Pour le paiement d'une dette de 12.000 F, le pavillon d'un Saint-Cyrien sera vendu aux enchères le 20 septembre. Histoire d'un P-DG devenu RMiste...
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Il est un peu fataliste, Michel Maigrot, depuis le dépôt de bilan de la société qu'il avait créée en 1989. Posément, cet homme de 46 ans, marié, père d’un enfant, feuillette l’épais dossier qu’il a constitué au fil des ans, à mesure que s'accumulaient les papiers bleus. Soulignant des réflexions désabusées, son sourire dérange parfois l'ordonnancement d'une barbe soigneusement taillée.
Sur sa responsabilité propre, l'entrepreneur s'explique facilement. La chance n'aurait pas été avec lui. En revanche, il s'interroge toujours avec une sorte de naïveté sur l'acharnement des banques et les méandres de l'administration.
Plus de ressources
L'échec de son entreprise s'explique, selon lui, par des problèmes de santé et l'impossibilité de trouver du personnel qualifié. Pourtant, l'idée était originale et séduisante : il s'agissait d'un service d'entretien de véhicules à domicile. Pour lancer son affaire, il a dû emprunter 350.000 F. L'établissement prêteur ne tarde pas à lui en demander le remboursement. « Alors que j'avais déposé mon bilan fin janvier 1991, dit Michel Maigrot, la banque m'a envoyé l'huissier le 4 février, sous la menace d'une saisie immobilière. »
Le capital prêté ayant fait des petits, il se retrouve devoir payer près de 380.000 F. « J'ai vendu une propriété. Entre-temps, le véhicule de la société a été vendu aux enchères pour la moitié de sa valeur Argus. »
Peu à peu, la dette diminue. Mais l'ancien chef d'entreprise n'a plus de ressources : « Je n'avais pas d'allocations ASSEDIC, et j'ai vite compris qu'à mon âge on ne trouve pas de travail. Il ne me restait plus qu'à faire une demande de R.M.I. pour ma famille. Là, vous allez rigoler... »
Et de montrer une abondante série de courriers contradictoires lui accordant le bénéfice du R.M.I. début 1992 avant de le suspendre en fin d'année pour réétude du dossier, le rétablissant ensuite pour le suspendre à nouveau... Parcours similaire pour l'allocation logement. Courteline n'est pas mort.
C'est en décembre 1991 qu'une première affiche « A vendre » est apposée à l'entrée de sa maison à Saint-Cyr. M. Maigrot conteste et réussit à repousser l'échéance à plusieurs reprises, grâce aux renvois d'audience. Finalement, le tribunal constate l'apurement de la dette.
Pour les frais
Mais il reste encore à payer un peu moins de 12.000 F représentant les frais de poursuite engagés par le créancier. Une nouvelle date est fixée pour la vente aux enchères de sa maison en octobre 1993. M. Maigrot fait valoir son état de RMiste, si bien que la banque accepte de surseoir « provisoirement ».
Jugeant probablement que ce provisoire avait trop duré, le créancier vient de se manifester à nouveau pour faire exécuter le jugement. A Saint-Cyr, il y a une maison à vendre aux enchères le 20 septembre. « Pour 12.000 F qui ne représentent que des frais, puisque le principal a été réglé », s'esclaffe celui qui en est encore le propriétaire.
Il garde le moral quand même, Michel Maigrot. Au point qu'il vient de créer une société de production de rillettes de lapin. Encore une idée originale et, avec un peu de chance, qui sait ?
Alain Nordet, La Nouvelle République, Samedi 10 et Dimanche 11 Septembre 1994