour sa détermination. « L'emmerdeuse de service » était notamment à la manif de juin dernier devant le ministère de la Santé, avec l'Association de défense des victimes de la transfusion sanguine créée à Villejuif par une autre femme courageuse.
Le « rapport Micoud » qui s'est ensuivi, publié en décembre dernier, a reconnu que, pour cette maladie, « le risque de contamination est de nature sanguine, essentiellement post-transfusionnel », en prédisant : « L'hépatite chronique C sera un problème majeur de santé publique en l'an 2000 en France. »

« Ils ont appelé la police »
  
Mais les bonnes paroles ne sont pas suivies d'effet. « Je me bats depuis deux ans et demi pour être reconnue invalide », rapporte Simone Archambault qui n'en finit pas de raconter ses déboires avec la COTOREP, commission chargée notamment d'attribuer les pensions d'invalidité. Sa dernière déconvenue remonte à vendredi dernier : « On m'avait enfin accordé un rappel, mais son montant a finalement été réduit, tout comme celui de la pension mensuelle. J'ai demandé des explications mais, devant mon insistance, ils ont appelé la police ! »
Alors, parce qu'elle ne veut pas s'apitoyer sur son sort mais se battre pour ses droits et ceux des autres victimes, Simone Archambault a décidé de se mettre à leur disposition pour les aider dans leurs démarches et les conseiller : « Je veux que les gens soient respectés. Après tout. nous ne demandons pas la charité ». On peut l'appeler chez elle au 47***. « Ça me permettra de moins penser à mon propre problème », conclut-elle avec philosophie.

Alain Nordet, La Nouvelle République, Mardi 6 avril 1993

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