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Billet de blog 14 février 2024

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Le roi et Merlin vont au Graal

« Loulou à la Nounou - Illustrations d'Azo »

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Les clowns niortais revisitent la légende des chevaliers de la Table ronde : c'est le « Matagraal ».

Illustration 1
© Azo

La fiévreuse et impossible quête du Graal, du Grand Tout qui obsède l'homme, peut-elle être vraiment contée avec la révérence convenue pour ce qui touche au sacré ? Tant qu'à sombrer dans le ridicule, autant l'admettre d'emblée : tout ça, c'est de la foutaise.
C'est, semble-t-il, en partant de ce constat que les Matapeste réinventent l'histoire des chevaliers de la Table ronde. En cela, ils ne trahissent pas leurs origines clownesques remontant à 1978, quatorze ans déjà, l'âge ado. Des clowns forcément sublimes, puisqu'ils contribuent Intelligemment à chasser l'angoisse existentielle. Mieux vaut en rire en effet, puisque, faute de réponse universelle, prévalent des semblants d'arrangements individuels...
Coutumiers des détournements scabreux, les Matapeste ont écarté définitivement, au profit de l'Auguste candide, les clowns pailletés donneurs de leçons, gardiens des bonnes mœurs et représentants de l'ordre. Ils exhibent leurs gros nez rouges sans vergogne, comme ces ivrognes qu'il nous arrive d'être quand tombe le masque, quand éclate enfin la vérité d'être.
Leur « Matagraal » n'est rien d'autre que l'expression de cette évidence refoulée : on ne trouve que ce que l'on cherche. Or, les chevaliers tournent en rond, évidemment. Grossièrement épicurien pour le Teuton, fantasmatiquement hygiénique pour l'Anglois, obsessionnellement matérialiste pour l'Ibérique, le Graal des chevaliers tourne court. Tout cela drôlement exhibé pour nous faire rire, enfants, de ces manies adultes.
Dans cette entreprise follement réussie, les clowns niortais Francis Lebarbier (le roi Charles-Arthur) et Hugues Roche (Merlin) ont circonvenu les gentes dames du trio Pied-de-Poule. Subtiles et drôles, les voix de la reine Guenièvre et des fées, enchanteresse leur musique. Leur sort en est jeté, et Dieu est le plus grand. Les Chevaliers ont été recrutés en Europe : don Diego Ascensio, sir Paul Barette et herr Jan Büss, alias Pffel, font plus pour la Communauté que Maastricht en jouant dans leurs langues respectives que tout un chacun entend à la mimique près.
« Le Matagraal », créé a Bagneux, puis exporté à Berlin, a été triomphalement présenté en première pour le Grand Ouest, le 6 novembre à Châtellerault. Il sera au Manège de La Roche-sur-Yon, ce soir vendredi 13, une chance ! On le retrouvera au Moulin du Roc à Niort, les 17 et 18 novembre. Le retour au bercail pour le roi et Merlin.

  Alain Nordet, La Nouvelle République, 13 novembre 1992

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