Après avoir préservé sa maison d'une mise aux enchères, l'ex-P-DG devenu RMIste a lancé une nouvelle entreprise. Mais il doit se battre contre les moulins à vent…
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Menacé de voir sa maison vendue aux enchères pour une dette de 12.000 F représentant des frais de poursuite concernant un prêt commercial déjà soldé (voir notre billet précédent) in extremis un arrangement avec la banque. Il conservera donc son pavillon à Saint-Cyr.
À quelques jours de l’échéance prévue mardi dernier, cet ex-gérant d'une entreprise aujourd'hui en liquidation a en effet réussi à négocier avec le créancier une réduction de la somme réclamée, laquelle avait été majorée de frais supplémentaires. « On me réclamait environ 18.000 F, mais la banque a accepté de réduire la somme de moitié », se félicite M. Maigrot.
Celui-ci n'est cependant pas au bout de ses peines. Faute de trouver un emploi salarié à l'âge de 46 ans et après avoir tâté du RMI, il vient de lancer une nouvelle société. « Je remets sur les rails, dit-il, un vieux projet : il s'agit d'une entreprise de fabrication de rillettes de lapin. » Ça ressemble à un gag et pourtant c'est pour lui très sérieux.
L'audace ne fait pas défaut à notre homme qui, à l'appui de cet original projet, brandit son expérience professionnelle. Celle-ci n'a toutefois pas convaincu ses interlocuteurs après un « parcours du combattant » entre différents services de la chambre de métiers, en passant par la chambre de commerce et le député de la circonscription.
« J'avais préparé un dossier en béton avec l'aide du RILE (Réseau d'initiatives locales pour l'emploi) d'Amboise. On m'a renvoyé d'une personne à l'autre pour un résultat nul : aucune subvention ne m'a été proposée », déplore Michel Maigrot. Et d’ajouter : « Sud-Touraine développement m’a royalement offert 15.000 F, croyez-vous que c'est suffisant pour créer une entreprise ? »
Un nouvel endettement
Parallèlement, il dépose à la Direction départementale du travail et de l'emploi une demande de prime à la création d'entreprise. Moins de trois semaines plus tard, le dossier est rejeté. « Sans même me voir, dit M. Maigrot, une commission a refusé de donner son feu vert. Elle estime que je n'ai pas de qualification ni d'expérience professionnelle dans le domaine des produits alimentaires. Or, le produit a déjà été testé auprès de consommateurs et il répond à une attente de la clientèle. Quant aux imprécisions qu'on me reproche à propos du réseau commercial et d'approvisionnement, on ignore que l'avais pris tous les contacts nécessaires auparavant et que je dispose déjà d'un listing clients… »
Conséquence de ce rejet, l'entrepreneur n'a pu bénéficier du prêt à 0 % associé à la prime. Il lui reste à se débrouiller tout seul. « En tant que RMIste, je n'ai même pas droit à la couverture sociale gratuite pendant un an dont bénéficient les autres créateurs d'entreprises », s'indigne-t-il.
Finalement, Michel Maigrot a tout de même démarré sa société. Il lui a fallu s'endetter à nouveau en contractant un emprunt de 50.000 F auprès du Crédit Agricole pour son budget de fonctionnement. Il n'espère pas des lendemains faciles : « Je m'attends à de nouvelles difficultés financières si je ne parviens pas à trouver rapidement un associé », confesse cet infatigable entrepreneur qui conclut : « Non salarié, donc pas indemnisé par l'ASSEDIC, je ne pouvais faire vivre ma famille avec le R.M.I. Il faut bien que j'essaie de m'en sortir. »
Alain Nordet, La Nouvelle République, Jeudi 22 Septembre 1994