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Une jeune étudiante en première année de Droit, qui assistait mercredi à un procès d'assises a été appelée à comparaître sur le champ pour un « délit de presse » caractérisé et flagrant. La brunette avait candidement enregistré sans autorisation les débats sur un magnétophone, ce qu'interdit expressément la loi de 1981 complétant celle de 1881 sur la presse.
Lorsque les policiers de garde en salle d'audience repèrent la studieuse jeune fille, le délit est illico signalé à la présidente de la Cour, Mme Aubert, laquelle vient de suspendre l'audience pour laisser le jury délibérer en soirée. Émoi dans le prétoire : les faits sont non seulement justiciables de poursuites, mais ils représentent un motif de cassation pour le verdict à rendre.
Vite, il faut compulser fiévreusement les Dalloz pour qualifier cette (in)conduite et ordonner la comparution immédiate de la studieuse imprudente. Paniquée à la barre, la jeune fille en pleurs apprend qu'elle risque une amende de 300 à 30.000 F pour sa méconnaissance de la loi. Mais l'avocat général est bon enfant ce soir, il ne requiert aucune peine contre la jeune personne qui, sait-on jamais ? occupera peut-être un jour le siège du Ministère public...
Pour la défense, point n'est besoin d'un avocat : la bonne foi de la comparante plaide pour elle. Avec bienveillance, la présidente de la cour ordonne simplement la confiscation de la cassette litigieuse qui troublait l'ordre. Non sans faire observer qu'un panneau pourrait opportunément rappeler ladite loi à l'entrée de la salle.
Quant à la « délinquante », dont le casier judiciaire ne sera pas entaché par cette peccadille, elle saura sans nul doute tirer parti de ces travaux pratiques pour élargir ses connaissances juridiques. Dont acte et pour valoir ce que de droit.
Alain Nordet, La Nouvelle République, 4 juin 1993