Celle de Paris signe ses ouvrages à l'hôtel Mercure.
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Elle est résolument optimiste, Isabelle d'Orléans-Bragance, ci-devant Comtesse de Paris, quand elle rédige ses mémoires intitulées avec malice « Tout m'est bonheur ». Et, en effet, cela lui porte chance puisque le premier tome est sorti à 400.000 exemplaires, un tirage de Goncourt !
Mais ce succès de librairie ne lui monte pas à la tête. À 81 ans passés, la Comtesse ne prend pas des airs BCBG pour feuilleter son album (de famille), témoins les nombreux Tourangeaux venus à l'hôtel Mercure où elle dédicaçait ses ouvrages, dont le dernier consacré à « Blanche mon aïeule », autrement dit Blanche de Castille.
De sa belle écriture appliquée aux traits larges, elle a paraphé jusqu'au soir plus d'une centaine de livres vendus au profit des œuvres du Lion's Club pour les enfants autistes, outre ceux qu'avaient apportés d'inconditionnels lecteurs. En prenant chaque fois le temps d'échanger quelques mots, voire d'engager la conversation, avec ses visiteurs.
Des racines arabes revendiquées
Car la Touraine est son jardin, elle en connaît tous les châteaux par cœur. « J'aime les couchers de soleil sur la Loire, surtout à Amboise où le fleuve se courbe vers l'Ouest en devenant tout rose », dit-elle. Ce n'est pas par hasard si le patrimoine familial de la Maison de France a été déposé au château de la cité royale.
Sa famille, parlons-en : onze enfants, trente-neuf petits-enfants et sept arrière-petits-enfants. « Ma maison est une vraie gare de triage » avoue-t-elle. « Quand ils sont tous là, je ne peux rien faire ». Madame est une grand-mère sympa, mais débordée. Pour écrire, elle se réfugie dans sa Normandie natale, « le plus beau pays du monde », à Eu. « Avec un bon feu et de la musique (NDLR : classique, bien sûr), je vois ce que j'écris, j'écris ce que je vois dans ma tête ».
Sa mémoire ne se borne pas au début de ce siècle qui la vit naître. Elle remonte le temps jusqu'à cette aïeule de Castille qui lui a transmis du sang arabe, par la grâce d'un roi d'Aragon parti défendre un cheik de ses amis, lequel lui donna une de ses filles à épouser. Un vrai conte de fées en forme de défense et illustration du métissage des races… et une claque pour Le Pen.
Mais, à propos de la révolte des Beurs à La Rabière, les valeurs conservatrices reprennent le dessus : « Maintenant, tout le monde s'insurge, on n'accepte plus la discipline ni les jugements, c'est la pagaille générale ». Bon sang (bleu) ne saurait mentir…
Alain Nordet, La Nouvelle République, 16 décembre 1992